Après une poignée d’EPs exceptionnels, un premier album majeur (« Aleph », 2013) et un deuxième happé par les sirènes du show-business (« Hyperion », 2019), retour en trombe de Mike Lévy vers cette forme d’œuvre au noir débutée voilà déjà 15 ans.
À la sortie de « Aleph », j’avais rédigé une petite chronique qui me semblait juste et sincère, et que je fis lire au Prince noir de la techno française avec qui je partageais pas mal d’affinités ainsi que des amis communs figures de la scène française techno/EBM, avant que celui-ci ne me « bloque » sur Facebook. C’est ballot : j’admirais le travail du jeune Gesaffelstein qui démarra sur les labels Goodlife (label de The Hacker qui parraina le jeune Lyonnais au début de sa carrière avant de monter Zone Records avec lui) et transforma l’essai chez Turbo Records avec trois magnifiques EPs, publiés sur cette structure dirigée par le DJ canadien Tiga, quand Gesa représentait encore pour nous un espoir de voir nos racines EBM communes enfin reconnues au-delà des cercles underground (argh ce fameux sample d’un titre des pionniers D.A.F. qu’il utilisait pour clore ses concerts !).
Devant Vitalic, et juste derrière les Daft Punk
L’homme en noir deviendra en quelques années une figure incontournable de l’entertainment électronique, produisant quelques titres assez sombres sur le « Yesus » de Kanye West et collaborant avec la crème du hip hop US au point de voir son statut de jeune talent évoluer de manière exponentielle vers une starisation internationale, jusqu’à devenir le producteur électronique français le plus côté au monde devant Vitalic, et juste derrière les Daft Punk. L’attrait du succès conduira aussi Gesaffelstein à emménager à New York pour gérer sa carrière américaine avec davantage d’efficience et jouir probablement d’un éventail d’opportunités accrues. Après une solide collaboration avec Jean-Michel Jarre, quel nouveau défi pouvait encore motiver le prodige électronique ?
À partir de cette fulgurante ascension, j’ai sporadiquement suivi son parcours de loin après « Hyperion » (2019), mais sans vraiment m’intéresser à ce qui était devenu pour moi un producteur comme les autres dans la galaxie electro internationale. Et puis un EP digital, intitulé « Novo Sonic System », déboule en catimini en 2019 finissant par titiller mes oreilles. Ce maxi annonce un retour inattendu à des sons plus durs et plus énergiques, sans toutefois changer la donne sur l’orientation du choix de carrière du projet Gesaffelstein. Puis, début mars 2024, les choses commencent à se mettre en place quand sur le compte Instagram de l’artiste on voit apparaître de grandes affiches avec l’intitulé du nouvel album « Gamma », et la diffusion d’un clip (signé par Jordan Hemingway) dévoilant le premier single Hard Dreams chanté par Yan Wagner.
Après « aleph », première lettre de l’alphabet hébreu, cette fois c’est la troisième lettre de l‘alphabet grec qui donne titre au nouvel album « Gamma ». Le jour de sa sortie, le 29 mars 2024, je me suis donc jeté dans une écoute frénétique de cet album avec quelques préjugés, mais aussi une vraie envie d’être surpris, ce qui fut le cas. On ne peut que constater un retour aux synthés electro-punks et aux boîtes à rythmes apocalyptiques frisant l’industriel, qui firent le succès précoce de Gesaffelstein. C’est le disque d’un homme en colère, expurgeant le dégoût d’un monde qui part en sucette, et contenant une vraie débauche d’énergie issue d’un esprit tourmenté qui rappelle l’esprit des grands pionniers punks électroniques Suicide (dont je viens de publier l’analyse du premier album éponyme chez Densité/Discogonie), Cabaret Voltaire, Fad Gadget ou Neon Judgement.
Faisant preuve de retenue, Yan Wagner pose sa voix de crooner new wave désabusé sur la moitié des tracks de ce disque (dans lequel il est largement impliqué, Ndr), et ce sont les meilleurs à mon goût. Ainsi, de Digital slaves à Hard dreams, en passant par Your share of the night, The urge ou The perfect, jusqu’à ce petit bonbon électronique baptisé « Lost love » qui me fait carrément penser au Cheree de Suicide.
Réminiscences Electroclash et New wave appuyées dans les tracks parfaitement chantés par Yan Wagner (un petit côté Codec & Flexor sur la piste 3) contrastant avec les coups de boutoir indus et post-punk d’Hysteria et Mania, folies électroniques épileptiques et hardcore qui rebuteront probablement les auditeurs habituels de Gesaffelstein, mais attireront sans aucun doute pour la future tournée mondiale des hordes de freaks déjantés et de fans d’EBM à l’ancienne venus en découdre. Autre nouveauté, les tracks ne durent pas plus de 1.55 ou 2 minutes, dans l’esprit du punk hardcore originel.
Gesaffelstein est donc bel et bien de retour au bercail, et on ne peut que l’en féliciter. Et quand au reste on laissera les commentateurs et les haters faire leur happening habituel sur les réseaux. De toute manière, la réalité l’emporte toujours sur le virtuel, et que tu le veuilles ou non, « Gamma » est à Gesaffelstein ce que les rayons gamma ont toujours été pour Hulk : une grosse montée d’adrénaline dans ta face.
Gesaffelstein // GAMMA // Sony
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2 commentaires
la plume la trabersse ou kell est donk ?
Suicide la caution synthétique, comme le velvet en son temps par la critique qui torche le cul des ziciens