L’été gagne du terrain, avec ses suées et ses chemises qui collent. À contre-courant, les chaînes câblées américaines débarquent deux séries givrées. Décryptage de l’automne pluvieux de The Killing (AMC) et de l’hiver brumeux de Game of Thrones (HBO), toutes deux baignées dans la complexité des relations humaines.

The Killing, la complexité du drame

Une photo noircie, les rues malfamées de Seattle, une pluie qui ne cesse de battre, voilà le décor de The Killing planté – The Killing est tiré d’une série homonyme danoise, le meurtre se déroulant à Copenhague. Pour le pitch, rien de bien gai non plus : une jeune adolescente est retrouvée morte noyée, poings et pieds liés, dans le coffre d’une voiture. Deux flics partent en quête du meurtrier. A cette atmosphère pesante viennent s’ajouter des performances d’acteurs remarquables. Bien loin de l’époque des séries de seconde zone, le genre attire dorénavant les plus grands ; Kristin Lehman, qui se mue en une inspectrice d’une froideur terrible, dénuée de sentiments et inexpressive au possible, seule contre tous et prête à sacrifier sa relation mère-fils pour résoudre l’affaire. Car rien n’est simple dans The Killing. Derrière le fond tragique du meurtre s’installe une guerre politique pour la conquête de la mairie de Seattle,  la détresse d’une famille qui implose et des histoires parallèles donnant profondeur et cachet aux personnages secondaires. Jouant du rythme hebdomadaire de la série, chaque fin d’épisode est marquée d’une musique glaciale, pour découvrir le twist qui relance chaque semaine l’intrigue.

Mais derrière cette affaire criminelle d’apparence classique, The Killing renvoie à des sujets bien plus graves. Habitué à la réalisation de chefs d’œuvre (Les Sopranos, Breaking Bad), AMC se confie souvent le rôle de décrypteur social. Ici, on parle ouvertement de la discrimination religieuse antimusulmane omniprésente – qui d’ailleurs conduira l’enquête dans une impasse, la police elle-même victime de clichés ancrés dans l’« intelligence » collective -, du drame de l’infanticide, et surtout de la course à l’information des médias, avec comme principale conséquence la banalisation de l’horreur. Bref,  The Killing marque par sa pertinence, parfois dure à suivre tant le drame est pesant et omniprésent. Un bijou de détresse.

Game of Thrones, la complexité du pouvoir

 

Les séries fantastiques, voire historiques (Les Tudors) ne m’ont jamais tenté. Souvent lésées par un manque de budget conséquent entrainant forcément des moments de pitié en costumes d’époque, j’ai toujours passé mon chemin. Mais quand s’impose aussi naturellement le premier épisode de Game of Thrones, avec effets spéciaux à la hauteur des plus grosses productions cinématographiques, décors et costumes crédibles, il n’y a là plus qu’à se taire et jouir de cette hyper-production. Accompagné d’acteurs charismatiques (Sean Bean, Michelle Fairley), Game of Thrones se déroule dans un univers fantastique de capes et d’épées, une terre meurtrie par des combats passés et désormais régie par une paix fragile à travers les sept royaumes qui la composent. Le Nord défendu par « the wall », où se retrouvent parias et sauvageons s’entredévorant au-delà du mur, et le Sud, territoire de richesse, où se trouve la capitale Port Réal. Deux grandes familles viennent ainsi à s’affronter pour la conquête du Trône de Fer. Expliquer un brin d’histoire revient de l’impossible tant le nombre de personnages, de trahisons, d’assassinats, s’accumule durant dix épisodes. Encore une fois, le plus dur à obtenir y est, roulements de tambourins, la crédibilité. On y croit, et on plonge immédiatement dans cette passionnante conquête du pouvoir. On retrouve des personnages déjà cultes (un puissant guerrier mangeur de chevaux, un nain perfide et puissant, une magnifique blonde reine des dragons). Jamais je n’avais eu autant cette sensation de long-métrage à chaque visionnage. Tiré des trois tomes écrit par George R. R. Martin, l’histoire colle à l’original littéraire et n’hésite pas à se séparer des personnages fétiches – j’entends par là le gentil loyal et certainement trop naïf – ça fait mal, mais que c’est bon ! Soyons un peu sado et apprécions la rareté de la trame scénaristique qui zigouille d’entrée les personnages principaux.

Là encore HBO entame une réelle réflexion sur le rapport au pouvoir, avec notamment « the imp », le nain, qui catalyse en lui seul l’intérêt majeur de la série, le rapport au handicap et le pouvoir intellectuel face à la réponse physique. Moi-même, j’aiun rapport étroit avec la petite taille, alors forcément… je comprends aisément ce petit homme exécrable, pourri, menteur et manipulateur, prêt à tout pour une reconnaissance paternelle. Et que de possibilités dans un tel monde imaginaire ! Cette première saison n’est qu’un premier jet d’essai, d’ailleurs tout à fait concluant, et je prends le pari que Game of Thrones deviendra une série référence et culte. Allez, on enregistre la bande et on se donne rendez-vous dans quelques années. En tout cas, ne laissez pas filer le train de cette épopée fantastique.

8 commentaires

  1. c’est vraiment bien game of thrones, j’avais un peur peur du côté heroic fantasy mais ça passe vraiment comme une lettre à la poste

  2. « je comprends aisément ce petit homme exécrable, pourri, menteur et manipulateur, prêt à tout pour une reconnaissance paternelle. »

    On avait dit qu’on ne parlait plus de sarkozy.

  3. Bon ben voilà, saison 1 de Game of Thrones consommée, c’est absolument brillant, passionnant. C’est un cliché de le dire, mais vivement la suite.

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