Naïve mais séduisante, la musique de Foxygen s’inscrit parfaitement dans l’ère du tout-recyclage, génération rétro(-pédalage) où l’inactuel est devenu la norme.

La digestion c’est l’invention. Créer, c’est bien souvent intégrer dans sa propre musique des éléments extérieurs. Digérer pour mieux régner, en somme. Les membres de Foxygen l’ont bien compris et leurs tubes portent en eux la trace, parfois trop évidente, des gloires passées. On Blue Mountain pompe allègrement le riff d’Under My Thumb des Stones, et se paie même le luxe de calquer sur le chant l’intro au marimba (à 1:14 précisément). On peut multiplier les exemples pendant un moment. Alors, révérence ou pastiche noyé ? Toujours est-il que la musique d’aujourd’hui (aussi inactuelle soit-elle) semble inextricablement liée à une forme de gavage obligatoire. Le groupe s’illustre certes avec talent et raffinement dans l’écriture d’une pop guillerette, empruntant quelques uns de ses traits au psychédélisme d’antan, mais pour n’en garder pas beaucoup plus que le côté un peu niais du beatnik béat. Ici le plaisir qu’il peut y avoir à découvrir l’origine d’un sample de hip-hop laisse la place à une véritable gêne : faire passer du cheval pour du bœuf, c’est gros.

Inventer, c’est donc parfois risquer l’indigestion. Car la musique de Foxygen, séduisante à la première écoute, s’essouffle sous le poids des références, devient presque impersonnelle par instants. En fait on en vient à ne plus vraiment écouter, mais plutôt à tenter de repérer les diverses influences du groupe. L’autre option étant l’indifférence totale dès la première écoute.
Et l’album de Foxygen, proclamé album de l’année avant même la fin des étrennes et le sapin remballé, ne sera sans doute plus qu’un souvenir (certes pas si mauvais) avant la fin de celle-ci. Qu’importe, curieux de comprendre cet épiphénomène, j’ai rencontré les joyeux drilles de Foxygen, deux jeunes de mon âge (des gosses, en somme). Resté un court instant sous le charme de leur musique, je m’en suis assez vite complètement lassé. A vous de juger.

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Gonzaï : Vous avez commencé à jouer de la musique ensemble au lycée. Qu’est-ce qui a changé depuis que vous avez acquis une nouvelle notoriété (en signant sur Jagjaguwar, en collaborant avec Richard Swift…) ? Comment vivez-vous votre récent succès ?

Jonathan Rado : Je pense que le succès est à prendre avec précaution. On est fiers d’être un minimum reconnus mais on n’en fait pas non plus toute une histoire et on s’efforce de ne pas oublier d’où l’on vient. Je crois qu’on ne pourrait pas continuer à faire ce que l’on fait si nous n’étions plus amis, de toute façon. Mais c’est vrai que Foxygen a pris une autre envergure. On doit être un vrai groupe désormais ! On a quitté la sphère du petit groupe autoproduit qui fait ses trucs à l’arrache. Avant on avait Foxygen et d’autres projets à côté, maintenant ce n’est plus que Foxygen. La promo implique aussi des tournées qui ne sont pas forcément ce qu’on préfère. Je veux dire : bien sûr on aime ça, on aime donner des concerts, partir avec un groupe à travers le monde… Mais on n’est pas vraiment un groupe fait pour les tournées, on préfère enregistrer en studio. D’autant qu’on n’a plus vraiment le temps de voir nos familles ou nos copines. C’est difficile quand on est de l’autre côté de l’Atlantique mais même quand on est en tournée aux Etats-Unis. On voit très peu nos amis, et presque exclusivement les gens de notre groupe, ce qui peut vite devenir assez étouffant. Les tournées c’est bien, mais ça a aussi des mauvais côtés…

Votre dernier album a pour titre « We Are The 21st Century Ambassadors Of Peace & Magic ». Alors  même qu’on veut nous faire passer pour les nouveaux enfants de la crise, qu’on veut nous faire croire que la magie a complètement disparu de ce monde, votre message fait très Nouveau Testament. Vous êtes les prophètes d’un nouvel optimisme ?

Jonathan Rado: L’album est un album positif, je pense que oui ça résume bien l’affaire. Le groupe qui joue sur l’album, qui est un peu différent de d’habitude, a apporté ce côté très pacifique, très 60’s. Sans eux la musique aurait sans doute sonné différemment. Mais on avait à cœur d’écrire un album qui aille dans le sens de la vie et de la dérision plus que dans le sens de la mort et du meurtre. En ça oui notre album est un album optimiste.

« J’adore Bob l’Éponge »

Entre nous, en tant qu’ambassadeurs, vous transportez de la drogue dans vos valises diplomatiques ?

Jonathan Rado : On nous en offre beaucoup en tout cas ! (Rires.) Je ne pense pas que tu as besoin de drogues pour créer, j’en parlais justement tout à l’heure : beaucoup de groupes ont produit leurs plus grands chefs d’œuvre en prenant des drogues, mais quand ils arrêtaient d’en prendre leur musique n’avait plus vraiment la même saveur. Sam et moi on ne prend pas énormément de drogues. Il est possible qu’au fil de notre carrière on en prenne davantage, mais on essaie de ne pas faire trop d’excès. Lorsqu’on atteint un certain sommet, c’est pour mieux redescendre ensuite. On essaie de ne pas perdre ça de vue.

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Votre univers fait de dérision, d’absurde, m’évoque davantage l’univers des cartoons que celui du psychédélisme. Vous aimez les cartoons ?

Foxygen : Oui !

Lesquels ?

Jonathan Rado : Bob l’Éponge

Sam France : Non, non, non, on n’a pas été élevé avec ça !

Jonathan Rado : J’aime ce dessin animé ! Sinon j’sais pas des trucs comme Les Razmoket, Hey Arnold ! D’ailleurs j’ai un ami qui fait la voix d’Arnold, et il est là ce soir ! Il s’appelle Phillip Van Dyke. Notre batteur, Shaun Flemming, faisait aussi du doublage pour des dessins animés, il a fait la voix du personnage principal de Teacher’s Pet par exemple.

Sam France : Il a bossé pour plusieurs sequels de Disney, il a fait la voix du jeune Simba  dans Le Roi Lion II par exemple, et d’autres. Ce que j’aimais beaucoup, et je pense que c’est notre dessin-animé préféré à tous les deux, c’est Les Castors allumés. J’aimais bien Michat-Michien aussi, et Les Razmoket.

Jonathan Rado : Tous les dessins animés de Nickelodeon sont cool ! Les Looney Tunes aussi. C’est ce qu’on regardait. J’ai jamais regardé Disney Channel.

« Mon vrai problème c’est que je déteste les batteurs… »

Je reviens vers une réalité plus prosaïque : vos nouvelles chansons sonnent plus simples que celles de « Broadway… », comme si vous aviez voulu aller au-delà du chaos de l’album précédent. Est-ce que c’était votre intention de créer des chansons pop accrocheuses, calibrées pour la radio ?

Sam France : Oui ! Complètement ! A 100% !

Dans le même temps l’orchestration et les arrangements sont relativement complexes. Je pense à l’album précédent, et à cette chanson, Make It Known sur laquelle on peut entendre une trompette, ce qui est assez rare dans les orchestrations pop. De même on retrouve des éléments similaires sur le dernier album, avec le glockenspiel de Shuggie par exemple. Est-ce par goût de la trouvaille, ou est-ce au contraire laissé un peu au hasard, à l’inspiration du moment ?

Jonathan Rado: C’est Sam qui joue de la trompette sur Make It Known. On aime les instruments, alors chaque fois on essaie de trouver lequel est le plus approprié, et c’est ce souci de justesse qui, à mon sens, fait le charme de notre musique. Mais surtout on aime apprendre à jouer d’un instrument, c’est comme ça qu’on s’éclate. C’est pour ça qu’on sort du cadre un peu chiant guitare-basse-batterie. Pas par anticonformisme recherché, juste par pur plaisir.

Justement, le fait d’être un duo de multi-instrumentistes, c’est la garantie de votre liberté ?

Jonathan Rado : Oui, complètement ! On peut faire tout ce qu’on veut ensemble, et ça sonne comme si nous n’étions qu’une seule et même personne. Et surtout, il n’y a que notre opinion qui compte et pas celle d’un autre, et ça c’est important. Il y a une écoute et une compréhension mutuelles. J’ai une entière confiance en Sam, en ses opinions, en ses choix musicaux, et c’est réciproque. On n’a besoin de personne ! Mais mon vrai problème c’est que je déteste les batteurs…

Ah, pourquoi ? Une expérience traumatique ?

Jonathan Rado: La dernière fois que j’ai joué avec un batteur, c’était dans le précédent groupe auquel j’appartenais, The Fionas, juste avant Foxygen. Le type s’appelait Dan Kramer et c’était vraiment le pire batteur que tu puisses imaginer…

Sam France : Notre nouveau batteur est bien parce qu’en fait il ne joue pas de batterie… Il n’a pas une formation de batteur, il joue de la guitare, il chante. Du coup il a un autre feeling, une autre approche de la musique. Il n’y a pas d’ego dans son jeu de batterie.

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Le groupe qui vous accompagne, c’est uniquement pour les tournées ?

Sam France: Oui, c’est ça, en fait on compose toutes les chansons à deux, et le groupe nous accompagne uniquement sur scène.

Votre musique a quelque chose d’un peu passéiste, on vous compare très souvent à des groupes des 60’s. Vous pensez être à la hauteur de ce genre de comparaisons ?

Sam France : Je ne sais pas si on est à la hauteur. Mais à vrai dire ça ne me dérange pas que les gens s’épuisent à chercher des références pour essayer de décrire notre musique. On aime la vieille musique alors c’est assez cohérent.  Et puis c’est plutôt cool d’être comparé à Mick Jagger… J’ai pas de problème avec ça.

Foxygen en 2013, c’est quoi le plan ?

Sam France : On veut arrêter les tournées et retourner en studio pour enregistrer. On prépare un nouvel album actuellement. Ce sera un album long, un double album, avec une trentaine de morceaux. Rien à voir avec le dernier. Ce sera un album concept, qui risque de demander pas mal de temps et de travail. Mais ça va être bien ! On a déjà le titre, ça s’appellera « … AND STAR POWER ». D’ailleurs je me rends qu’on l’a encore jamais dit à personne… C’est une exclusivité Gonzaï.

Foxygen // « We are the 21th Century Ambassadors of Peace and Magic » // Jagjaguwar
https://www.facebook.com/foxygentheband

3 commentaires

  1. Oui d’accord c’est bien beau tout ça, mais Simba est adulte dans Le Roi Lion II. Donc le pote des Foxygen n’a pas pu faire la voix du « jeune Simba »… Il doit confondre avec Kiara, la fille de Simba.

  2. Excellent album, effectivement très inspiré des 60’s mais de façon intelligente.

    Si vous aviez eu un peu plus de bollocks vous auriez pu poser une question ou deux sur leurs influences, que vous trouvez trop influentes.

    Auriez vous voulu vous payer le groupe que tout le monde encense actuellement, pour le plaisir?

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