Dans sa grande majorité, l'industrie musicale est assimilable à un four micro-onde réchauffant du surgelé: ça fait beaucoup de flotte imbuvable noyant le plat de résistance dont la moitié est déjà, de toute façon, bonne à jeter.

Tandis que certaines radios ne se lassent pas de nous balancer le premier titre du groupe La Femme comme une nouveauté depuis plus de deux ans – comme quoi le temps s’écoule moins vite selon les médias – émergent des artistes qui méritent de sortir de l’ombre de leur cave afin d’inonder les ondes d’une luminosité musicale neuve, reflétant des références, mais brillant de son propre éclat. À côté des résidus de groupes ressassant le déjà fait, se trouvent ceux qui, à l’image des Florygold French River, ont la délicatesse de ne pas nous emmerder avec du déjà vu.

Comment la musique peut-elle évoluer si elle ne vit que de remous et reflux mélodiques? Certes, comme les trois quatre des autres groupes, les Florygold n’ont pas inventé le swing de la guitare électrique. Mais le son, la marque de fabrique d’un groupe, cette identité sonore est belle et bien là.

740672_300La scène parisienne stagne alors que ce ne sont pas les talents qui manquent. Lorsque je sors, lorsque je vais à des concerts de groupes inconnus ayant la vingtaine, mon enthousiasme retombe bien vite quant je comprends que leurs titres tournent autour des trois mêmes accords. Des Christophe Maé du rock. En écoutant Florygold, on trouve une ambiance. Un univers. Une empreinte auditive, un truc différent. We love Bruce est un morceau en deux temps. Un riff de guitare enjoué, sur la voix masculine, laissant place à une seconde partie envoutante portée par la voix de la chanteuse. Swag, doux, efficace, loin d’être chiant. Parfait.
J’ai écouté ce morceau en boucle, jusqu’à aimer Bruce à mon tour. C’est ce qui est rare chez des groupes peu confirmés aujourd’hui: rendre l’auditeur accro dès la première écoute.
Personnellement, j’en ai marre des sons de guitare saturés lorsque ceux-ci ressemblent à du déjà fait, à un autre groupe, à un précédent album, et les pseudo rock psyché ne m’excitent guère. Je préfère me tourner vers d’autres addictions sonores. Celles qui ont un goût de découverte et suscitent des émotions.
Je me suis laissée portée par les airs doux des mélodies comme My Mum. Fermer les yeux, voir des images, entendre la basse guider le morceau sur différentes variations, les complaintes des voix post-pubères des membres du groupe s’enchevêtrer les unes avec les autres.Que l’on aime ou que l’on n’adhère guère, je trouve que ce groupe dénote de ce que l’on a pu écouter jusqu’à présent, les délires sonores arty loufoques ou les hommages aux années 50 me faisant foutrement chier.
S’exciter, s’enthousiasmer à l’idée d’aller voir de jeunes groupes qui ont des influences mais qui ne font pas de revival de vieux groupes, qui apportent un souffle neuf sur la musique par leur identité, qui font évoluer la scène, voilà ce qui fait plaisir et ce qui manque aux salles parisiennes de plus grande envergure.
C’est vrai que les Florygold, French River, en s’estampillant comme un groupe venu de la Californie française, m’ont fait voyager sur les plages de la Côte-Ouest de notre doux pays. C’était la Bretagne, mais c’était déjà ça.

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Il faisait froid, on était deux, j’avais une clope mais pas de feu, on partageait le même banc de fac et sous la pluie. Il m’a dit qu’il avait un groupe, comme tout le monde, qu’il était guitariste, comme la moitié des mecs de 18 ans, mais je me suis vite aperçue que contrairement aux autres, les Florygold, French River ne mixaient pas de la mélodie merdique.

Puis j’ai vu Alexandre et son groupe en concert. Il faisait chaud ce soir là; les odeurs de transpiration se mêlaient aux émanations de tabac dans l’étroite cave du Pop In. Ca dansait, et pogottait au son des Florygold, French River. Il y avait même des gens entassés dans les escaliers.
 » – Viens, on va s’en griller une.
– Bordel même le fumoir est plein à craquer…
– Oh la vache, rien que l’odeur me donne envie de foncer faire un check up..
– Putain dépêche-toi de sortir, ils jouent We Lov Bruce! »

Deux ans plus tard, rendez-vous avec le groupe à Sucy-Bonneuil, dans le 94. « 14h30? on passera vous prendre en voiture avec ta pote photographe. C’est pas à Sucy même. C’est à Noiseau« .

Je ne sais foutrement pas où est Noiseau.
Je ne savais même pas que Sucy existait.

Je vais me contenter la fermer quand on me demandera si ce n’était pas trop difficile de venir.
Les Florygold ont une musique inclassable dans les rayons Fnac: ce n’est pas à proprement parler du rock, ni du funk, c’est un mélange de tout. Mais ils sont aussi le reflet d’une jeunesse dont on parle beaucoup sans savoir ce qu’au fond, elle veut vraiment.

Rencontrer le groupe a été comme atterrir en territoire étranger. Le lieu, c’est un état dans l’état français, un monde parallèle: la Californie française, et où Pierre Bellemarre est le Saint pourfendeur des méchants. « Ce mec est Dieu. Ou Satan. Au choix… Attend,  il te fait de l’humour en te parlant de tripes arrachées, et en te regardant droit dans la caméra, après avoir été commentateur de courses hippiques! »

Ça s’installe, on s’ouvre des bières, on se regarde. Le problème avec la timidité, c’est que même si l’on est tous là pour parler de la même chose, personne ne sait pas comment commencer tout en sachant très bien où il veut en venir.

Expliquez-moi le concept de la Californie française: la politique intérieure, ce qui est ou non autorisé, etc.

Alex: Ce serait plutôt les seules choses que l’on n’autorise pas.

Loïc : Ce qui n’est pas autorisé, c’est comme partout. Tuer des gens. Les trucs bateau, quoi. La liberté de chacun s’arrête là ou celle de l’autre commence. Tu fais ce que tu veux à partir du moment où tu fais pas chier ton prochain; après tu peux tout faire. Si tu veux faire du parapente, tu fais du parapente. (rires) Il y a une extension du droit sur tout ce qui peut être nocif à notre prochain. On n’a pas de devoir. Sauf que tout passe soit par auto-désignation, soit par tirage au sort. Toute personne qui gère la vie politique est un représentant diplomatique. Il y a aussi le roi: il est tiré au sort chaque année et n’a pas plus de pouvoir que chaque citoyen.

Avec une couronne?

Loic : On a essayé mais… Un pote doit nous en faire une en bois, on attend.

Y a-t-il une religion en Californie française?

Léo: Pas de Dieu(x), mais on a des Saints.
Loïc:  En Saint, on a déjà Pierre Bellemarre ! Le mec dit des trucs horribles tout en faisant des blagounettes. Il a la capacité d’être très naturel alors qu’il lit sur son prompteur!

Pourquoi le choix de la « Californie »?

Léo : Parce que c’est la classe.
Aurore: C’est de là d’où vient une grande partie de nos influences musicales. Ca a été pendant longtemps l’état qu’on voulait voir, visiter. On s’est fait une idéalisation de la Californie. Ici il n’y a rien à faire..
Alex : C’est aussi pour ça qu’on a commencé la musique.
Loïc : C’est une image, la Californie française. Tu te crées un pays à toi. Même s’il y a des mecs comme Jean-Pierre Marielle – on prend toujours cet exemple – ou Jean Rochefort qui cristallisent quelque chose de très Français. Une classe à la française inimitable. Ouais, Jean-Pierre Marielle dans sa façon d’être, est français jusqu’au bout des ongles; Quelque chose à la limite du vin de Bordeaux quant tu vois ce mec là.

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On retrouve donc dans vos Saints tous les gens qui vous impressionnent?

Léo: Pas qui nous impressionnent…
Loïc :… Mais ceux qui possèdent une aura. Ces mecs-là dégagent quelque chose d’exceptionnel.
Léo : Genre Chirac.
Loïc: Ouais, il est incroyable lui, le Saint escroc qui a été président…

Quand vous parlez, il y a quand même une ambiance très politique.

Loïc: Quand tu fais un certain genre de musique, tu fais de la politique.
Léo: C’est social, déjà.
Loïc: En général, tout ce que j’entends en musique, ça me va pas, donc je vais faire de la musique, quelque chose de nouveau de différent et d’auto-déterminé, pas un truc pour copier machin. Tu te mets en marge donc tu t’éloignes d’un mouvement conformiste. On n’est pas des anti-conformistes non plus, c’est pas le but, mais la musique c’est un peu politique.  Quand on fait notre truc, on se positionne sur beaucoup de choses. Les paroles sont toutes des réactions à des trucs.
Thibault: On est politisé sans l’être. En plus je ne pense pas que ce soit ce qui nous intéresse le plus au final.
Loïc: Ouais, par exemple on vote parce qu’il faut voter, parce qu’on nous a dit qu’il fallait le faire mais on sait bien qu’au fond ça sert absolument à que dalle.
Aurore: Mais t’as un espoir en la politique?
Alexandre: Pas tellement en ce qui me concerne.

Ce que vous êtes en train de dire reflète, quelque part, l’état « jeunesse ». On se retrouve quelque part, sans vraiment se retrouver du tout. Au final dans cette tranche d’âge là, personne ne sait vraiment où il se situe

Alexandre: Politiquement, la jeunesse n’a plus aucun rêve.
Loïc: Le problème est que les gens ne comprennent pas que tu veuilles rêver, construire un truc qui tient de l’imaginaire. Quand tu vois des gens qui vont militer pour le parti socialiste.. Je veux dire moi j’ai autant de puissance avec la Californie française que n’importe quel mec qui va militer pour Hollande. J’ai l’impression de faire plus bouger la société en faisant ça que le mec qui va militer. Parce que les mecs ne changent rien !

Disons que si personne ne milite et part de ce principe là, il n’y a plus rien.

Loïc : Ah mais je suis entièrement d’accord, sauf que je pense qu’il faut militer pour les bonnes choses… Les mecs arrivent à se dire que « le changement, c’est cette année, c’est maintenant! » alors que ça fait une bonne République qu’on se fait bien niquer, que t’as rien qui change et que les mecs sont là à te dire « ah ouais la prochaine fois c’est la bonne, ça va bien changer »…
Alexandre: Oui enfin bon, y’a pas que des gens comme ça.
Loïc: Peut-être, mais même si les gens se faisaient niquer avant, au moins il y avait plus de gens qui rêvaient. Aujourd’hui ils font grève pour un rien, les grèves sont moins importantes, personne ne se bouge. (…) Quant tu regardes le Bloc Identitaire, les mecs sont violents et dangereux pour l’avancée intellectuelle du monde. Mais quand ils arrivent à avoir une apparition sur tous les médias, tu te dis que toi en prenant un peu plus l’imaginaire, tu devrais pouvoir parler à plus de jeunes.

Alors pourquoi vous n’agissez pas, si vous êtes révoltés par la politique et que vous ne vous reconnaissez pas dans les mouvements qui agissent?

Aurore: On agit à notre manière.
Loïc: On monte notre truc, la musique c’est notre manière d’agir, de nous exprimer.
Alexandre: Par tout le concept qu’il y a autour. La Californie française.

Avec United Suburb aussi (association d’entraide artistique qu’ils ont crée)?

Loïc: Non non, juste la Californie. Avec la United, on a des valeurs qui se chevauchent, mais ce n’est pas vraiment la même chose.

Comment est née la United Suburb?

277032_254349157932700_8353366_n1Alexandre: C’est né avec un groupe qui s’appelle Escape From Acapulco. A la base ce n’était que nos deux groupes, on a mit du temps à faire ça mais maintenant on possède un statut d’association et on a été rejoint par d’autres. Il y a des expositions aussi, des peintures, des DJ, c’est une association culturelle.
Aurore: C’est vraiment pour la banlieue. L’idée c’était que les groupes doivent venir de banlieue.

On a l’impression que la banlieue est centrale pour vous.

Aurore: On est frustrés, fatigués, de l’attitude des parisiens.
Alexandre: C’est ça, il n’y a pas de raison qu’ils ne viennent pas ici.
Léo: Parce qu’il se passe des trucs en banlieue!
Alexandre: Pas trop dans cette ville… (rires).
Loïc: Hé, vous si vous viviez ici, vous verriez des trucs que tu ne peux même pas imaginer! Mais la banlieue englobe tout ce qui n’est ni Paris, ni les grandes villes. La France ce sont majoritairement des banlieues, des provinces. C’est le grand paradoxe: tout concentrer sur Paris et les grandes villes, quant au reste c’est le néant culturel.

En gros, c’est moins facile à Paris où tu as tout, alors qu’en banlieue tu dois te démerder par toi-même?

Aurore: J’ai beaucoup traîné à Paris et croisé des groupes, et ça marche vraiment par réseaux. C’est très fermé, quelques personnes qui dirigent tout, tel patron de tel boîte qui va être pote avec tel mec qui connait tel groupe. C’est du piston, c’est super fermé et vachement éphémère.

En ce qui concerne les paroles, les écrivez-vous en réaction à quelque chose ?

Aurore: Moi je suis arrivée dans le groupe en ayant écrit deux chansons. Donc la manière de procéder, en ce qui me concerne, c’est que j’arrive avec des paroles, en général des histoires d’amour un peu triste, toutes issues de mon imaginaire. Ensuite si Leo a composé un morceau au piano et me demande d’écrire des paroles c’est différent, je vais lui demander de quoi il aimerait que ça parle. C’est un mix de tout.
Léo: Les paroles pour moi sont accessoires et me servent à placer des mélodies. Je ne me fais pas chier avec ça, parce que je ne parle pas Anglais, je ne sais pas chante. Dès que j’écris en français ça se transforme en poème…

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J’aimerais revenir sur ce que Léo a dit tout à l’heure, qu’intellectualiser la musique était quelque chose de très français.

Léo: Tu regardes n’importe quel nouveau groupe, les gens arrivent devant le concert, vont se poser, écouter, et ensuite se mettre dedans et commencer à danser. Aux USA non, direct les gens sont dedans,  ils ne se posent pas la question de savoir si, même si ils aiment, est-ce que ce serait mal vu parce que au final les trois quarts de la salle trouvent la musique nulle.

Loïc: Les gens ont besoin de se dire « est-ce que c’est du bon goût? » mais c’est pareil pour nous. Est-ce que c’est légitime que je puisse danser là-dessus? Alors que tu t’en bats les couilles que ce soit du Patrick Juvet ou les L5 ! Si la ligne de basse envoies du lourd, éclates-toi quoi!

Attend attend, c’est intéressant: Tu connais les L5?

Loïc: Mais tout le monde! Tout français qui a eu accès à la télé vers 12 ans les connaît. En gros, un bon morceaux reste un bon morceaux, et ce, quel qu’en soit l’auteur, l’interprète. Regardes. On est allés voir Ariel Pink la dernière fois. C’était sa meuf ou son ex en première partie, et j’ai entendu dire que c’était génial, que ça envoyait du lourd, et en gros elle est arrivée, elle a mis des instrus et elle a chanté en mode karaoké. C’était une des merdes les plus ultimes que j’avais jamais vu. Franchement. Comment tu peux te dire que tu vas faire un bon concert dans ces conditions ? Ca aurait pu mais là… Bref en France, c’est trop puritain.

Vivre de votre musique, c’est votre but?

Aurore: Il y a vivre et vivre. On en recherche pas les milliards.
Loïc: Tu peux en vivre si tu te démerdes bien, en faisant assez de concerts. Tu n’auras pas un salaire mirobolant mais c’est faisable.

http://www.lesinrocks.com/lesinrockslab/artistes/florygold-french-river/

9 commentaires

  1. ça fait velvet sans la came , sincère et juvénile . Mais bordel il y en a marre de l’anglais , pitié autre chose ! N’importe quoi mais autre chose !

  2. Je ne sais pas si vous connaissez l’excellent groupe Vietnam; je pense qu’il y a des similarités dans l’attitude et une grosse ressemblance dans la voix du chanteur.

  3. Ah oui le chanteur chante un peu comme celui de vietnam! A la bruce springsteen un peu mais sans les muscles (i guess)

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