Acteur et artiste controversé aujourd’hui, catalogué chez les infréquentables sympathisants de Donald Trump, Vincent Gallo publiait il y a un peu moins de 20 ans un disque sublime que beaucoup de professionnels de la musique auraient rêvé de sortir.

Si de grands musiciens ont pu se révéler être de bons comédiens comme Bowie ou Sinatra, l’inverse n’est pas forcément vrai. Pour le spoken word spatial du capitaine Kirk William Shatner ou la pop sous influence David Sitek de Scarlett Johansson, combien de Looking For Freedom de David Hasselhoff ou de Comme au Cinéma d’Alain Delon ? Il est donc intéressant de se pencher sur le cas de Vincent Gallo et son album « When » sorti en 2001. Un chef d’œuvre, ce qui reste totalement subjectif puisque le disque s’est fait autant démonter qu’encenser à sa sortie.

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Pour se replacer dans le contexte, Gallo est, fin des nineties le gars cool de la sphère indie. Parti très tôt de Buffalo, le Sicilien d’origine et bassiste de formation trace très vite vers le New York interlope. Il y fréquente la scène no wave expérimentale et fonde même un groupe de noise avec un Jean-Michel Basquiat encore inconnu sous le nom de Gray et un autre orienté punk, Bohack. La légende veut aussi qu’il ait été un rappeur et breakeur émérite dans les années 80 sous le nom de The Almighty Prince Vince, ayant même battu Ice-T en battle et posé sa voix avec Ad-Rock des Beastie Boys. Mais tous les enregistrements ont bizarrement disparu… Et c’est plutôt devant la caméra que ce fan absolu de William Burroughs va se faire repérer. D’abord dans la scène expérimentale – pour laquelle il compose d’ailleurs des bandes originales – puis dans le cinéma indépendant durant les années 90. Après une apparition introuvable dans Les Affranchis de Scorsese, il se fait remarquer chez Kusturica (Arizona Dream, 1993), Claire Denis (Nénette et Boni, 1996) ou la même année avec son « highlight » chez Abel Ferrara avec Nos Funérailles.

Personnage clivant suscitant autant l’agacement que l’admiration, le bellâtre se disperse entre mannequinat, peinture, courses de motos et réalisation avec un excellent et remarqué premier film Buffalo 66 (1998) où il campe un paumé kidnappant Christina Ricci sur fond de foot américain et de rock progressif. C’est finalement son second long-métrage qui entraînera le déclin : Brown Bunny (2003) et sa fameuse scène de fellation non-simulée avec Chloë Sevigny qui fera scandale à Cannes. L’agitateur deviendra alors bien plus discret malgré des apparitions chez Coppola (Tetro, 2009) ou Skolimowski (Essential Killing, 2010). Depuis, plus grand-chose si ce n’est quand il vendait ses prouesses sexuelles via son site web ou un essai déglingué en 2018 où il défonce Facebook, se voit en précurseur du scandale #metoo et clame son amour pour Donald Trump ou Quentin Tarantino. Un délire de vieille gloire des années 90 qui approche les 60 ans, à l’image de Brett Easton Ellis dernièrement. Pas forcément super intéressant.

Il faut donc remonter un peu moins de 20 ans plus tôt pour parler du coup de maître, « When ». Sorti de manière complètement improbable et sans vraiment savoir pourquoi chez les laborantins anglais spécialisés dans l’IDM de Warp, l’objet affiche une pochette aussi mystérieuse que sublime avec cette route ornée d’un arc-en-ciel discret. Pendant plusieurs mois, Gallo va s’enfermer dans ce qu’il nommera dans les notes du disque « The University for the Development and Theory of Magnetic Tape Recorded Music Studios »; en fait le garage de sa maison dans les hauteurs d’Hollywood.

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Loin d’être un musicien débutant, seul avec sa guitare, son piano et quelques instruments rudimentaires, il compose dans son coin un disque hors du temps : mélange inattendu entre Chet Baker, Robert Wyatt et le « Niandra LaDes and Usually Just a T-Shirt » de son pote John Frusciante. Dans un style très lo-fi à la mode à ce moment-là, « When » fait partie de ces rares albums à l’ambiance nostalgique très particulière qui semble sorti d’une époque impossible à dater. Ce qui fait aussi qu’il n’a pas du tout mal vieilli contrairement à d’autres tentatives dans ce registre très artisanal. Il est en grande partie instrumental dans une veine jaaaaazzy avec la dédicace à la Kim Kardashian de l’époque (I Wrote This Song For The Girl Paris Hilton), du trip-hop (My Beautiful White Dog) ou des merveilles cinématographiques (Was, Cracks) et une conclusion à la guitare renvoyant encore à Frusciante (A Picture Of Her). Le tout sur des embryons de rythmes prêts à se casser la gueule à tout moment.

Mais ce qui étonne le plus c’est le chant de l’ancien MC sur les autres titres. Il s’agit probablement là des moments les plus somptueux du disque avec cette voix blanche et désespérée. Sur des paroles réduites à leur plus simple expression entre amour et déprime (Laura, Yes I’m Lonely), il recèle au moins deux morceaux fabuleux. Le très dépressif titre When rivalise avec Honey Bunny et ses variations de tons luxueuses à la guitare et à la basse. L’aspect neurasthénique et la mélancolie qui s’en dégagent offrent un peu plus de quarante minutes d’une rêverie assez intemporelle. Ces délicates mélodies se poursuivront un peu plus sur son deuxième album « Recording Of Music For Film » dans un genre beaucoup plus cinématographique.

Plus rien depuis, mais ça valait le coup de reparler de ce disque touchant un peu tombé aux oubliettes et qui mériterait d’être réédité alors que le vinyle d’origine tourne aujourd’hui autour des 200 euros sur Discogs. Et c’est quand même beaucoup mieux que le petit con de Strangers Things qui singe Mac DeMarco.

9 commentaires

  1. & les brêles ai few tapes de off Nosdam (jamais publier!) interessees? pls send western_union chq to my headquarters in south Morvan-

      1. Oui il avait effectivement bien marché à l’époque (toutes proportions gardées) mais j’avais l’impression que plus grand monde ne parlait de ce disque. Ce qui explique le choix de cet article

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