Après s’être mis dans la poche tous les kids de Baltimore qu’il fait danser comme personne, Dan explose avec « Spiderman of the Rings » en 2007, qui scelle sa percée européenne. Décrit à la va-vite comme un « p’tit geek » bidouilleur de synthés, Dan Deacon prend son envol avec « Bromst », son – déjà – neuvième album. Les fluokids s’attachent encore à lui mais ce sont désormais les mélomanes qui pleurent sa grandeur. Dépassant le stade de l’amuseur public, Dan Deacon devient aujourd’hui avec « America » ce compositeur qui compte.
En 2011, il me confiait lors de la conférence de presse de la Route du Rock l’importance qu’avait pour lui l’écoute au casque, ainsi que la dimension cinématographique de sa musique (1). Son physique ingrat semblait jouer en sa faveur, comme si un geek à lunettes aurait moins tort qu’un beau gosse à la raie (voir Romain Turzi). Comme un divin « bogdanovien » venu délivrer les branchés de l’illettrisme culturel, Dan Deacon est un putain de génie toujours là avant les autres, une splendeur solennelle traversant l’espace-temps à la vitesse d’un Pink Floyd. Kubrickien dans sa démarche populiste, malickien dans sa lubie esthétique, il est LE son de l’America libertaire, décomplexée par son bide qui pend et enfin responsable de sa génération.
La beauté folkeuse de ses compositions agenouille le « Planetarium » de Sufjan Stevens et lui fout dix ans dans les dents. Retourne dans ton Michigan jouer de la flûte de pan, amigo. L’électrique synthétique bouleverse les genres, transcende les compositions « beat-beat » et ringardise la scène électro francophone se branlant dans sa techno parade (Agoria : next). Dan Deacon utilise ses bonnes vieilles méthodes rythmiques (Crash Jam/True Trush) pour faire sauter la peuplade mais, contrairement à « Bromst », il construit son album comme une offrande à l’au-delà, un expressionisme liber-terre où la propriété, les frontières et les castes se meurent dans une révolte anarchiste intelligente et crédible.
Rien n’est inaccessible, il suffit d’écouter Pretty Boy pour comprendre la subtilité simplissime d’une redondance rythmique qui se meut en une absolue beauté. Avec USA I à IV, ce sont les grands espaces, Death Valley aux heures nocturnes, le soleil couché sur l’avancée rocailleuse de Zabriskie Point, la terre rouge qui danse sous un vent kamikaze se heurtant contre les falaises dominantes de Monument Valley, les geysers de Yellowstone, sa pluie acide, son odeur de soufre et les larmes jaunes qui coulent sur une peau transie de chaleur.
Faisons simple : « America » élève nos rêves. Casque sur les oreilles, les yeux fermés, le cœur qui tape, l’adrénaline refourguée dans des palpitations transcendantes, bienvenue dans une Amérique utopique. Notre génération perdue entre de plain-pied dans une ère libre avec une voix/voie à suivre, celle de Dan Deacon. Prêt à foutre le feu ?
Dan Deacon // « America » // Domino
http://www.dandeacon.com/
(1) Lors de cette même conférence, il nous confiait sa présence dans la BO du dernier film de Francis F. Coppola, Twixt. Franche réussite d’ailleurs.
3 commentaires
Bon, c’est vrai qu’il est pas mal du tout, ce disque.
Wesh, bon papier le Ig, qui donne envie d’écouter l’album. Bromst était déjà très intéressant, ça sent bon 🙂
Pour celui qui, amateur de Deacon, cliquera sur l’hyperlien pour accéder à l’article, avec en tête, cette question toute simple, quelle direction prend la musique du rouquin de Baltimore, avec ce neuvième album signé chez Domino, qu’il s’arrange avec ça: « il construit son album comme une offrande à l’au-delà, un expressionisme liber-terre où la propriété, les frontières et les castes se meurent dans une révolte anarchiste intelligente et crédible. »
Diable, j’avais pas vu une telle branlette depuis la fac!