Un jour, lassé par l’ennui du présent, je me suis mis à la recherche de quelque chose de vieux et d’excitant, et j’ai découvert une bombe, un trésor, une chanteuse à qui je dois quelque chose, ma punkitude contenue, mon dégoût des couleurs vives de cagole et des vestes à paillettes que portent les vedettes qui « dansent avec les stars » ; en somme, mon bon goût musical et ma liberté de grimper sur une table quand ça me prend. Je m’explique : voici Damia.

Je commence par un détour pour dissiper tout malentendu puis mieux parvenir à l’essentiel : j’ai vingt-six ans et je n’aime pas mes contemporains. Pourtant, je leur ressemble ; j’appartiens à leur monde et ce n’est pas un choix. J’ai beau haïr les meufs en Stan Smith qui ne pensent pas plus loin que la mèche de leur Tampax bio et les pubards barbus qui se prennent pour Bukowski après deux Brooklyn dans le cornet, je suis comme eux, comme vous, comme (presque) tous les gens de ma génération : j’aime certains classiques, à commencer par Gainsbourg et Barbara (et Brel aussi). C’est cliché. C’est sensible. Mais on n’échappe pas à ces deux-là. Ils sont universels. Pourquoi ? Peut-être car avant eux et entre eux, il y a Damia ? Je ne sais pas. Ce n’est qu’une hypothèse. Mais si ces trois-là (sans même parler de Juliette Gréco ou d’Édith Piaf) la citent, s’en inspirent et reprennent ses chansons, il doit bien y avoir une raison. Ce que je veux dire, c’est qu’à la différence de Piaf qui roule trop fort les « r » et qui sur-joue son personnage de Cosette au Kosovo dès qu’on la colle en public, Damia ne triche pas : on l’appelle « la Grande », pas « la Môme » ; elle ne prend pas le monde en pitié ; au contraire, tout ce qu’elle veut c’est le dompter. Damia envoie valdinguer tous ceux qui cherchent à la domestiquer, les hommes en particulier : jamais personne ne lui passera à la bague au doigt ni ne lui collera un polichinelle dans le tiroir. Il paraît donc évident qu’avec un tempérament pareil, dans une époque encore écrasée par la domination masculine, une telle femme ne se simplifie pas l’existence en agissant de la sorte ; en cela elle n’est pas carriériste et pourtant… elle a fait carrière.

Elle est née le 5 décembre 1889 (la même année que la tour Eiffel), dans le XIIIe arrondissement. Gamine agitée, vraie tronche d’empeigne, elle n’hésite pas, dès ses cinq ans, à dérouiller à grands coups de ceinturons, ses camarades de l’école et du quartier qui l’approchent de trop près. Sa mère la trouve moche. Elle est indisciplinée. Alors très vite, on la colle au gratin, comme tous les gosses de son milieu. Damia a donc connu la misère, les jobs ingrats, les chambres sordides de cocottes de rue, les tapins ordinaires, pas les femmes du demi-monde et ne cache rien de ses origines. Mais elle ne crache pas dans la soupe lorsqu‘elle rencontre le succès. Elle aime tout ce qui brille, c’est vrai. Mais disons qu’elle préfère quand ça sent la pisse plutôt que l’eau bénite. Un paradoxe, certes, mais quel humain complet, ou juste digne d’intérêt, ne porterait en lui qu’un seul vice ? Une bien pauvre personne, à n’en point douter.

Damia, ce n’est donc pas pour les shampouineuses branchées Mylène Farmer et Lara Fabian. Non. Damia n’a rien d’une poule médiatique qui se la joue icône passe-partout. Dans le genre carburateur flingué sujet aux réactions psychotiques, Damia est une référence, un modèle. Créature multiple, mi-gouailleuse façon poulbot mi-dame du grand monde tendance junky neurasthénique, elle incarne, notamment en ce Paris de l’entre-deux guerres, l’être en qui convergent toutes les énergies contenues dans l’époque et l’endroit. Pour faire simple : Damia n’existe que pour tout être. Elle ne se contraint pas aux normes des milieux qu’elle fréquente. Elle couche utile avec les mecs et plaisir avec les femmes, même si elle ne crache pas, de temps en temps, sur un beau p’tit giton bien monté. Elle s’affiche avec ses maitresses et ses amants en public à une époque où ça ne se fait pas. Et elle emmerde ceux à qui cela déplairait. C’est une bête à part, une égoïste romantique et hyper sensible ; tout la blesse et la déchire mais rien ne la préoccupe plus qu’elle-même. En somme, il s’agit d’une diva, pas d’une dinde confite à la Mariah Carey  qui ne s’aime qu’au travers du regard de ses fans, qu’elle prend pour des cons et qui le lui rendent bien. Ah certes ! Comme Marie Cubique (la version actuelle de Mariah Carey), Damia a tout de la madone à pédés. Sauf que ceux qui l’entourent et à qui elle sert éventuellement de muse se nomment Jean Genet, François Mauriac, Jean Marais, Max Jacob, Federico Garcia Lorca  et même, de façon plus périphérique, Marcel Proust. Rien que ça. Le modèle du travelo Divine dans le chef-d’œuvre de Genet, Notre-Dames-des-Fleurs ? C’est elle. Et, voyez-vous, ce genre de détails, ça pose une dame. Surtout quand à sa clique d’homos prodigieux s’ajoutent le génial peintre japonais Léonard Foujita, le poète et futur résistant Robert Desnos, ses amantes, l’immense chorégraphe américaine Loïs Fuller et la designer Eileen Gray, Guillaume Apollinaire et même Sacha Guitry. Quand elle donne un concert, ceux qui assurent ses premières parties s’appellent successivement Joséphine Baker, Tino Rossi ou Jacques Brel. Et le name dropping pourrait continuer ainsi pendant des plombes  en citant les vedettes de la chanson française de l’époque comme Félix Mayol, Fréhel ou Maurice Chevalier  si je cherchais à davantage vous la situer, mais ça n’apporterait rien : la seule chose à retenir c’est que dans les années 1930, Damia est une star mondiale. Et qu’aujourd’hui, presque personne ne s’en souvient. Pourquoi cette anomalie, cette rupture honteuse dans la chaîne du savoir qui nous relie, nous, homo-rock n’rollus  êtres raffinés et növos depuis l’an 1980 de l’ère chrétienne  depuis que la pensée humaine existe, à la grande Bibliothèque qui contient nos substances cools ? Je ne me l’explique pas. Damia a pourtant été la première à refuser les décors peints over-kitschs devant lesquels tous les chanteurs de l’époque performaient. Elle a aussi été la première à systématiquement porter la robe noire (sur les conseils de son ami, l’acteur Max Deary), laissant ainsi la panoplie de Castafiore aux autres poulettes ordinaires de la chanson  ses rivales, pas ses amies. Actrice et comédienne aussi, comme tout artiste qui se respecte. Moderne donc, c’est peut-être en cette notion que réside à la fois les raisons de son succès passé comme celles de son anonymat présent. Puis, au XXIe siècle, on aime le kitsch, surtout en ce qui concerne la chanson française.

[À propos de Piaf] « Cela suffit que je lève le bras pour qu’elle passe en dessous. »

D’ailleurs, rares sont les diggers de ma connaissance qui s’aventurent dans les bas-fonds de l’histoire de notre musique populaire, celle des caf’-conc’ du début du siècle. Le domaine n’intéresse pas : il est pré-jazz ; dans l’imaginaire général il est soit synonyme de « ringard », « désuet », au mieux « folklorique », soit simplement trop éloigné de nos goûts pour que l’on s’y penche sérieusement. Culturellement, on passe souvent, pour les meilleurs d’entre nous (qui ne sont pas juppéistes) du classique  c’est-à-dire de ce que l’on joue à l’opéra parce qu’on adore y aller depuis que le punk est mort et que l’on cherche quand même un moyen de parfaire l’acuité de notre oreille  au jazz, puis au blues et au rock, puis aux rocks et à la synthèse électronique, sans oublier de toujours chercher ce que l’on peut trouver de génial en soul soviétique, en boogie nigérian, en disco italien, en psyché iranien pré-révolutionnaire, en rumba congolaise, en carimbo brésilien et autres bruits divins intégrés. Et on oublie Damia.

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Paris, un soir de 1910 : Damia accompagne son pygmalion du moment à dîner chez Maxim’s. Il s’agit du duc D’uzès (son « duc U », comme elle dit), Louis-Emmanuel de Crussol, trente-neuf ans, deux enfants et une duchesse un peu tapée et probablement remisée dans un hôtel particulier des beaux quartiers. Damia n’a pas vingt ans mais se sent bien au bras de cet aristo moustachu et élégant. Ce soir-là donc, elle n’a même pas le temps de déposer son manteau au vestiaire avant de passer à tabler qu’un mec vient lui coller une main au panier. Erreur fatale. Damia se retourne et lui claque le beignet si fort que toute la salle se fige. L’indélicat est groggy, givré sur place, la joue écarlate et la queue basse. Le duc U accourt. Il demande : « Que se passe-t-il ? » « C’est ce grand con qui m’fout la main au cul ! », articule Damia, la voix pleine de fureur. L’ennui c’est que ce « grand con », n’est autre que le futur roi de Grèce, Constantin Ier. Alors on frôle l’incident diplomatique. Mais qu’importe : roi ou pas, on ne la touche pas, surtout quand on est chauve et moche. Elle assure sa propre sécurité. Pourtant, elle n’est encore qu’une petite chanteuse de café-concert ; à ce stade de sa carrière, cette gifle relève de l’audace ultime, de l’inconscience même, mais rien ne l’effraie, et surtout pas les hommes. J’ai d’ailleurs imaginé dans la foulée que ce Harvey Weinstein, elle l’aurait torché en public au premier faux pas ; à la schlag, le magnat libidineux-lipidique du cinoche américain. Mais Damia n’est pas de notre temps.

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Dans les caves des bouges chansonniers de l’époque où sont situées les loges, ça sent le tabac, le gaz, la sueur, la vinasse éventée et les produits chimiques qu’on utilise pour apprêter les vedettes, comme des Cadillac de contrebande. Damia patiente là, un clope au bec, face à son miroir, pendant que des petites mains s’affairent autour de son maquillage et de sa chevelure. Une coiffeuse tire sur une mèche, un fer à chauffer à la main ; d’un coup ça sent le cochon grillé ; Damia râle qu’on lui bousille ses cheveux à chaque fois ; à force, elle ressemble à un lama ; alors ça l’énerve et elle hurle : « Passez-moi la réchauffante ! » ; et on lui apporte une perruque.

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Ce tempérament sauvage, provocateur, imprévisible, elle l’a toujours eu. Son côté dresseuse aussi – je viens de vous en montrer un échantillon : elle dompte tout ce qui possède une queue, hommes comme félins. C’est une dominatrice qui s’assume. Simplement, quand j’ai rencontré son biographe, Francesco Rapazzini, très italien, très élégant, et installé à Paris depuis plusieurs années, ce dernier m’a confié qu’un drame avait frappé Damia dans son adolescence. Une fois où la police l’avait rattrapée après une fugue, les flics l’avaient violée avec leur matraque. Comme ça, « pour le plaisir » (voir Herbert Léonard). Damia n’en a presque jamais parlé et il serait hasardeux de me risquer à une quelconque interprétation des conséquences hypothétiques que cela aurait pu avoir sur elle et ses choix de vie. Mais… J’imagine difficilement que cela ait pu la laisser intacte. La seule réflexion que je me permets se restreint donc à une vérité universelle non-contradictoire : la police française tue et viole. Et Damia eut raison de se méfier des poulets toute sa vie, qu’elle prit toujours plaisir à choquer et contrarier dès qu’elle le put.

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Sur scène, son premier grand tube s’appelle Les Goélands. Il s’agit d’une chanson dramatique qui parle de marins morts en mer. Les premières fois qu’elle la chante, les gens la trouvent trop grave ; ça plombe l’ambiance, ça fait pas assez guinguette. Et puis on découvre progressivement que ce texte de Lucien Boyer est merveilleux et son interprète… extraordinaire. Damia devient une star et part en tournée à travers toute la France et jusqu’aux tréfonds du Maghreb.

Puis, tout le monde se l’arrache : elle fait la Scala – une salle parisienne mythique située sur le boulevard de Sébastopol. Tout Paris fredonne son nouveau hit Quand les papillons. Les critiques en sont dingues et… lui font subir un outting violent : « Charme brutal et doux qui s’exhale des chansons que Damia nous dit de sa voix meurtrie de Sapho douloureuse », écrit ainsi un journaliste après le passage de la vedette dans la célèbre salle. Le torche-cul à people du moment – ou, en d’autres termes, l’ancêtre de VoiciL’indiscret, le 30 octobre 1912, laisse paraître que « la délicieuse Marise Damia, un des meilleurs numéros de la Scala, a des clientes qui ne reviennent que pour elle, comme la blonde D… Nous croyons que le jeune duc qui fait à Damia un sort presque royal n’en sait rien ». Désormais, « tout le monde sait ». Et Damia s’en cogne de tous ces bruits qui choquent les bourgeois proprets et font se gausser les hommes de basse nature.

Jusqu’en 1914, le grand endroit pédé/lesbien de Paris, c’est le Bal Wagram. Damia y traîne souvent, ainsi que dans les caves montmartroises où se tiennent des soirées autrement plus interlopes encore. Au début du XXe siècle, Paris offre une liberté de mœurs inédite aux femmes de lettres ou de spectacle, aux aristos et aux grandes bourgeoises décadentes, qui y viennent et y restent pour y satisfaire leurs tendances et leurs goûts hors de tout cadre moral excessif. Nombreuses sont-elles, par exemple, à graviter autour du salon de Natalie Barney, grande lesbienne devant l’Éternel, installée rue Jacob dans un sublime pavillon disposant d’un jardin et d’un « temple de l’amitié » transformé, pour les besoins sociaux de la propriétaire, en lieu de réception du Tout-Paris qui pense et qui broute. Damia en est. Mais son esprit léger et spontané et sa tendance à la déconne s’accordent mal avec l’intellectualisme surjoué de ces dames libérées, et Damia ne les fréquente qu’avec parcimonie. Elle, son truc, c’est le plaisir brutal, pas le militantisme ou la palabre.

C’est donc aussi sans remord qu’elle moque ces femmes soumises et masochistes qui préfèrent le mariage à un tocard violent que la solitude. En 1913, Damia chante Le grand frisé. Dans le texte, ça donne :

Y m’ cogne, y m’ démolit, y m’ crève,
Mais, que voulez-vous, moi, j’aim’ ça.
Après, je m’endors dans un rêve,
En m’ p’lotonnant bien dans ses bras.
Je m’ r’vois, lorsque j’étais tout’ gosse
Et que m’ câlinait ma maman,
Qu’ j’ai tuée d’ chagrin en f’sant la noce.
Aussi, tout ce qui m’reste maint’nant,
Quoi, c’est mon ho-omme…

Le public en raffole. Elle est provoc’ juste ce qu’il faut, avec de l’esprit et ce petit quelque chose de naturel qui fait que les gens l’adorent. Mais il arrive qu’elle outre son audience, surtout parmi les mondains qu’elle fréquente. Le faux littéraire sulfureux de l’époque (le Marc-Édouard Nabe de son temps, en somme), Pierre Louÿs, se la paye par exemple dans un texte de son journal intime : « […] Parce que Mlle Damia ne cesse de me parler à travers la table, alors que le duc et moi nous ne nous connaissons pas. Et de me parler le plus familièrement du monde avec des cris, des fous rires, des allusions aux nichons de Claudine et je ne sais quelle autre folie. […] Parce que Damia vient au dessert s’asseoir entre Claudine et moi, ce qui rend le duc furieux. […] À 10h du soir, le duc et Damia s’en vont. Puis une demi-heure plus tard, le duc revient seul. – Drame. Après quatre ans de collage, il vient de quitter Damia. Pourquoi ? Parce qu’elle a été trop aimable pour Claudine et trop familière avec moi. » Ce passage m’a beaucoup énervé, mais je me retiendrai de m’empêcher sur la faiblesse virile de Louÿs ; après tout, ce petit diariste voyeur ne mérite pas ça… Passons donc.

C’est la guerre.

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Il y a comme un spleen qui émane d’elle, une traînée dépressive qui la colle dès qu’elle se retrouve seule. Alors elle se défonce. D’abord c’est l’opium qui la branche. Les ombres décadentes Huysmanssiennes et Jean-Lorraines hantent toujours le fond de l’air des gens d’esprit ou de l’interlope parisien des années de guerre. À cette inclination naturelle pour le recours à la pharmacopée progressiste de son temps, et alors qu’elle avait commencé joyeusement dans sa vie de femme sexuée en piquant le mec de Fréhel, Roberty – depuis devenu clodo – puis enchaîné avec un duc de la plus haute noblesse, Damia désormais célèbre et sans homme fixe, dilue son malheur dans la reine des cames : « On sent l’esprit s’ouvrir à des notions restées secrètes jusque-là, dit-elle. Il me semble que si je comprends certaines choses de la vie ou même de mon métier, je le lui dois en partie. » Alors Damia monte chez elle une fumerie digne de ce nom, avec tout le décor précieux qui va avec : « C’est épatant, on se fout de tout, qui avait commencé à se droguer par simple curiosité et sans doute pour vaincre son anxiété et ses démons. Le moins marrant, c’est le réveil, les nausées et le pire c’est l’habitude, quand à six heures je n’avais pas ma première pipe, j’avais la petite sueur des pauvres. » En 1916, l’opium coûte 1200 francs le kilo. La capitale compte plus d’une cinquantaine de fumeries. Sa petite sœur tombe dedans. Le frère de Sacha Guitry aussi. Quant à Damia, elle achète sa came à Maurice Erhardt, un pharmacien-revendeur de la rue Lecourbe et passe ses journées défoncées avec son amante-toxico, Lucienne Dayan. Puis, c’est la désintox. Et la rechute. Et la dérive. Damia se fait greffer deux diamants aux tempes, pour le style, et se balade avec une panthère noire au bout d’une laisse. Elle rayonne.

Avec Varna et Gloria Lasso
Avec Varna et Gloria Lasso

Toujours star, elle part pour Barcelone en 1917 et se refait la fraise en donnant une série de concerts dans un cabaret du Barrio Chino, le quartier chaud de l’époque en Catalogne. Quelques tournées pour les poilus plus tard, la voici de retour : elle ouvre ainsi, le 30 novembre 1917, Le Concert Damia (l’actuel Bus Palladium), qu’elle transforme vite en tripot interlope où se côtoient gangsters et bourgeois qui s’encanaillent, gitons et séducteurs, dealers et poètes. L’ambiance est folle. La taulière, quant à elle, ne se contente plus de la pipe à opium : ses journées commencent aux alentours de 15 heures, et tous les soirs, elle sniffe en blanche l’équivalent du PIB de la Colombie. C’est la folie au 6, rue Fontaine. Mais les bombardements d’avril 1918 et les descentes de polices intempestives douchent dans l’instant cette zone d’utopie. Les Américains débarquent avec du pré-jazz dans leurs sacs, du Gaby Deslys, du Harry Pilcer. Pour Damia, « ce n’est que du bruit qui agresse les oreilles » ; pour se consoler de la fermeture de sa taule, elle s’acoquine avec Loïe Fuller, une Américaine aussi douée que grassouillette. Non sans d’ailleurs rappeler l’actuel et médiatique trouple homo-intello Édouard Louis – Didier Eribon – Geoffroy de Lagasnerie, Damia et Fuller ajoutent à leur ménage un troisième membre : Gabrielle Bloch, l’acolyte d’Eileen Gray. Et c’est par cette stabilité retrouvée que Damia parvient à s’éloigner de la défonce ; c’est l’amour qui la sauve. Dans le Lys dans la vie, le coûteux projet cinématographique de Loïs Fuller (qui ne sera jamais distribué), Damia joue le rôle d’une paysanne. C’est son premier rôle au cinéma. Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes pour notre Pangloss destroy. Mais rapidement, le ménage à quatre se redivise en deux couples : Fuller part avec Bloch, Damia avec Gray.

Puis, c’est Abel Gance qui en fait son actrice pour son film complétement fou au sujet de Napoléon. Et en 1926, Damia, qui vient d’enregistrer un premier disque (c’est en 1925 qu’est inventé l’enregistrement électrique dans l’industrie musicale), embarque sur un transatlantique pour l’Amérique. Elle fait un triomphe au Century Theatre puis au Al Jolson Theatre de New York. Tous les critiques américains l’acclament. Stephen Rathbon, du Sun, écrit : « Elle excelle dans l’art de la pantomime. Je crois qu’elle aurait fait un admirable modèle pour une statue de Rodin », tandis que dans le Herald Tribune, on dit d’elle qu’elle « est au-delà de tout, une véritable performer ». Damia chante ensuite pour quelques dates au Chestnut Opera de Philadelphie. Mais elle se languit de la France… Et demande vite à rentrer.

L’été suivant, à Saint-Tropez, elle s’entiche d’une belle et jeune admiratrice, Nora Vilter. L’idylle ne survivra pas à l’automne. De retour à Paris, l’icône Damia reprend sa vie et ses liaisons habituelles ; elle est une star, pas une héroïne désespérée de romans mal troussés.

Puis, c’est la Crise.

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Au début des années 1930, le producteur Jean Bérard – le directeur artistique de Columbia – lui met la main dessus. Fou d’amour et d’admiration pour son étoile chantante, il devient « Monsieur Damia ». Lassée des relations compliquées avec des femmes-artistes tourmentées, Damia se laisse séduire. Mais son caractère ne s’est en aucun cas adouci et elle tient toujours la pitié et la faiblesse en mépris : « Je ne me sens pas disposée à m’attendrir sur n’importe qui », dit-elle à tout le monde pour ne pas que l’on se méprenne à son sujet. Son tempérament de diva agace son entourage, qu’elle régénère au fur et à mesure où les égos s’abiment, se froissent et se renouvèlent. Elle passe ses journées allongées sur son lit, son cendrier posé à côté sur sa table de chevet, un livre de Simenon à la main, pendue au téléphone pendant des heures quand elle ne lit pas. Elle n’écrit jamais ; elle préfère bavarder ; elle n’est jamais seule. Son compagnon officiel donc, c’est Jean Bérard. Son minet du moment se nomme Pierre Colle. Sa partenaire de défonce s’appelle Violette Murat. Colette vient souvent chez elle lui rendre visite. Puis elle fait un carton salle Wagram, en 1933, où trois mille personnes l’acclament dans une ferveur que l’on ne réserve d’ordinaire qu’aux légendes. À Bobino, François Mauriac (« Je suis au promenoir. C’est extraordinaire ce qui s’y passe. Je m’amuse comme un fou. ») et Robert Brasillach viennent l’applaudir. Et quand, en 1935-36 Paris passe à gauche, Damia se découvre une conscience rouge. Elle chante l’Internationale sur quelques lieux de grève et devient une égérie du mouvement ouvrier – alors qu’elle avait donné un concert pour le gala des Croix-de-Feu. Ce qui lui plaît là-dedans, c’est le côté peuple ; la politique, elle ne s’y intéresse pas ; ce qu’elle cherche, c’est sentir la foule, pas exercer le pouvoir ; elle veut qu’on l’adule, pas qu’on lui obéisse ; elle veut qu’on lui lèche la poire.

Puis vient son immense tube intemporel : pour son retour à l’ABC du boulevard Poissonnière, elle chante son plus grand succès, Sombre Dimanche – une composition hongroise suicidogène qui sera plus tard reprise par Serge Gainsbourg, Billie Holiday, Sarah Vaughan, Genesis, Ray Charles, Elvis Costello, Artie Shaw, Marianne Faithfull, Björk, Diamanda Galas et des dizaines d’autres.

Après avoir rejeté les avances du roi Alphonse XIII d’Espagne, Damia se dégotte une jeune et jolie journaliste pour s’amuser et jouer à la poupée saphique : Anita Estève. Puis, en décembre 1937, elle part pour l’Allemagne, pour y chanter au Theater am Kurfürstendamm de Berlin. En bonne vedette égocentrique qui se respecte, elle apprécie le traitement royal qu’on lui accorde à Naziland. Il faut dire que les gens du Führer savent recevoir, aussi « spéciaux » soient-ils. Mais les Allemands n’en sont pas fans… Et elle n’y retournera pas. Entre temps, elle continue de sortir des tubes : Johnny Palmer, Je suis dans la dèche, La rue, Balalaïka, etc. Désormais fortunée, Damia s’achète une belle villa sur les hauteurs de Saint-Cloud. Elle est au sommet. Elle domine. Mais tout va s’assombrir.

Piaf vient lui disputer la vedette. « Cela suffit que je lève le bras pour qu’elle passe en dessous », dit Damia agacée par « la Môme » qui commence à lui faire sacrément de l’ombre. Puis c’est Jean Bérard qui la quitte pour une belle Teutonne aryenne. Damia chante alors La malédiction avec une force tragique qui fait mouiller de larmes toutes les salles :

Et s’avançant dans les ténèbres
L’étrange armée au pas funèbre
Vint au Soldat dit l’Inconnu
Arrêtant sa marche enragée
Elle se fit grave et rangée
Et les fantômes blancs et nus
Au cri du Ciel « Morts, en avant ! »
Souffles unis, tuèrent la flamme
Et leurs voix clament aux survivants
« Que Dieu vous damne ! »

Puis, c’est encore la guerre.

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portrait-avec-clope-copieElle chante le 17 mars 1939 au front, pour soutenir les hommes. Mais la France capitule vite. Les Allemands débarquent dans Paris. Dans un premier temps, Damia ne s’en offusque pas puisqu’elle les aime bien, les Boches. Elle, c’est les Rosbifs, ces British à la con qu’elle déteste. Mais les bouffeurs de choucroute, ça lui va… Tant qu’ils ne l’emmerdent pas. Et justement, ces derniers commencent à jouer les autoritaires en zone occupée. Là, Damia se rebiffe et les provoque gentiment dès qu’elle grimpe sur scène. Mais les Allemands la laissent se produire. Alors elle s’en accommode. En tant que vedette, elle ne connaît ni le manque ni la peur pendant ces années d’occupation. En février 1944 cependant, quand ses copains Robert Desnos et Max Jacob sont envoyés en camps, elle commence vraiment à les détester. L’antisémitisme, elle ne le comprend pas ; elle ne l’a jamais compris. Mais le fait d’avoir frayé avec Jean Bérard – devenu collabo de premier plan en sa qualité de directeur artistique de Columbia – lui sera toujours implicitement reproché. Elle passe l’épuration intacte, ou presque, mais elle semble avoir pris un coup de vieux. On dit de Damia pour déconner : « Pas très résistante. » Mais justement, et à la différence de nombreux Français, elle n’a jamais prétendu l’être. Évidemment, l’artiste qui profite le mieux de ce vide post-nettoyage c’est Édith Piaf. Pourtant, « Piaf la sainte » n’a pas franchement le CV d’une maquisarde de la première heure : après quatre tournées en Allemagne pendant cette période, de nombreuses frasques avec les Boches et de multiples interventions sur Radio Paris, la Môme mérite plus l’échafaud que la médaille de la résistance. Et pourtant, on l’acclame ; les Français en ont plein la gueule de leur drama queen de poche ; ils s’identifient sans doute plus facilement à elle, cette petite chose qui chiale et gémie en chantant, qui cède plus facilement à l’occupant qu’à la noble mais (dans l’instant) peu gratifiante tâche de sauver des Juifs ; bref, elle est comme eux (faible, geignarde et opportuniste). Alors que Damia, avec ses frasques et son allure de grande dame well punked, froisse leur petit sens moral qui sent bon la pastille Vichy et les gaines de grosses qui ne s’assument pas. Les résistants-coiffeurs, fans de Piaf, of course, proposent dans la foulée de tondre Mistinguett, Fréhel et Suzy Solidor. On les retient de justesse mais le coup est parti ; Damia est dépassée. Elle tombe en disgrâce, brusquement, sournoisement et injustement.

De concerts minables dans des tripots de seconde zone en galas pourris à l’autre bout de l’empire français, la légende de Damia s’évanouit dans les méandres de la nostalgie ringarde et franchouillarde. Elle retourne bien chanter en Égypte, mais il paraît désormais loin le temps où, au Caire, des blédards parcouraient cinq-cents kilomètres à travers le désert juste pour assister à un concert de la grande Damia. Sa haine contre Piaf s’accentue, et cette dernière le lui rend bien quand elle déclare, du bas de sa malveillance habituelle, en interview : « Je ne veux pas finir conne comme Damia », qui fait un bide salle Pleyel. Parmi ses célèbres amis d’avant, seuls Jean Genet et Foujita continuent à la fréquenter, notamment lors des dîners-rituels qu’elle organise tous les dimanches – une formule qui sera reprise plus tard par Dalida. Oh, on lui trouve bien une série de dates au rabais à Bruxelles, mais l’air de la capitale belge déplaît fortement à la Grande, qui lâche dans une lettre à une amie : « On peut dire que la vie est un bâton merdeux – mais je voudrais bien savoir qui sont les merdouilles qui m’ont desservie ici ! »

Un autre projet la fait cependant vibrer : partir au Japon. On lui dit  à commencer par son ami Foujita  que là-bas, elle est toujours une star, une quasi déesse. Vous pensez donc bien que ça l’intéresse d’y aller, ne serait-ce que pour se refaire l’égo. Pour l’occasion, elle se fait alors lifter une troisième fois et embarque dans un avion vers Tokyo le 26 avril 1953. À l’arrivée, c’est une foule immense qui l’accueille et l’acclame. Elle n’en revient pas. Les flashs des photographes crépitent et des centaines de jeunes se bousculent, un carnet à la main, pour obtenir un autographe de la diva française – qu’ils ne soupçonnent pas déchue. Elle, en déconnant, lâche aux journalistes qui l’interrogent en bas des marches de l’engin : « Dès demain, j’achète des chaussettes à pouces ! » Dans Tokyo, elle ne peut pas faire deux pas tranquillement « car ils [les Japonais, ndlr] ont tous la manie de la photo, à croire qu’ils ont avalé un appareil en arrivant au monde. Dans les magasins, les vendeuses toutes en sourire, me repèrent tout de suite et j’entends « Damia – Damia » sans arrêt. » Et de conclure, très modeste : « Ce n’est pas de la folie, c’est de la passion qu’ils ont pour moi. On me regarde ici comme un phénomène jamais vu. » Elle y chante et y triomphe, plusieurs fois. Du pays du Soleil Levant, elle revient avec des kimonos plein ses valises et… l’acupuncture – qu’elle sera l’une des premières à pratiquer en France.

Et puis, plus rien. L’anonymat. Plus personne ne l’attend à Paris, à part quelques amies. Bruno Coquatrix tentera bien de la faire chanter à l’Olympia. Mais l’expérience virera au désastre : Damia est devenue une vieille chose désuète.

Heureusement qu’une ultime représentation presque réussie au théâtre de la Gaité-Lyrique viendra adoucir cette fin de carrière en eau de boudin : « Damia, c’est notre Garbo », dit un journaliste à la radio, avant d’ajouter, complaisamment : « Les deux artistes mettent fin d’elles-mêmes à leur propre carrière en se retirant des scènes en pleine jeunesse, en pleine gloire. »

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« Damia s’est fait refaire le visage à 79 ans », titre France Dimanche qu’elle rebaptise « La Fabrique du Moche ». Elle ne se cache pas : « C’est vrai, pour mon anniversaire, je voulais être jeune et belle. Du moment que mes chansons ne vieillissent pas, je ne vois pas pourquoi moi, j’aurais l’air d’une vieille pomme ridée ! » Damia a désormais tout d’une vieille bourgeoise idéale, le manteau en fourrure, les dents blanches et bien rangées, la tronche liftée, les bijoux clinquants et les chapeaux qui lui donnent l’allure d’une grande dame pas commode. Elle envoie paître à tours de bras les courtisans trop veules, maltraite son monde avec bienveillance ; en somme, elle se maintient en forme de la plus saine des façons, c’est-à-dire en faisant chier le monde depuis son lit – qu’elle ne quitte que rarement – , engoncée dans ses beaux pyjamas japonais, sa gauloise fumante à la main, son verre de rouge dans l’autre.

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Rue Cortambert, chez elle, Jean Genet se pointe parfois accompagné d’un certain Jean Marais, qui admire Damia à en perdre la raison, de son propre aveu. Mais les louanges que certains courtisans lui adressent, cela ne suffit pas à la faire vivre. À court d’argent, « la vioque pas très aimable » est déplacée dans un atelier d’artiste, moins coûteux et plus petit, rue Junot. Son cercle d’amis se rétracte. Quelques vautours viennent profiter d’elle encore, des vestiges de son prestige, de sa naïveté aussi. On croise tour à tour dans son salon un mythomane, une femme de ménage nymphomane, des gens de rue pas très recommandables et tout un tas de pique-assiettes bien éduqués comme seule Paris sait en produire. Puis ce ne sont plus que quelques fidèles qui restent à ses côtés quand la mort se fait sentir, les plus courageux. Elle déclenche un Alzheimer carabiné : bref, « tout fout l’camp ».

En 1963, entre Herbert Von Karajan et Françoise Hardy, on lui remet le prix de l’académie Charles Cros, une récompense importante dans le milieu musical. « Il arrive trop tard », se contente-t-elle de dire tout sourire en le réceptionnant. Parmi les jeunes chanteurs, elle n’écoute guère que Brel et Brassens. Dalida ? Elle ne la comprend pas. Quant à « la Gréco, [elle] ne se sert que de ses mains, et la petite [Mirelle] Mathieu a une jolie voie mais il lui manque d’avoir bouffé de la vache enragée, comme moi ».

C’est donc devenue une vieille peau aigrie qui descend tout ce qui bouge et surtout qui a le Nouveau en horreur. La radioscopie que lui fait passer Jacques Chancel le 5 décembre 1969 ne dit d’ailleurs rien de différent :

« – On ne voit rien d’extraordinaire, dit Damia.
– Même l’homme sur la Lune ?
– Je m’en fiche de la Lune. Pour faire quoi ? Pour un amas de cailloux ? Écoutez, franchement… »

Puis elle sort du monde réel des vivants-actifs et attend la mort. C’est l’Oubli, la Maladie.

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Damia meurt en 1978, après dix ans de néant. Mais à la différence de Fréhel qui avait fini seule, séchée par l’abandon, la misère, la coke, l’alcool et l’éther, dans une piaule sordide d’un bouiboui à tapins de la rue Pigalle à même pas soixante ans, Damia disparaît elle à quatre-vingt-neuf ans, tranquillement chez elle, entourée, comme toujours, de fans devenus auxiliaires de vie pour vieille dame n’ayant plus toute leur tête.

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Damia-litSi toutes les vies n’en sont pas, celle-ci en fut une. J’imagine que Damia, avec sa gouaille de poissonnière chic, n’aurait rien aimé de notre époque compassée par les algorithmes et les règles de vie qui nous poussent à ne plus offenser personne, « à respecter la sensibilité d’autrui et son droit à la différence quoi qu’il arrive », qu’elle aurait envoyé balader tous les censeurs de la même manière que, lorsqu’en son temps, elle refusait le lesbianisme politique et le mariage utile. En ce sens donc, Damia n’a rien de politiquement correcte. D’ailleurs, si vous êtes vous-même adepte des opinions lisses et des vérités adoucies, j’espère que ce papier vous aura bien collé la gerbe. Pour les autres en revanche, les individus libérés d’eux-mêmes, je prie au plus profond de moi pour qu’à la lecture de ce papier, quelque chose vous ait traversé avec panache, c’est-à-dire en vous ait rendu moins cons. Car il est dorénavant certain que lorsque le prochain petit branleur de rock critic sauce Inrocks/Technikart viendra vous brancher en vous jouant son monologue pompeux composé de références ampoulées à la Coltrane, Mingus, Kraftwerk, The Talking Heads, Elvis Costello, The Smashing Pumpinks et The Wytches pour simplement se justifier de n’avoir pas aimé le dernier album de Tame Impala, parlez-lui de Damia. Vous verrez, ce sera magique : il fermera sa gueule. Ouais, la chanson réaliste, ça leur échappe souvent à ces gens-là, de la même manière que le décadentisme échappe aux jeunes littérateurs de notre temps – qui considèrent que Duras et Angot, c’est tellement plus ouf… Pour faire simple, Damia constitue votre passeport pour l’atypicité. En elle et en son œuvre vous trouverez ce qui vous manque d’entéléchies génératrices chez les autres pour vous accomplir en tant qu’êtres qui aspirent au sublime. Prenez-la comme modèle ; faites-en une icône de notre présent ; aimez-la ; adulez-la, mais je vous en supplie, cessez de l’ignorer et de penser que la chanson française de l’époque ne peut être que ringarde, que populaire, que conne, et que seul le rock anglo-saxon a droit de cité dans une conversation musicale sérieuse. Damia a sniffé plus de poudre que tous les Stones ensemble, sachez-le. Et on en ferait pas tout un fromage si elle tombait d’un cocotier, elle. Mais Damia a été plus que ça, plus qu’une simple junkie excentrique, plus qu’une vedette populaire, plus qu’une madone à pédés : elle a été pour tout être.

La biographie de Damia : Francesco Rapazzini, Damia, une diva française, éditions Perrin, 412 p., 2010.
Crédits photos : Francesco Rapazzini

21 commentaires

  1. J’ai déjà entendu son nom, vu son visage sur des pochettes de 45 tours. Mais son genre de voix roulante n’attirait pas la jeune ou petite fille que j’étais. C’était d’un autre temps… Aujourd’hui encore plus, mais aujourd’hui est un autre jour : j’ai lu cet article.
    Il me fait énormément de bien, parce que cette femme en avait !
    Que les femmes qui en ont se lèvent, se montrent, se fassent entendre, qu’elles n’attendent pas des décennies pour ça. Qu’elles parlent, qu’elles ramènent leur fraise, qu’elles tapent du poing.
    Et qu’elles se fassent respecter, ça éviterait les plaintes à rallonge ou à retardement.
    Je me suis un peu emballée, mais ça aurait pu être pire.

    Merci beaucoup pour cet article. Et de m’avoir fait connaitre cette dame à votre façon. I like !

  2. Bravo pour ce beau papier (d’autant plus beau qu’il ne contient une référence à La maman et la putain) mais j’ai une réserve: pourquoi voir de l’ironie (de la « moquerie ») dans Le grand frisé? Vous croyez vraiment que cette papesse de la chanson réaliste chantait une telle chanson d’amour au second degré?

  3. Bravo pour ce beau papier (d’autant plus beau qu’il ne contient aucune référence à La maman et la putain) mais j’ai une réserve: pourquoi voir de l’ironie (de la « moquerie ») dans Le grand frisé? Vous croyez vraiment que cette papesse de la chanson réaliste chantait une telle chanson d’amour au second degré?

  4. les vidéos sont incomplètes, pas d’informations sur les enregistrements, je réalise et mets en ligne des chansons anciennes issues de ma collection, écoutez la grande Damia sur ma chaîne lysgauty1 sur youtube.

    1. venez découvrir le patrimoine sonore sur ma chaine youtube lysgauty1 de nombreux inédits sur disques 78 tours rares de ma collection

  5. C’est dommage, le fond de ce papier est pertinent et informatif sur une icône apparemment remarquable. En revanche, cette manie de critiquer notre époque actuelle sur un fond de nostalgie de « c’était mieux avant » est beaucoup trop cliché. J’aime à penser que d’ici 50 ans, quelqu’un écrira quelque chose sur un artiste mal-aimé de notre génération en avance sur son temps. Je ne pense pas avoir des opinions lisses et pourtant la condescendance de cet article m’a interpellée voire dérangée pour profiter pleinement de cette découverte. J’ai aimé ce que ça dit sur le féminisme de l’époque qui ne laissait pas de demi-mesure bien que le féminisme et la théorie féministe soient plus compliquées qu’un comportement « anti ».

    1. Damia fut en son temps , l’artiste préféré des français , à partir des années 70 on a constaté un véritable mépris pour les idoles d’avant guerre, peut être parce que ces artistes étaient plus talentueux que les Sheila, Rigo et autres pantins des années disco….on oublie aussi le succès international de nos artistes oubliés….Lucienne Boyer, Lys Gauty, Maurice Chevalier , Suzy Solidor et Damia……les étrangers collectionnent leur disques il suffit de voir les ventes sur ebay….a lire la biographie Consacrée à Damia de Francisco Rapazzini éditée en 2010  » Damia une diva française  » chez Perrin édition.
      livre écrit par un italien passionné par Damia et qui trouvait incroyable que soit oubliée en France…..

  6. C’était un article intéressant ; je ne connaissais pas Damia.
    Néanmoins, les arguments ad personam dans le journalisme dit gonzo, ça commence à devenir gonflant. Il me semble que l’auteur se leurre sur les enjeux du genre.
    Quant à ses fantasmes sur l’aristocratie de caractère, en restant mesuré je dirais qu’ils sont nauséabonds. Si la force de caractère c’est taper sur Piaf parce qu’elle est petite et qu’elle joue (bien !) la fragilité, sans poser une seule fois la question de son talent, pardonnez-moi, mais il est heureux que ce soient les « faibles » qui règnent encore majoritairement sur la critique.

  7. Excellent article, bien tourné, riche, honnête, écrit par un petit bourge qui aurait aimé être un dur de dur, un prolo, un zonard mais qui devra se contenter de vivre dans le monde des espèces socialement protégées, parentalement assistées.

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