Contrairement à certains confrères se trouvant dépourvus lorsque vient le moment de se sortir les doigts de l’ampli, le jeune label du Mans nommé Cranes Records prouve qu'il n’a pas que la peau sur les os. Interview de ces Jean Moulin du shoegaze qui signent, avec leurs premières sorties dignes des années Creation, une alternative au Radio Londres de Grand-papa.

Tout comme il est vain de chercher midi à quatorze heures et le génie au fond du jean slim du premier rockeur mal fagotté, il serait facile de se satisfaire de la poignée de labels français qui, comme Pan European ou Born Bad, font le bonheur des Résistants de la zone libre – et comme en 45, Dieu sait qu’ils ne sont pas nombreux. Au fond du maquis tapissé d’un poster grandeur nature d’Alan McGee et autres icônes de l’Angleterre post-industrielle et kaléidoscopes des années 90, deux gamins de 22 ans nommés Ragnar et Denis ambitionnent de placer Le Mans dans le guide Michelin des villes électriques, comme un équivalent local du label Sacred Bones. Le leitmotiv de base de ces fougueux pleins d’ambition ? Sortir des disques artisanaux de Français inconnus, et en vinyle fait-main. Convaincu que la belle musique mérite de beaux disques, le duo de Cranes Records enfonce le clou avec une métaphore esthétique qui ringardise d’office le CD et Myspace — « Quand on aime une fille, lui offre-t-on un survêtement ou les magnifique robes dont elle rêve ? » — et confirme que le bon goût, comme en cuisine, c’est surtout une question d’ingrédients. Os secours, numéro d’urgence pour ceux qui croient qu’on a enterré le rock français depuis la formation de Téléphone.

Après telle introduction et avant de vous ruer sur la shoegaze psyché des Dead Horse One de Valence, la pop noire de the Dead Mantra, les débuts prometteurs de Seventeen at this Time (déjà repérés sur la formidable compilation du Turc Mécanique) ou encore la réédition du « Silver Album » de December Sound en vinyle 180 grammes, petit préliminaire avec un interrogatoire moins violent que celui de Jean qui-vous-savez par la Gestapo.

Comment est venue l’idée d’un label, qui plus est nommé Cranes ?

La première fois qu’on a parlé musique ensemble, on a été étonné de savoir que l’un et l’autre étions fans du groupe Cranes, groupe cold-wave de Porstmouth. Ça a logiquement donné Cranes Records.

Est-ce dû au fait qu’il n’y a rien à faire au Mans ? L’ennui a-t-il été un moteur ?

Tu décris bien Le Mans. Donc l’ennui, oui. Construire là où il n’y a rien, c’est la raison pour laquelle on n’aurait rien fait dans une ville où tout serait à notre disposition. On avait envie de faire quelque chose de notre temps, en plus du fait qu’on a de bons amis dans de bons groupes. On avait déjà des bases de live bootlegs et des covers, donc pourquoi pas faire des disques ?

Décrivez-moi votre espace de travail, le studio où vous travaillez…

On n’a pas de vrais bureaux, la plupart du temps on est sur nos laptops dans les bars et les MacDo. Chez nous ça ressemble plutôt à des entrepôts remplis de cartons.

À quand remonte votre désaffection du format CD ? 

Dès le début, avant qu’on soit nés. C’est très moche, c’est fragile, et une bonne platine CD n’est jamais donnée. Et puis c’est toujours rigolo de vendre des vinyles aux gens qui n’ont pas de platine et qui les accrochent dans leur chambre avec de la Patafix.

Quel est le label qui vous a donné envie de vous lancer, au niveau esthétique et musical ?

Au début, on n’avait pas trop de labels référents, on a d’abord pensé aux groupes. On a ensuite créé l’esthétique du label autour d’eux. Même si on admirera toujours le travail de justesse de Factory Records. On peux aussi citer Smells Like Records et Black & Noir.

Qu’est-ce qui vous fout les glandes dans la musique actuelle ?

En général, on trouve que tout se défend, même l’emo-crunk. Par contre, pour le label on est très sélectifs. On n’a rien contre ceux qui ont une principale motivation financière, mais chez nous on est clairement pas dans cette optique, on espère revenir dans nos frais pour toujours produire plus, et que la machine se nourrisse d’elle-même.

The Dead Mantra ou Seventeen at this Time ont déjà fait parler d’eux ces derniers mois. Sont-ils des potes à vous au départ ?

Oui. La création du label s’est faite parallèlement à nos amitiés avec ces groupes-là. Qui plus est de qualité.

Avec quels disques avez-vous grandi ?

Ceux de nos grands frères, les Beastie Boys, Nirvana, Prodigy, Radiohead, Pixies. Ensuite on a grandi avec « La Mia Vita Violenta » de Blond Redhead, « Forever » de Cranes, « Daydream Nation » de Sonic Youth, « Infamous » de Mobb Deep, « Illmatic » de Nas, etc.

Le manifeste de Cranes en trois mots ?

On fait quelquechose.

Pour finir, une phrase sur chacune des signatures du label ?

The Dead Mantra avec « Path Of Confusion EP » (10″ vinyle + CD) qui est sorti en avril. C’est la première production du label et du groupe, les débuts sont toujours intéressants.

Seventeen at this Time avec « Everything I Touch Goes Wrong », single (10″ vinyle) qui sort en août 2012. Dans 20 ans, on espère la même joie chez les gens qui le redécouvriront que nous redécouvrant aujourd’hui des groupes comme Kas Product.

Les Dead Horse One x The Dead Mantra — « Split » (10” vinyle), qui sort en août. C’est un split complet, qui nique.

La réédition du « Silver Album » de the December Sound en 12” double LP, qui sortira en septembre. C’est le genre de truc à absolument avoir.

Enfin Dead Horse One avec « Heavenly Choir Of Jet Engines EP » (12” vinyle) qui sortira à l’automne 2012. Une belle production au service du psyché.

Dead Horse One – ALONE « Heavenly choir of jet engines  » ep by Dead Horse One

Toutes les infos utiles sur le site officiel de Cranes Records

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