En cinq ans d’activité avec leur label Deewee, les frères Dewaele (plus connus sous le nom de Soulwax) ont prouvé qu’on pouvait être à la fois belge, mondialement reconnu et pourtant pas prêt à s’affaler sur le sofa de la fainéantise. La sortie au printemps dernier de la compilation « Foundations », répertoriant le meilleur des productions maison, agit de ce point de vue comme une excellente boisson énergétique.

Ils ont débuté presque en même temps que les Daft Punk (qu’ils ont remixé), traversé quatre décennies (qu’ils ont plié), battu LCD Soundsystem sur la longueur (ils les ont aussi remixé) et sont auteurs d’un dernier album paru en 2017 (« From Deewee ») qui résiste au temps mieux que bien. Eux, ce sont les frères Dewaele, un duo de Gand à l’abri du coup de vieillesse et qui, en plus de se réinventer en permanence (réécouter pour ce la « Essential », publié en 2018) parvient à jongler entre ses propres activités et celles de patron de label.

Ledit label, c’est Deewee, une antenne discographique à voir comme une pépinière à dégénérescence électronique où les deux signent à tour de bras depuis 2015., Des maxis toujours dansants mais jamais bêtes, des EP d’artistes aux noms sortis d’une compilation d’italo disco de 1984 (« Zandoli » de Charlotte Adigéry), et puis parfois, sur un malentendu, des albums comme ceux de James Righton (l’ancien clavier de Klaxons) ou de Phillipi & Rodrigo, décrit comme « du Stereolab chantant en portugais tandis qu’un groupe de batucada se produit pendant une rave sur une plage brésilienne ». Et le pire, c’est que ce n’est pas faux. En regardant le trombinoscope de Deewee, on peut avoir par ailleurs l’impression que tous ces gens sont recherchés par les flics pour tapage nocturne, ce qui, encore une fois, est peut-être vrai.

Contrairement au cousin Ed Banger avec qui ils ont grandi, et actuellement en phase d’institutionnalisation les frères Dewaele semblent avoir conservé la magie des débuts en coupant constamment les câbles à peine branchés. Certes, les deux Belges sont vieux, au point qu’on les confondrait sans doute avec des videurs si on les croisait en club (la phrase est d’Etienne de Crécy à propos de lui-même), mais ils sont toujours en pleine possession de leur moyen. Et c’est énergie dépensée à pousser des plus jeunes qu’on retrouve, en partie, sur la compilation « Foundations », une énorme bible en trois volumes, trois vinyles, où l’on retrouve les signatures de ce laboratoire électronique. Les meilleurs moments ? Le Italove d’Emmanuelle, fidèle à l’idée qu’on pourrait s’en faire (un track disco-ibérique sorti d’une B.O. de film érotique avec des robots), l’hommage de James Righton à Prince sur Release Party, le 9000 de Phillipi propulsant l’auditeur dans un chill atmosphérique digne des meilleures chichas sur le marché, le Disco pregnancy de la Brésilienne Layma, publié seulement quelques jours avant le premier confinement de 2020.

On évitera par courtoisie de détailler les 27 pistes de ce tracklisting, mais on précisera que les patrons sont bien évidemment eux aussi présents sur l’album, notamment pour un « Close to paradise » composé en hommage à Ibiza avant que l’île ne soit colonisée par l’industrie du clubbing, et empruntant le même gimmick d’écriture que le Giorgio by Moroder des Daft Punk (en gros : des interviews mises en musique). Et puis citons aussi, pour le plaisir, le track hommage au synthé EMS Synthi 100, issu d’un EP de 2020, et aux antipodes de la musique dite commerciale.

On pourrait continuer comme ça encore longtemps, et c’est après tout qu’on souhaite aux frères Dewaele. Au final, cette compilation de premier quinquennat prend des allures de disque idéal et prouve que même après 50 sorties, Deewee est loin d’avoir fait le tour de sa propre boule à facettes.

Foundations, compilation Deewee  (LP et CD)
https://store.deeweestudio.com/products/deewee050-foundations-compilation    

2 commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages