A écouter les récentes sorties du label Born Bad, on est parfois en droit de se demander si JB Wizzz ne passe pas davantage de temps à la décharge publique qu’en studio. Non pas que le Saint patron du rock français ait du ciment dans les oreilles ou plus assez de cartouches pour étoffer la discographie du label - c’est même tout l’inverse – mais après le « Spielt Noise Boys » de Stephan Eicher ressorti de la cave et la B.O. du « Mariage Collectif » de Jean-Pierre Mirouze publiée après 40 ans de silence, c’est au tour d’une mystérieuse chanteuse d’être sortie du frigo. Et effectivement, Clothilde, sans être la poubelle pour aller danser, méritait mieux que le marteau-pilon…

Décrite par Born Bad comme « une french swinging Mademoiselle » de l’année 67, Clothilde n’a pas le physique de Bardot, mais elle a les chansons. C’est du moins ce que laisse entendre la réédition de ses deux EP’s de chez Vogue, le tout agrémenté de deux versions italiennes qui ne gâche rien à l’affaire. Une fois n’est pas coutume, on ne va pas y aller par quatre chemins ; les neufs chansons qui composent ce testament s’avèrent au moins aussi bluffante que la trajectoire de comète empruntée par cette poupée qui fait non.
Embarquée un peu contre son gré dans cette aventure discographique, la jeune française qui rêve alors de percer au cinéma n’a certainement pas conscience que ses comptines pop sont d’une part largement au dessus des niaiseries de France Gall, mais surtout bien meilleures que les chansons rive gauche de Jacqueline Taieb, réévaluée sur le tard sans qu’on ait encore vraiment compris pourquoi. Derrière la voix de crécelle de Clothilde, un backing band de premier plan qui donne parfois l’impression qu’on vient de découvrir que Chantal Goya avait enregistré deux trois bricoles avec les Stones période « Aftermath »…

Le seul tort de cette jeune fille faussement stupide est encore d’avoir eu le courage – ou l’inconscience – de chanter en Français des sornettes telles Fallait pas écraser la queue du chat ou La ballade du bossu, toutes composées par un certain Germinal Tenas, directeur artistique des disques Vogue qu’on retrouvera plus tard, gras et adipeux, dans le show business, des génériques de télévision aux comédies musicales. Mais bref, en 1967 la France chante encore l’insouciance d’une décennie sans fin et le petit minois de Clothilde se marie parfaitement au papier peint. Etudiante en Art Deco, la jeune fille découvre les yéyés en plateau dans l’émission de sa mère, « Vient de paraître », qui accueille les futurs grands de la chansonnette, qu’ils s’appellent Serge Lama, Stone et Charden ou encore Hervé Vilard. Comme on tous envie à ce stade de vomir par dessus bord, précisons néanmoins que Clothilde découvre également Michel Polnareff avant qu’il ne fasse la célèbre couverture de Rock & Folk, en 1966. Anecdotique, mais tout de même révélateur du son Clothilde, et pas si éloigné que ça de la voix lancinante et des mélodies beatnick telles qu’on les entend alors chez Polnareff sur Sous quelle étoile suis-je né ou Le saule pleureur. Rajoutez à cela des arrangements à base d’improbables cors de chasse, et vous obtiendrez ce trip en technicolor passé en accéléré où il est autant question de femmes vénales (Je t’ai voulu et je t’ai bien eu) que de belettes qui ont besoin de voir un esthéticien (Saperlipopette)… Niveau subtilité des dialogues, on n’a pas vu mieux depuis les Charlots, qui font d’ailleurs une apparition sur Des garçons faciles, chanson qui est loin de l’être, on s’en doute.

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A la question « pourquoi donc Clothilde n’a-t-elle pas fait carrière ? », une seule réponse s’impose : parce qu’elle n’en voulait pas. Poussée sous les feux de la rampe par Germinal Tenas – en voilà un qui porte bien son nom – alors qu’elle n’a rien demandé à personne, CloClo n’aime ni les paroles de son producteur, ni les vêtements gnagnan qu’il lui impose de porter. Pas vraiment destinée à faire le tapin à l’ORTF, pas plus qu’à chanter des chanter des chansons tristes pour filles qui ont leurs règles comme Françoise Hardy, Clothilde clôture sa courte carrière après deux EP’s quand Germinal, possédé par l’esprit Spectorien, en aurait bien fait sa Ronnie Bennett. L’histoire en a décidé autrement. Peu convaincue par son propre talent et disons le, pas de taille à affronter son propre succès, Clothilde tourne finalement le dos à tout ce merdier dès 1968 et retourne étudier la graphologie pendant cinq ans, le temps de se rendre compte que si elle ne deviendra jamais actrice, elle est peut-être passée à coté de sa véritable vocation. Le destin des chanteuses est parfois difficile à déchiffrer.

Clothilde // Réédition French swinging Mademoiselle 1967 // Born Bad
Sortie le 29 avril 2013

5 commentaires

  1. Chouette compilation effectivement. Le saviez-vous? La grande Christine Pilzer, même époque et 2 e.p.s au compteur également, reprends du service!

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