Tout le bien qu’on a pensé du dernier disque de David Lemoine, Etienne Nicolas et Olivier Demeaux est écrit ici. Pour les explications des intéressés, données entre une poignée de bonbons Haribo, quelques noix et un Twix dont l’emballage a résisté longtemps, depuis les loges des 4 Ecluses à Dunkerque, ça se passe juste en dessous. Si ça ne vous intéresse pas, vous pouvez toujours écouter Stromae.
Un mois avant sa sortie, la chronique de « BUM » a fait un carton sur Gonzaï, y a pas mal de commentaires sur votre Facebook et celui de Born Bad, votre label… On dirait que « BUM » est très attendu, non ?
David : On dirait, ouais.
Etienne : Après, ça fait trois ans qu’on n’a pas sorti de nouveautés, enfin, si, on avait fait la musique des « Apaches », un long métrage sélectionné à la quinzaine des réalisateurs (au festival de Cannes, en 2012). Bon, après c’est un premier film, au début, on était là « ouais, super, on va faire la grosse BO, avec le thème machin »… Au final, on a fait neuf minutes du film !
En deux mots, comment ça s’est passé ?
Etienne : C’est Thierry de Peretti, le réalisateur, qui nous a contactés.
Pourquoi vous ?
Etienne : Parce qu’il aimait bien le titre C’est ça l’amour.
Donc au départ, vous deviez faire la B.O. ?
Olivier : Oui, mais en fait, c’est surtout un morceau qui a été utilisé pendant le tournage, où la musique passe telle quelle, les acteurs sont au bord d’une piscine… Et ça marche pas mal. Mais après, bon, au départ, le film durait deux heures, il y a eu une demi heure de coupée…
David : Et puis ça se passe dans les boîtes de nuit en Corse, et il passe pas trop du Cheveu ! Le gars s’est rendu compte à la fin du montage qu’il y avait un petit décalage !
Du coup, ça a dû vous demander beaucoup de boulot, non ?
Etienne : On a bossé dessus pendant deux trois mois, du coup, ça a repoussé la sortie du disque. Et du film, aussi !
Olivier : Ca nous a fait jouer au festival de Cannes, aussi.
Cheveu a ambiancé une party ?
Etienne : Vu qu’ils ont appris tardivement qu’ils étaient sélectionnés, comme c’est un film corse, ils ont cherché un Corse qui avait un bar à Cannes, et celui qu’ils ont trouvé tenait un bar échangiste…
Cheveu. Dans un bar échangiste de Cannes. Pendant le festival. Avec de la charcuterie corse de partout. Des serveuses avec les nibards à l’air. Pour un film subventionné en partie par la Région corse. On pourrait presque rester là-dessus. Ils cherchent le nom du lieu, ne s’en souviennent plus… Puis ça revient « Oui, c’est ça, c’était l’Anonyme ». Ben voyons. Redevenons sérieux cinq minutes.
Et vous avez fait un concert entier là-dedans ?
Olivier : Carrément, oui. Je crois même que ce soir-là, Daft Punk et Phoenix jouaient à Cannes.
David : Ils ont eu personne !
Blague à part, y avait du monde ?
Etienne : Bah oui, tu sais, quand c’est open bar… Y avait Bernard Menez. Et Norman, aussi.
David : C’est qui, Norman ?
J’ai envie d’embrasser David Lemoine, habitant du XXI siècle qui ne sait pas qui est Norman. Avec tout ça, ils n’ont pas répondu à ma question. Je la repose.
La forte attente du public, vous vivez ça comment ?
Etienne : Je sais pas…
David : On avait un peu hâte de le pondre, c’était hyper pesant, on y a passé un temps…
Olivier : C’était la première fois qu’on allait en studio.
Les deux premiers, vous les avez fait où ?
Olivier : Chez nous, un peu bricolé, je faisais des sortes de mixage… Après, on réarrangeait.
Sans producteur ?
Olivier : Oui. D’ailleurs c’était marrant, JB (Wizz, le boss de Born Bad Records, chez qui ils sont signés), on lui filait parfois des fichiers MP3 dégueulasses. Par exemple, pour Dog, qui était un peu notre « tube » d’il y a cinq ans, je retrouvais pas la version WAV, donc c’est l’enregistrement pourri qui est sorti sur le disque.
A ce souvenir, Etienne est hilare. S’ensuit une histoire de passage du boss de Born Bad au distributeur de billets, quelque part en Israël, la session d’enregistrement ayant dépassé les prévisions… Etienne refait JB Wizz : « Allez, les gars, dépêchez-vous ! » C’était pour « Mille », Maya Dunietz, qui assurait les arrangements, avait fait venir… des musiciens de l’orchestre national d’Israël. De quoi rester coi. Retour en 2014, retour à « BUM ». Là encore, JB Wizz a mis la main à la poche pour l’enregistrement.
Olivier : Mais on fait vraiment ce qu’on veut. Parfois, il dit « Ouais, ce morceau, j’aime moins… »
Etienne : Finalement… On s’en fout ! Ceci dit, oui, parfois, il fait des propositions. Sur Madame Pompidou, il avait lancé l’idée de faire appel à Lord Kossity. Ca a failli se faire. On voulait mettre un gros rappeur, ça nous faisait marrer. Bon, le truc se lance. On avait rencart avec Lord Kossity, et on reçoit un texto genre « Non, en fait j’vais au sport. ».
Rires appuyés de toute la bande.
Au-delà de la blague, il vous a planté, quand même.
Etienne : Oui. Mais il devait pas trop capter ce qu’on voulait faire… Enfin, tu vois, lui, il a son image, une sorte de star du ragga… Mais après, ça aurait été vraiment marrant, je pense.
Bon, ça fait quoi d’enregistrer pour la première fois en studio ?
Etienne : Ce qui change, c’est qu’il fallait que les morceaux soient finis, alors qu’avant, c’était plutôt des montages de répét’, là, on jouait tout en live.
David : Ca a tout changé, en fait. Ca a changé notre façon de composer des morceaux. Avant, on prenait des bouts de trucs qui, collés bouts à bout, finissaient par faire des morceaux. Ca a changé le mix… Ca a tout changé, quoi.
Olivier : Et puis on a fait le mixage avec le gars du studio, alors qu’avant je mixais un peu à l’arrache, sur mon ordi. Et lui a une grosse connaissance de sa table de mixage et du coup, ça a été super cool de bosser avec lui, parce que c’est un gros facho des fréquences sur les batteries alors que ça, on n’en avait rien à foutre avant. Ca a permis d’ouvrir vachement le son, de laisser de la place aux basses, aux arrangements, de mettre la voix en avant.
Ca veut dire que vous en avez un peu moins rien à foutre qu’avant ?
Olivier : On s’est dit qu’on allait le faire un peu plus à l’ancienne : aller en studio, faire un disque comme un groupe de rock normal. Enfin, normal…
Devinez quoi ? Tout le monde se marre.
David : C’était un peu le challenge, avec l’image de Lo-fi qui nous collait au cul, de se dire, « est-ce qu’on serait capable de le faire normal et que ça reste du Cheveu ? ». Il semblerait que ça reste du Cheveu.
En tout cas, sur ce disque, il y a trois idées par morceau…
Etienne : Oui, c’est vrai que c’est bien chargé…
Olivier : Bah, on est trois, déjà… On essaie de coller tous nos trucs ensemble. Après, vu qu’il n’y a pas beaucoup d’édit, pas beaucoup de feintes, genre, « ah, stop, on s’arrête, puis on repart », on n’a pas beaucoup découpé dedans… Les morceaux ont vachement été écrits en amont. Après, on a quand même voulu ajouter des arrangements, pour que ça fasse plus riche.
Etienne : A la base, nos morceaux partent de longues jams interminables… après, on découpait. Ca a toujours été comme ça. Mais là, il a fallu raccourcir. Pour « BUM », les morceaux sont assez longs, y a pas de format vraiment radio.
Quatre minutes, c’est long, pour Cheveu ?
Etienne : Ouais !
On ne va pas rentrer dans le détail de tous les morceaux, mais pour Johnny Hurry up, qui est presque un « hymne », comment ça s’est passé ?
Olivier : En fait, on avait deux bouts de morceau, on les a collés ! Et puis l’arrangeuse a repris le petit gimmick de voix, elle en a fait des chœurs, qui ont fait le lien entre les deux parties.
David : On avait du mal à les coller. On voyait que ça allait ensemble, mais on n’y arrivait pas…
Etienne : Une sorte de fil…
L’arrangeuse, c’est qui ?
Olivier : Maya Dunietz. C’est elle qui avait fait les arrangements pour les cordes sur l’album d’avant. Elle a bossé avec John Zorn, Mike Patton.
La connexion s’est faite comment ?
Olivier : C’est son mari qui nous avait invités à jouer, dans son club, en Israël. C’est un jeune chef d’orchestre brillant. On s’était dit qu’il fallait qu’on lui demande de faire des arrangements pour cordes sur « Mille ». Il avait dit « OK, c’est une bonne idée, mais j’ai pas le temps. Ma femme, qui est très brillante aussi (rires de tout le monde), peut s’en occuper »… Pendant notre tournée, on est venu enregistrer avec ses musiciens. En une journée, les quatre morceaux étaient torchés. Pour « BUM », on a travaillé à distance.
La discussion dévie sur Polonia et ses chœurs arrangés par la même Maya Dunietz, ses textes piqués au « Buffet Froid » de Blier, à son côté plombant, au choix de le mettre en avant avec un clip, son côté anti-single par excellence. Conclusion d’Olivier : « Ca donne le ton de la prod du disque. » Le choix de mettre Juan In a Million, « un truc un peu dégueulasse juste derrière, comme ça, ni vu ni connu » dixit Olivier, n’étant pas anodin non plus. David finit de brouiller les pistes : « C’est pas une volonté de faire un truc plus pop, mais quand on l’a composé, on revenait de tournée, on était juste fatigués. »
Bon, le côté DIY, il est toujours là ?
Olivier : On continue à composer avec un clavier trouvé dans la rue, y a pas mal de morceaux où on utilise encore de vieilles boîtes à rythme, j’utilise toujours mon vieux Casio… L’enjeu de ce disque là, c’était d’essayer de faire un truc personnel en changeant complètement de production. Après, y a sûrement des gens qui vont pas aimer.
Etienne : C’était déjà un peu l’idée sur le précédent.
Olivier : Pour nous, c’est plus marrant de faire des trucs différents. Le prochain, on va l’enregistrer en Jamaïque (Blague).
Plus sérieusement, à voir votre évolution, on se dit que là, avec ce disque, Cheveu, ça peut exploser. Vous en avez envie, vous vous en foutez ?
Olivier : Bah.. euh… Oui, ça peut être marrant, faire un peu de pognon !
Eclat de rire d’Etienne. Ils n’en vivent que depuis deux ans. En tout cas, depuis deux semaines, le planning promo est chargé. So Foot, Tennis magazine (blague), Rock’n’Folk, « pour la première fois », s’exclame Etienne. France Inter, Le Mouv… « Après, c’est un peu la loterie on sait jamais comment ça peut se passer », conclut Olivier.
Et le live, ça s’annonce comment ? Dans la dernière interview à Gonzaï, vous disiez que question son, y avait une date sur trois à garder.
Etienne : C’est vrai que c’est peut-être moins ouvert sur les expérimentations débiles et variées, mais là, bon, maintenant qu’on maîtrise notre « gros » son, on part un peu en couilles. Il a fallu du temps pour tout caler, donc on faisait moins les cons, mais là, maintenant, c’est cool, on peut retourner à ça.
David : C’est vrai qu’avant, quand on arrivait dans les salles, c’était horrible pour les gars qui s’occupaient du son…
Une époque révolue, visiblement : trois heures après l’interview, Cheveu a marché sur mes oreilles sans sommation. Evidemment, à la fin, j’étais tout décoiffé. « On pisse pas droit », disaient-ils dans nos colonnes, lors de la sortie de « Mille ». Depuis « BUM », j’ai la tignasse de travers. Je le recommande à toutes les âmes en peigne.
Cheveu // BUM // Born Bad
En tournée dans toute la France, plus d’infos ici.
4 commentaires
ils nous traitent quand même de fachos de la fréquence, on est à deux doigts de demander un droit de réponse
je comprend mieux la voix « style » Lord Ko sur madame pompidou… tres bon morceau