Il n’y a pas que des mauvaises nouvelles qui viennent du Grand Est. La preuve aujourd’hui avec le retour de notre groupe biélorusse favori : Super Besse ; ou Super Démons dans la langue de Nabokov. Après « 63 610* » et « La nuit* », le duo enchaîne avec « Un Rêve », un troisième album sur lequel ils affinent leur identité, et, qui appelle à un hypothétique quatrième ? « Le Réveil » ? Alors les gars, on pionce toujours ?

Chez Gonzaï, notre PDG, aussi chef de gare à ses (inexistantes) heures perdues, « a déjà vu passer des trains ». C’est par ces mots, qu’il calmait mon excitation d’avoir trouvé dans l’infini internet un groupe qu’on pensait « obscur ». Ceci dit, il avait raison, et plutôt deux fois qu’une. En décembre 2017, Super Besse s’invitait aux côtés de Rendez-Vous et Charles de Goal pour animer une Gonzaï Night, totalement « interdit[e] aux gaullistes ayant collaboré avec Indochine ». Pendant « cette folle nuit », durant laquelle Maksim Kulsha et Alex Sinitsa étaient « un peu stressés » à cause d’une histoire de « corde cassée », notre Alexandre Loukachenko à nous leur arrachait quelques mots, pour écrire ces quelques lignes ; garanties sans blague géopolitique — vraiment ?!

L’image contient peut-être : 2 personnes, personnes debout, arbre et plein airPlutôt que de se répéter, reprenons directement où on a laissé le groupe : au départ de Maksim à Berlin, où il s’est installé « pour se consacrer pleinement à la musique ». Alors qu’il s’est évadé de Minsk, Alex, y est lui resté. Même si l’exceptionnelle période que nous vivons tous nous oblige à être inventif pour échanger, créer et de façon plus générale, lutter contre ce mortel ennuit n’était-ce pas risqué de s’éloigner pour faire de la musique ensemble ? Maksim : « effectivement, nous n’étions pas sûrs que ça pourrait marcher. En réalité, ce déménagement ne nous a pas stoppés, au contraire. On se partageait tout le temps nos idées, nos brouillons, et chacun enregistrait chez lui, avant de renvoyer le résultat à l’autre. Finalement, c’était vraiment une expérience très intéressante. » À croire que la distance stimule les pulsions créatrices — vieux couples, prenez-en de la graine !

Quand la musique électronique s’invite

D’écart, il en est justement question avec ce nouvel album. Alors que Super Besse surfe sur la vague de « La nuit* », le troisième membre du groupe, leur « homme-clavier », décide de prendre son envol et de les quitter. Plutôt que d’agir comme un frein, ce départ va pousser le duo à innover : « dans cette situation, nous avons commencé à encore plus jouer avec des synthétiseurs » nous avoue la paire. L’utilisation de ce “nouvel” instrument va même servir de point d’entrée à tout un pan de la musique électronique, et de la techno principalement, genres dans lesquels Super Besse s’est « plongé avec insistance au cours de ces dernières années. » Histoire de vous envoyez faire un (énième) tour sur YouTube pour vous occuper, le duo nous cite d’abord des artistes dit « classiques », comme The Future Sound of London, Legowelt, Aphex Twin ou Susumu Yokota ; pour ensuite nous parler des « modernes » : Palmbomen II, Betonkust, Curses, Stahinja Arbutina, Fideles, Snts, Ex-Terrestrial, Jura Soundsystem, Dog.ma, ODER89, Black Merlin, Sarin, Kris Baha… Bonne recherche !

Bien plus que d’avoir rythmé leurs quotidiens, la musique électronique — majoritairement à travers le prisme de la techno donc — s’est surtout fondue dans les productions du groupe. Alors que « La nuit* » embrassait goulûment le post-punk synthétique, « Un Rêve » se montre plus digital ; à la façon, par exemple, dont opère le rappeur Laylow. Plus qu’une digestion simple, l’ajout de ce style a servi à mettre en son le titre de l’album, et par extension, son ambiance générale :

« Nous voulions créer un univers où tout ce qui nous entoure rappelle un rêve. Pour instaurer cette atmosphère, le premier instrument auquel nous avons pensé était logiquement un synthétiseur. À ça, nous avons d’abord ajouté des beats technos qui faisaient office de pulsations, et ensuite, des couches plus électroniques pour renforcer cet effet. Si tu écoutes bien, tu remarqueras que même les chansons à “guitares”, et celles qui ressemblent à du post-punk plus “classique” sont aussi touchées par cette vibe techno. Nous aimons vraiment ce que nous avons fait. »

Cependant, n’allons pas trop vite en besogne ! L’interrogation conséquente à cette évolution voudrait que l’on gratifie Super Besse d’un tout nouveau statut, celui d’un groupe de “post-punk 2.0”. Un terme, que Maksim et Alex n’acceptent pas le moins du monde : « non, pas du tout. Avec cet album, nous avons trouvé notre propre identité. On ne peut pas le décrire comme du post punk ou de la new wave. Et bien sûr, ce n’est pas de la techno ni de la pure musique électronique. » Une liberté de son et d’esprit, qui a le mérite de ne pas brider le duo, de ne pas l’enfermer dans une démarche connotée, et donc, de lui ouvrir les portes du vaste milieu underground. Une confrérie, qui en Biélorussie, se porte à merveille : « chez nous, il y a beaucoup de bons de groupes planqués. Je pense à Molchat Doma, Dlina Volny, Weed&Dolphins, Mustelide… Aussi, notre scène électronique est dingue ! Toutes les fêtes comme les “Mechta” sont trop bien ! Tu devrais venir voir, quand tout se sera calmé ! » OK Messieurs, on garde précieusement cette idée dans un coin de notre tête.

Et sinon, ça parle de quoi dans ce disque ?

Chers lecteurs, vous l’aurez probablement remarqué : les paroles ne sont ni en français ni en anglais… Votre perspicacité vous tuera ! À moins d’avoir un cousin dont le QI avoisine les 200, travaillant à l’OMS et parlant couramment le russe, il vous est impossible de capter ce qui se raconte. Afin de pallier à ça, et comme on prend soin de vous chez Gonzaï, on a demandé au duo de nous développer le propos, qui, barrière de la langue ou pas, est empli de cette sensation d’urgence et de subversion, caractéristiques insécables de la mouvance post-punk. Dans son ensemble, « La nuit » oscille entre réalité et fiction, jongle avec les sentiments d’appartenance à un endroit — « la mère patrie » —, ou encore, en bon communiste, pointe du doigt notre volonté de toujours en vouloir plus. Aussi, non sans humour, Super Besse évoque le poids de la routine à travers l’acronyme « KGB » (la 5e piste) — espérons que cette prise de parole ne leur sera pas fatale.

En attendant, patiemment, que la vie retrouve son cours normal et que Super Besse revienne nous voir dans notre beau pays, qu’ils « adorent », et où ils se « sentent bien », la paire a partagé la totalité de son album sur sa page YouTube – qu’on vous pose juste ici… Mais ce lien ne vous empêche en rien à mettre la patte au porte-monnaie pour soutenir les artistes.

Super Besse // Un Rêve // I Love You Records
https://www.facebook.com/pg/superbesseband

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