Que faire quand vous vous apprêtez à fêter vos 30 ans d’existence et qu’aucun des invités ne semble connaitre votre nom ? Réponse : envoyer une carte dans la tronche de chaque convive en livrant un surprenant nouvel album qui sent bon le flottement gazeux de l’électronique de la fin des années 90.

Kreidler, on le sait peu, c’est d’abord un constructeur allemand de mobylettes fondé en 1889 à Stuttgart, et dont les modèles les plus polluants ont été interdits à la commercialisation en France en 2017. Autrement dit, rien à voir avec Kreidler, le groupe fondé en 1994 à Düsseldorf, dans la même ville de Kraftwerk avec qui le quatuor partage une certaine vision du krautrock : faire de la musique électronique hybride qui ressemble à tout sauf à du krautrock.

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Trente ans après, et alors que la majorité des formations nées à la mort du grunge ont depuis longtemps soit raccroché les gants soit revendu leurs premiers disques d’or dans l’espoir de se racheter un disque dur, Kreidler continue sur sa petite route, à l’abri de la notoriété et du trop gros succès qui tue, en pouvant néanmoins s’appuyer sur la marque-ombrelle – comme on dit chez Carrefour – qu’est Bureau B, label teuton respecté dès lors qu’on prononce les lettres K R A U T.

Sur « Twists », la basse est comme les balafres sur le visage de Franck Ribéry : centrale.

Première surprise en découvrant « Twists » : il est rare de pouvoir comparer les premiers et derniers albums d’un même groupe quand trente ans les séparent en se disant que non seulement rien n’a changé, mais surtout que c’est une bonne nouvelle. Personne de raisonnable n’oserait, par exemple, mettre sur un plan d’égalité le « Londinium » d’Archive – groupe formé à la même époque que Kreidler – et le dernier album en date qu’on ne citera même pas tellement l’information est dispensable.
Dans le cas de Kreidler, le passage au 21ième siècle comme de la télé à internet et du CD au streaming ne semble pas avoir eu beaucoup d’impact dans la formule primaire : un groove couetteux (comprendre : qui s’écoute facilement au lit) qui ne serait pas sans rappeler le premier album de Massive Attack, mais sans l’utilisation frénétique de samples, et le tout saupoudré de dub-kosmische dans ce qui ressemblerait à une mutation Frankenstein entre les Wailers et Cluster.

Sur « Twists », la basse est comme les balafres sur le visage de Franck Ribéry : centrale. C’est elle qui guide chacune des compositions dans ce paysage plat digne de la campagne allemande ; et le pays d’Angela Merkel étant dénué d’autoroutes, l’auditeur n’aura pas vraiment envie de s’arrêter. Majoritairement instrumental, le disque est malgré tout ponctué de quelques aires de repos vocales, comme ce Loisaida Sisters (feat Khan of Finland) ou Hands (feat Natalie Beridze) qui rappelleraient presque les moins pires heures du Trip-hop.

En résumé, ce 18ième album du groupe à ne pas confondre avec le duo autrichien Kruder und Dorfmeister évoque sans trop qu’on sache pourquoi la nostalgie des années Bungalow, cet éphémère label allemand (Le Hammond Inferno, Mina, Siriusmo) de la fin des années 90, et avec elle le plaisir à redécouvrir une électronique sombre et sans effets ni prétention autre que de faire danser les gens qui ne dansent pas. Bonus qui vient asseoir le côté légitime de l’entreprise Kreidler : la pochette de « Twists » est atroce. N’était-ce pas à ça qu’on reconnaissait, voilà 30 ans, les meilleures alternatives au rock ?

Kreidler // Twists // Bureau B
https://kreidler-official.bandcamp.com/album/twists-a-visitor-arrives

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