(C) LaNef Angoulême

C’est un coup de surin froid dans les entrailles de la nuit : Benoît Tranchand sort son nouvel album « Les Mauves », concentré de poésie punk dans une wave plus cold que jamais.

L’ombre et le froid gagnent petit à petit le pays. L’automne, sans doute, mais surtout l’écho du nouvel album de Benoît Tranchand, « Les Mauves », sorti le 14 septembre chez les Bordelais de Club Teckel et les Belges de  GniGniGniGniGni. L’œil du cyclone est à Angoulême, ville de résidence de l’artiste, désertée des décors colorés du French Dispatch de Wes Anderson pour devenir capitale de la noirceur, le temps d’un album.

 

Benoît Tranchand a quelque chose de schizophrène, à l’image de son trench pâle qui rappelle le Patrick Dewaere paranoïaque de Série Noire. Il a beaucoup du Dr Jekyll et un peu du Mr Hyde : bédéiste le jour (aussi bien influencé par Gaston Leroux que Marcel Duchamp), Benoît Preteseille devient Tranchand la nuit, pour cracher son fiel, ses angoisses, ses pensées, son spleen, ses visions tremblantes et hallucinées, caché sous cette moustache qui ferait pâlir d’envie David Crosby ou Amanda Lear.

Les Mauves | Benoit Tranchand | La Souterraine

La musique est minimale, parfois bruitiste, le rythme étouffant et les notes angoissantes. Quatre jours d’enregistrement pour dix titres au bord du gouffre. L’urgence s’entend, elle suinte. Du John Carpenter version jeunes gens modernes. Mais derrière le son brut, chirurgical, envoûtant, « Les Mauves » se démarque par son écriture. Quand il range ses crayons, Benoît Tranchand joue des mots comme l’Apache joue du surin dans les ruelles de Paris.

À l’exception de la bonus-track Eisbaer, reprise du classique de Grauzone, Tranchand signe chacun de ces textes façon poésie sur la brèche, taillée au scalpel. Dans Silence, le morceau d’ouverture – drôle de manière, d’ailleurs, d’entamer un album – son onirisme s’empourpre d’une sourde violence (« Regardez le ciel, comme il fait le malin, toujours à nous regarder de haut le ciel, il va falloir le bombarder »). Personne en ligne est une élégie moderne, morne et lente, celle d’un internet déserté, la solitude d’un homme derrière son écran blanc. J’essaie tous les taxis fait la chronique d’une errance parisienne rincée sur le bitume, genre de Taxi Girl fiévreux et neurasthénique.

S’il côtoie la scène depuis près de vingt ans, aussi bien imprégné de l’énergie punk de ses premiers « concerts-catastrophes » que du souvenir de son père, fan inconditionnel de Johnny Hallyday et membre d’un groupe de reprise, la dernière visite de Benoît Tranchand dans les colonnes de Gonzai était l’occasion d’un authentique appel à la spéculation. L’objet de convoitise était un livre-disque de son projet de l’époque, le duo Savon Tranchand. À l’occasion de la sortie de ce nouvel album, en solitaire cette fois, les plus éminents économistes Gonzai-compatibles sont formels : le Tranchand est une valeur sûre.

Benoît Tranchand // Les Mauves // Club Teckel & GniGniGniGniGni
https://benoit-tranchand.bandcamp.com

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