Dans le paysage musical de l’hexagone, les hommes en noir de Vox Low s’en sortent avec une méthode bien à eux : après un premier projet tombé à l’eau au début des années 2000, le groupe retourne la scène française en 2018 en signant un premier album chez Born Bad. S’en suit un presque silence radio de cinq ans, avant de revenir en trombe avec « Keep on Falling », une épopée sombre et hallucinée qui brouillera encore un peu plus les pistes entre musique électronique, rock et cold-wave. Et Vox Low s’en tire avec panache, évidemment.

À l’échelle de l’industrie musicale, cinq ans, c’est une éternité. Le précédent album de Vox Low vient d’une autre ère, dans lequel pandémie mondiale, guerre en Ukraine ou un deuxième mandat de Macron ne seraient rien de plus que quelques fables dystopiques d’un mauvais goût vu et revu. Rien d’étonnant, donc, à ce que deuxième album « Keep on Falling » soit encore plus lourd et sombre que le premier. Dès l’intro de Distance, la couleur est annoncée : noire.

Derrière une pochette digne d’une séance d’urbex en banlieue de Tchernobyl, « Keep on Falling » livre une fresque contemplative au doux parfum nucléaire. Tenus par une tension permanente, ces neuf morceaux jouent un adroit numéro d’équilibriste, à un cheveu de la chute libre, tenus par un rythme chirurgical à son paroxysme sur A Love Affair ou Henry Rode (ou grandeur et décadence d’un dandy parisien à la sauce Nouveau Détective). Couplé au chant sépulcral, le rythme est précisément le fil rouge de cet album, aussi bien personnage principal de ce sombre road-movie que thème de sa bande-originale : un adroit coup de maître pour ce groupe hautement influencé par le septième art, qui signe ici un album à la fois plus « minimal » (toutes proportions gardées) et narratif que le précédent. Juste assez de changement pour ne pas tourner en rond, largement ce qu’il faut pour passer en beauté le cap du deuxième album.

Au cours de sa traversée, « Keep on Falling » reste fidèle à la recette du groupe et fait danser aussi bien les clubbers que les rockeurs. Avec un son toujours influencé par le post-punk, le krautrock crépusculaire, la cold-wave et l’acid en tous genre (acid-rock ou acid-house, les deux sont bien présents dans les coulisses du film), Vox Low fait jongler les références. Si le pari est ambitieux et la musique parfois intellectuelle, elle n’en reste pas moins viscérale et corporelle : on peut trouver un évident héritage EBM (dont l’un des représentants français, Ivan Smagghe, a d’ailleurs remixé Vox Low) au milieu des échos de Bauhaus, The Cure ou un Iggy Pop en plein trip berlinois. Et toujours quelque part dans le rétroviseur, la première formation de la bande, Think Twice, qui mélangeait rock et musique électronique dans un paysage musical focalisé sur la French Touch. Bref : presque vingt ans plus tard, fort de deux albums distillés au compte-gouttes et déclamant son We Walk comme une profession de foi, Vox Low fait toujours office de cas à part dans la scène française.

Vox Low // Keep on Falling // Born Bad, sortie le 13 octobre
https://voxlowparis.bandcamp.com/album/keep-on-falling

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