Depuis plusieurs années, Amour Courtois essaye de se frayer sa place sur une scène trop standardisée sans se fourvoyer dans des imitations de ce qui devrait plaire compte tenu des tendances musicales actuelles. C’est un parti pris duquel émerge un troisième EP, « Bestiaire », qui a le mérite de surprendre bien plus qu’une énième impression de déjà-vu chez des pseudo-artistes pourtant inconnus et qui le resteront certainement.

Aux alentours de 2007, Joseph Sainderichin était un amateur de blues et de poésie qui déambulait accompagné de sa guitare dans le VIème arrondissement de la capitale. Sorte de vagabond des beaux quartiers à la dégaine bariolée, son aspiration à mener une vie de troubadour ne s’est jamais vraiment évanouie. On le retrouve dans l’étroit circuit musical parisien dix ans plus tard sous l’alias Amour Courtois.

« Au début, quand j’ai pigé qu’il y avait un sens derrière ces mots qui sonnaient bien à mes oreilles, j’ai essayé de faire le troubadour en jouant du oud et du tambour, mais je me suis vite rendu compte que ce à quoi j’aspirais dépassait ce pastiche pour lequel, d’ailleurs, je n’étais pas disposé. »

Médiévisme et synth-pop nippone 

Lors de ses premiers pas sur scène, il tente de modeler des compositions « folk médiévisantes aux accents de musique populaire brésilienne ». Bien qu’atypique, ça ne fait pas mouche mais rapidement il trouve un peu au hasard des circonstances sa trinité basse, TR-09 et synthés qui l’accompagnent jusqu’à ce jour. « Ce qui est curieux, c’est que je ne m’explique pas fondamentalement l’évolution de ma musique. Il se trouve qu’un jour j’ai voulu me mettre à la basse, et que j’ai eu entre les mains une TR-09. En 2019, je faisais mes exos de basse dessus. Puis ça a donné des instrus et des chansons, se développant organiquement par rapport à mes trouvailles en synthés 80’s et à mon écoute assidue des Ymo [Yellow Magic Orchestra] et de la city pop et synth-pop qu’ils ont produits. » En 2018, il intègre à la basse François Club, l’année suivante il accompagne Élodie Gervaise et depuis 2020 il officie comme bassiste titulaire dans le collectif Madone. À côté, il poursuit et persévère dans son projet Amour Courtois. Le quart d’heure de gloire arrive à la fin de l’année 2020 lorsqu’il est remarqué par Bertrand Burgalat qui le place sous les projecteurs de sa chronique Rock & Folk. 

En 2021 sort « Chansons Rêvées » sur Beagle Records, son premier EP. Il ne perd pas de temps pour en proposer un deuxième, « Les Jours », l’année suivante. Sans chercher à cibler un auditoire déterminé, de 2019 à 2023, il compose « une quarantaine de démos plus ou moins exploitables », qu’il sélectionne pour façonner un recueil sous forme d’œuvre musicale. Puisqu’il compose avant tout des chansons qui lui parlent, il s’en dégage une agréable étrangeté qui émane de l’originalité du personnage à laquelle s’ajoute une véritable recherche dans l’instrumentation. « J’ai pour ambition d’aller au plus proche de mon sentiment et de retransformer le plus sincèrement possible des émotions harmoniques et mélodiques vers lesquelles ma sensibilité s’est portée en écoutant des musiques diverses. Le reste importe peu. »

Format court pour troubadour sans l’sou 

« Bestiaire » est son troisième EP – compilé avec son prédécesseur sur une cassette par le label Entre-Soi. L’ambition initiale visait pourtant à passer le cap de l’album mais Joseph, détaché, assume n’avoir « pas eu les ronds de payer le mix et le master pour 10 chansons ». « Ça fait deux EPs que je m’auto-produis en plus d’enregistrer tout chez moi tout seul sans passer par le studio, poursuit-il. Cette nécessité s’adjoint au format de l’EP qui me plaît, car en musique comme en poésie je suis adepte des formes courtes. » Vouloir transcender l’art conventionnel d’une époque a toujours un coût mais les EPs, à la manière d’une carte de visite, sont certainement aujourd’hui le format le plus prisé par les artistes émergeants.

Agencé autour cinq titres loufoques comme Inadapté, Calamar Géant, Rembarré ou Un Ours, « Bestiaire » n’est pas pour autant un fourre-tout construit à la va vite. « Il s’inspire du catalogue de caractères, plus ou moins anthropomorphes qu’on retrouve par exemple dans les fables ; notamment aussi dans le fameux recueil illustré d’Apollinaire grâce auquel m’est venu le titre », précise-t-il. Sur des boîtes à rythmes assez sommaires auxquels s’ajoutent les accords de synthé aux sonorités rétros, les lignes de basses rebondissent, groovent, sur des textes et phrasés récités avec une diction qui renoue avec Gainsbourg ou Boris Vian. Imagées, poétiques, ses chansons semblent évoquer avec sincérité sa manière de traduire ses sentiments et de percevoir les situations qui l’entourent. En prime, avec La Reine Des Fixatifs il interprète librement Hairspray Queen de Nirvana.

L’intérêt principal de ses compositions reste qu’elles ne se soucient guère de rentrer dans ce système de tendances de l’industrie musicale qui s’est banalisé et où paradoxalement beaucoup d’artistes francophones se ressemblent pour essayer de se démarquer. Ceux pour qui certains médias parleront d’une énième « pépite » et d’artiste ou de musique « solaire » puisqu’il n’y a rien à dire d’autres dessus que ces termes qui vont de pair avec le profond manque d’originalité musicale. Soyons lucides, pour ceux-là, il s’agit fondamentalement de junk-pop francophone désuète, bien de consommation jetable, uniquement destinée à une entrée en playlist Spotify ou un article qui ressemble davantage à un communiqué de presse. Amour Courtois se démarque par ses compositions à l’approche légèrement anachronique, hybrides et volontairement DIY, l’assume, sort un EP intrigant à contre-courant des tendances et c’est tant mieux.

https://entre-soi.bandcamp.com/album/bestiaire

2 commentaires

  1. de la merde en barre 78 carats ton amour courtois ,le titre Rembarré on dirais un bernard lavilliers bobo hipsters de Montreuil ,je préfère l’original vive le stéphanois

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