Il est jeune et il a du talent, de quoi faire jalouser quiconque aime la littérature anglaise. Passée la bouderie envieuse, deux livres dévorés plus tard, une évidence s'impose : Richard Milward est doué, mais vraiment. Ce type est un des écrivains vivants les plus prometteurs de son époque.

En deux romans, Pommes et Bloc Party, il dresse le portrait d’une génération de jeunes, paumés entre leurs aspirations et la réalité qu’ils transcendent à la mesure de leurs moyens. Entre sexe, drogues souvent cheap, découverte de la vie à grands coups de boutoir et embrouilles familiales sordides, les enfants de Trainspotting rament. Milward évite la fable sociologique à la Ken Loach, il nous ouvre simplement la porte sur un quotidien qu’il connaît bien et dépeint sans cruauté ni misérabilisme poisseux. Irvine Welsh n’a sans doute pas salué la plume de ce jeune écrivain pour rien.

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Ces gens dont vous parlez, ce mode de vie, c’est le monde dont vous venez ? La vie ressemble vraiment à ça à Middlesbrough ou l’exagérez-vous ?

Oui, les romans ont été directement inspirés par mon entourage. Mais plutôt que de totales autobiographies, ils sont un mélange d’observations directes et d’imagination. Ce qui m’intéresse, c’est d’écrire sur les extrêmes de la vie des gens – sexe, mort, rêves, désir – donc certains aspects sont nécessairement mis en avant ou exagérés, comme si on regardait la vie à travers une lentille de fort contraste. Par le passé, Middlesbrough avait mauvaise réputation (surtout dans la presse) : la ville concentrait un des taux les plus importants de démunis en Angleterre. Il y a beaucoup de chômeurs, de crimes, de problèmes de drogue, etc. J’ai voulu inclure ce côté « obscur » de la ville dans mes romans, tout en le présentant d’une manière qui ne serait pas misérable. Il y a bien sûr des problèmes à Middlesbrough, mais les gens sons connus pour être chaleureux, sympa et honnêtes. Alors j’ai utilisé beaucoup de couleurs et de chaleur dans le livre pour contraster avec les aspects sombres.

Il y a à peu près autant d’ecstasy dans vos romans que d’alcool chez Bukowski… La MDMA serait-elle un symbole banal de notre génération ?

Je pense que l’alcool restera la drogue favorite de n’importe quelle génération, mais ouais la MDMA est emblématique de la club-culture des 90’s (et du 21e siècle). J’imagine que l’ecstasy sera toujours associés à cette période – comme le LSD l’est généralement aux 60’s, et la cocaïne aux 80’s, etc. – et son influence est reflétée dans mes romans à l’aide d’images douces et euphoriques, un peu biaisées.

La drogue occupe-t-elle une place importante dans votre vie et votre écriture ? Pourquoi ?

Je suis intéressé, dans mon écriture, par la frontière floue entre le rêve et la réalité, et il me semble bien que la drogue soit une autoroute vers les états de rêve et de transe. Je trouve fascinant qu’ingérer des produits chimiques puisse développer – ou altérer – ton humeur, allant de l’euphorie à la paranoïa ou la vision perturbée. La plupart des scènes de mes deux premiers romans possèdent une légère altération de la réalité, proche du rêve – même quand les drogues ne sont pas directement en cause.

Vous ne jugez jamais vos personnages, ressentez-vous de la tendresse pour eux ?

Je n’ai jamais voulu forcer l’aspect moral de mes personnages. Les humains sont les rois des erreurs, et mes personnages en font souvent. Je ressens de la sympathie pour eux, et, même si la race humaine peut être rageante, je ressens beaucoup d’amour pour nos congénères bizarres et hypersensibles.

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Sans spoiler, on peut dire que Bloc Party connaît une fin un peu moins sombre que Pommes. Vos personnages trouvent-ils une forme de rédemption en vieillissant ?

Oui, je peux imaginer qu’en vieillissant, mes personnages prennent de la maturité. Pommes et Block Party ont été écrits pendant mes jeunes années (19 ans pour Pommes et 21 pour Block Party), et suivent la vie de jeunes gens. Je pense que, quand tu es dans les dernières années de ton adolescence et approches la vingtaine, le monde offre beaucoup d’obstacles à surmonter, et c’est facile de faire des erreurs. Mais tu n’apprends qu’en te plantant et en te réajustant!

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire ?

J’avais 11 ans quand j’ai commencé à écrire, et à cette époque, il y avait une mouvance culturelle en Angleterre que la presse appelait « Cool Britannia » : la Britpop était dans les classements, les « Young British Artists » (Damien Hirst, Tracey Emin, Chris Ofili) étaient exposés dans les galeries, et Trainspotting (le livre et le film) était très populaire. Lire Trainspotting m’a ouvert les yeux sur ce qu’il était possible de faire avec de la littérature : ce livre fracasse toutes les règles traditionnelles du roman et a sans aucun doute été la raison pour laquelle j’ai pris un stylo.  Même si je n’avais que 11 ans, je pouvais le rapprocher de l’humour noir en vogue sur le nord de notre île, les lieux dédiés aux classes ouvrières, et ce qui m’a bluffé, c’est l’expérimentation qui est menée avec le langage.

Quel serait le livre idéal pour vous ?

Je pense qu’Orange Mécanique est le livre que j’aurais aimé écrire. La façon dont il met en scène un langage argotique nouveau, complètement inventé (nadsat), c’est hilarant. Et il en dit long sur la façon dont la société et la loi opèrent…

Pommes. Editions Asphalte. 2010.
Bloc Party. Editions Asphalte. 2013.

Http://www.asphalte-editions.com

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