Ressortez vos pilules fluos et votre bob Kangol du placard : avec l'album "Jenks", DBFC vient de cracher le meilleur disque de rock’n’roll sous ecstasy depuis la fin des Stone Roses.

De quoi a-t-on besoin, en 2017 ? De grands groupes démesurés et décadents, de héros électriques et hypersexuels. Rendez-nous les Guns’N’Roses et leur clip de neuf minutes avec des dauphins, les Prodigy sous coke à Phoenix en 1996, la subversion d’Army Of Lovers ou encore la mégalomanie synthétique de Duran Duran. Oui, on veut du rêve, du stupre, du glamour, des drogues luminescentes, des santiags en peau de serpent et des chansons qu’on peut hurler en levant les bras comme un appel lancé à des dieux inconnus. Figurez-vous, le groupe DBFC nous apporte tout cela sur un plateau d’argent : de la sunshine pop parfaite à la Brian Wilson passée à la moulinette Happy Mondays. Du rock’n’roll et de la dance music de salon, comme le résultat d’un disque d’acid house produit par Phil Spector.

Avec DBFC, on parle encore du revival Summer of love : quand, à la fin des années 80, l’Angleterre était en feu avec l’arrivée de l’ecstasy et que le rock’n’roll en cuir flirtait avec les TB 303. Vu de chez nous, ce mouvement musical était juste une curiosité underground à l’époque. On en a compris l’impact culturel bien plus tard, et aujourd’hui, DBFC débarque pour en raviver les braises. Ces mecs sont les nouveaux évangélistes de l’ecstasy-rock’n’roll, ils sont armés de croix chrétiennes, prêts à sauter en moto à travers des cercles de feu afin de célébrer JESUS.

La fille du motel

Mais qui sont ces putains de Néphilim sous acides ? DBFC est composé de l’anglais David Shaw, bien connu de nos services, et du français Bertrand Lacombe aka Dombrance. Ces DJ-producteurs techno ont voulu se transformer avec ce projet en combo de bikers sous acides. Armés de leur premier album « Jenks », c’est à travers un imaginaire nourri de fantasme américana qu’ils nous emmènent. Ce même cliché que creuse la pop culture depuis soixante ans et le crash d’avion de Buddy Holly le 3 février 1959. Cette fétichisation des objets qui a poussé les Stones sur la route du Honky Tonk, Eddy Mitchell voir de plus près les filles des motels, U2 dans le désert du Joshua Tree ou encore Primal Scream sur la route de George Clinton sur des clichés signés du photographe d’après-guerre William Eggleston.

Sur la pochette de leur disque, DBFC invite à une virée dans un motel de l’enfer, ce que suggère le lettrage mais aussi le verso : une autoroute de nuit, interminable et floue. Nourrie de pop culture américaine, le duo conduit sur sa vision de la route 66. Souvenez-vous de la pochette du premier album des Chemical Brothers sorti en 1995 : un couple de hippie, guitare en bandoulière, qui faisait du stop au milieu de nulle part. Une pochette magnifique, qui cassait les codes de la techno à l’époque, et faisait entrer l’électronique dans une imagerie américaine à la Jefferson Airplane. Nouveaux hippies, les DBFC ?

Exit Planet Dust

Outre les origines mancunéenes – David Shaw est né à Manchester – DBFC partage beaucoup de choses avec les Chemical Brothers des débuts. Le fantasme américain, l’attitude rock’n’roll, l’érudition pop et le tribut aux grands artistes drogués digitaux. Quand j’avais acheté ce disque des Chemical Bros à l’époque, le sticker promotionnel vantait les mérites du « premier album d’Indie Dance ». Je m’en souviens encore, et cette étiquette colle parfaitement au disque de DBFC. On peut y entendre la pop timide purement anglaise et pleine de spleen adolescente à la I Wanna Be Adored des Stone Roses sur le morceau In The Car. C’est chanté et il y a toujours de superbes ponts avec de longues montées psychédéliques. Du jerk électronique avec Disco Coco. On peut aussi avoir la chance d’entendre le hit-single en puissance, New Life, très new wave et au couplet-refrain parfait, à mi-chemin entre Niagara et Human League.
Sur la chanson The Ride, c’est, plus bizarrement, un son 60’s comme sur le premier disque des Dandy Warhols, rehaussé par l’orgue Farfisa. On n’est pas loin du Higher Than The Sun des Primal Scream. Renvoi aux drogues et Timothy Leary, avec le titre de l’album « Jenks »: argot américain pour désigner les opiacés. Manchester toujours, avec le titre Automatic en droite filiation du Shall We Take A Trip : L.S.D de Northside, groupe oublié signé sur Factory records. Esthétiquement, ce sont les éclaboussures de peinture à la Jackson Pollock, les bob Kangol et les photos en couleur inversé de Peter Saville pour le « Technique » de New Order. Et le message dans les paroles de DBFC en ascendance avec tous ces groupes de l’époque. Les écossais cultes de Soup Dragons chantaient : « I’m free, to do what i want/ any old time » en 1990, les Scream samplaient Peter Fonda en biker : « We want to be free, to do what we want to do ». En 2017, les DBFC, eux, enfoncent le clou : « You should tell them/ I’ll never get enough ».

Pour avoir vu DBFC sur scène, la filiation post-punk est plus évidente : il faut voir David Shaw au micro, sanglé dans un perfecto avec dans le dos, tel un biker-éphèbe venu du Scorpio Rising du Luciférien Anger, l’illustration peinte dans le dos de l’artiste polonaise Barbara Baranowski pour le film de Zulawski: POSSESSION. Une des idoles de David Shaw est Colin Newman de Wire, et on sent aussi cette influence en live, où les titres baignent dans la fureur et l’obscénité.

Pour résumer ? Voilà un disque qui mériterait d’être conservé dans la tour de Londres avec les autres Joyaux de la Couronne. Vestes de hippie à franges Black Sabbath 1972 et chapeau de cowboy sur la tête, en route pour une expédition Beat à la Jack Kerouac en gobant de l’ecstasy dans une Thunderbird bleu ciel. Les paroles de « Jenks » : « WE’RE ALL PART OF THE BEAUTIFUL NOW».

DBFC // Jenks // Her Majesty’s Ship
https://www.facebook.com/DBFCtheband/

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