On a longtemps reproché aux Fab Five d’AB productions leur second degré trempé dans du rock potache avec des grumeaux de mélodies con-con pour adolescents attardés, cette science du songwriting du mercredi après-midi, un verre Cacolac dans la main et un bol de chips dans l’autre. Mais que penseraient Framboisier et ses copains bodybuildés de ces mancuniens qui excitent la planète rock avec une intrigue encore plus fine qu’un script d’Hélène et les garçons ? Au club des ratés, les perdants ne sont pas toujours ceux qu’on croit. Don’t believe the hype.

Jamais en manque d’une énième rotation complète dans son slip à l’élastique trop mou, la critique rock a pris l’habitude depuis quelques mois de commencer chaque papier extatique sur WU LYF de la même façon : « WU LYF, pour World Unite ! Lucifer Youth Foundation« . Premier froncement de sourcils. Derrière plusieurs clips à base d’adolescents torse-nus paradant sur des images de guerre vécues en jean slim, la marque de fabrique s’avère un brin trop sympathoche pour être honnête et nos quatre rockeurs de Manchester semblent bien plus amateurs de mystères calculés que de satanisme sur barbelés. Bon, admettons; c’est vrai que ne plus croire en Dieu, par les temps qui courent, ça suffit souvent à émouvoir la rédactrice en chef du premier supplément mode prête à s’enfoncer deux doigts au fond de la gorge pour rester au top de la tendance. De l’autre côté, la légende raconte que jadis les Musclés se bourraient les narines de diverses drogues pour passer le temps, entre deux jingles enregistrés à La Plaine Saint-Denis. Chacun son époque mais bref, c’est déjà une autre histoire.

Revenons à celle de nos Anglais anémiques. De leurs débuts en 2008 jusqu’à la sortie en juin de leur « très attendu » premier LP, les terroristes de Manchester avaient presque fait un sans-faute. Evans Kati et ses copains avaient dit merde à l’industrie, refusé plein de contrats mirobolants, décidé de s’autoproduire et, tant qu’à coller à l’étiquette des rebelles de l’Ouest anglais, débuter l’enregistrement de Go tell fire to the mountain dans une vieille église délabrée. Peu de photos, pas de promo. Dans une décennie où le moindre statut Facebook s’était transformé en mégaphone pour masses over-communicantes, la stratégie de WU LYF était bien conçue : faire parler la musique plutôt que casser la magie par le discours. Après quelques singles jetés en pâture dans la fosse aux lions, la presse n’en pouvait déjà plus. Fini les Horrors avec leurs gueules de déterrés, foutu le rock albinos de The XX, l’avenir porterait des keffiehs et ne donnerait aucune interview. Une autre légende parlait même d’un rédacteur[1] suintant de désir, obligé de passer un casting d’une heure pour savoir si oui ou non il aurait le luxe d’une audience avec WU LYF. L’anecdote, aussi drôle soit-elle, peinait tout de même à dissimuler les intérêts du groupe : faire parler de soi sans rien dire. Et WU LYF de finalement se vendre au plus offrant, au plus incorruptible des marchands de papier.

Le succès est une joie éphémère, une ciguë qu’on goute du bout des lèvres avant de tomber dans l’oubli.

Les Musclés, d’ailleurs, l’ont appris à leurs dépens. Vingt ans déjà que leur Merguez partie ne fait plus danser personne ; quant à la Fête au village, c’est un lointain souvenir qui fait désormais sourire ces jeunes trentenaires souvent nostalgiques d’une époque où ils pouvaient encore s’émouvoir de la beauté du carton-pâte. Désormais rangés des voitures, le backing-band du Club Do’ découvre la tristesse du soufflet retombé : René (le saxo’ bigleux déjà grabataire en 89) est décédé en 2009 d’une rupture d’anévrisme, Framboisier[2] s’est reconverti producteur pour des groupes de seconde zone, le Toulousain fort en voix (Eric) prête son accent du Sud à des films d’animation (Mulan) et cosigne des musiques avec son fils qui – hasard du mauvais goût – fut également le bassiste de Gold, quant à Bernard Minet[3], il reste condamné à traîner son ombre d’éternel adolescent sur des tournées revival, à la recherche d’un mythe effrité. Sale temps pour les pros de la gonflette.

Back to 2011. Les rockeurs de WU LYF doivent certainement peser 100 kilos à eux quatre et leurs chansons pas bien plus. Vidés de son aura cryptique, le disque enfin posé sur la platine, le brouillard s’estompe et les compositions maigrelettes font l’effet d’un canard cuit vivant sur une plaque électrique. En trame de fond, le claquement de tongues des branchés ne parvient pas à couvrir le brouhaha(ha) de cette pâle copie d’anciens groupes (liste trop longue, mais un croisement entre l’avant-garde insipide de The Big Pink et le chant fatiguant des Stereophonics n’est pas dénué de sens) ayant troqué la partition contre des atmosphères, les premiers rôles contre des costumes. Impression de flan retourné, d’arnaque façonnée par des pros de la com’ ayant découvert l’orgue (L Y F) au fond d’un baril de lessive, et grosse blague Carambar concoctée à parti de complaintes éraillées, guitares claires slow-tempo (Concrete Gold) et voix monocorde sensée illustrer le dédain des auteurs pour le bonheur, les transports en commun et les tickets-resto. Propulsés par le buzz dans le vide intersidéral de la chanson sur deux accords, nos hommes canons s’avèrent au final plus pathétiques que ces musiciens prêts à tout pour réussir. Visqueux comme des salamandres trempées dans l’huile, plus figés que des Strokes passés au sèche-linge, WU LYF s’avère aussi rafraichissant qu’une crise d’asthme et des dix chansons, à dire vrai, on ne retient qu’un soupir.

Parce qu’il est encore plus facile d’oublier quelqu’un quand on n’a jamais vu son visage, et parce que la critique de la Société du Spectacle n’a jamais fait du premier troufion un Guy Debord des hit-parades, le Go tell fire to the mountain de nos apprentis sapeurs-pompiers s’écoute d’une oreille pour tester les enceintes, l’autre étant nécessaire à l’évacuation de toutes les conneries mercantilistes entendues sur ce groupe prophète au pays des malentendants. Pas sûr, du reste, qu’on se souvienne d’eux dans vingt ans. Dans ce monde de surconsommation, pas de pitié pour la décroissance.

WU LYF // Go tell fire to the mountain // PIAS
http://www.wulyf.org/


[1] Jean-Daniel Beauvallet pour les Inrockuptibles, printemps 2011.

[2] Fait notable : il fut l’un des musiciens de studio de Fleetwood Mac !

[3] Grand prix de percussions au Conservatoire National en 1974, Bernard Minet n’a pas fait que des conneries, il fut également musicien pour Aznavour, Chamfort, et s’initia aux synthés avec Richard Clayderman. Bigre…

32 commentaires

  1. je t’avoue que là ,en lisant ça vite fait en diagonal dans l’open space ,j’ai pas trés bien compris l’analogie entre des jeunes hipsers à l’imagerie Black Sabbath-Palestine et les Les musclés période « merguez partie »..

    cordialement ,

  2. Pas sûr qu’il y ait un lien, finalement, si ce n’est le rapport entre la gonflette du buzz et l’éphémère célébrité.

  3. oui, mais ce constat rejoint le papier dans la pièce à coté sur le rappeur Tyler The Creation ,en fait.

    Est-ce cela , le probléme en défibitive : la fameuse « hype » ..

    celle de la musqiue dites « branché » ,celle qui attire les trentenaires en Dunk ?

  4. Le problème de fond, c’est tout le barouf en amont de la sortie d’un disque. Au final, et comme disait Chirac, il arrive que ça fasse psssssshit.

  5. ..( excusez moi ,j’ai pas fini mon comments ,mon patron est passé dans mon dos ,j’ai cliké sur « validé »d’un coup..)

    BREF..

    là ,je pense que ton regard est juste , en ce qui concerne ce groupe à la con , mais le probleme de « hype » et de buzz se pose avec suspicion dés que l’on parles d’un groupe qui sort de l’ordinaire, de par l’image qu’il véhicule ou le son qu’il met en avant.

    Meme si ,en plein siecle de la post modernité assumé , les groupes font souvent de grosses références a des sons/périodes/attitudes venu de groupes obscure de l’underground des 80’s ou 70’s..

    Fort est de constater que souvent ce sont ces groupes qui donnent un coup de frais au paysages P.O.P actuel..

    Tyler The Creation , Salem ou autres ,malgrés les clichés white trash-suburb-Larry Clark , s’inscrivent dans l’époque actuel et donc sociologiquement parlant , que n’importe quel groupe en chemise-gomina qui osent nous ressortirent les spectres de Neil Young ou Big Star en 2011..

    je sais si je suis clair ,il fait chaud ,je divague , c’est Lundi..

    je vous embrasse.

  6. Article convenu et au final assez pathétique où le rédacteur, très fier de lui-même, s’essaye à la critique « rebelle » en dressant un parallèle foireux entre le groupe de Manchester et les regrettés Musclés. Il ne se rend même pas compte qu’en adoptant la posture de l’anti-hype, il se retrouve finalement dans la hype, celle par exemple qui cite Debord pour dénoncer à tout-va et masquer la faiblesse de sa pensée.

    Pour en revenir à WU LYF, l’important à mon sens est de les juger sur la qualité de leur travail, et non sur leur plan marketing, supposé ou réel (il est d’ailleurs plus réel que supposé, puisqu’ils sont liés à une boîte de pub ; mais peu importe). En l’occurrence, ce premier album est de très bonne facture. Je n’ai pas le sentiment que ce soit « une pale copie d’anciens groupes », même si on peut toujours s’amuser à trouver des influences dans n’importe que groupe qui émerge sur cette planète. Non ce groupe est original et ça me désole qu’un rédacteur de votre trempe ne l’ait pas perçu. Quant à lui reprocher de n’écrire que des chansons « sur deux accords », j’ai une liste grande comme ça de groupes majeurs qui ont marqué l’histoire de la musique, alors que leur guitariste ne connaissait que deux accords. Et j’ai une liste encore plus longue de groupes dont la technique éblouissante égale la vacuité la plus totale.

    Pour conclure, le « vide sidéral », il n’est pas finalement dans l’objet de cet article, mais bien dans l’article lui-même. Au club des ratés, les perdants ne sont pas toujours ceux qu’on croit.

  7. A mon humble avis, vous étiez déjà trop vieux du temps des Musclés, du genre à envoyer des lettres anonymes au courrier des lecteurs des magazine en vogue à l’époque.

    Salutations,

  8. @ julien
    perso j’aimerai bien avoir la liste des groupes à deux accords qui ont marqué l’histoire de la musique qu’on rigole un peu… Parce que même john Lee Hooker pourtant plutôt porté sur un jeu répétitif balançait pas mal d’harmonies derrière une apparente monotonie

  9. j’aimerai bien rigoler avec les sourds mais je ne parle pas la langue des signes
    on n’est pas obligé de prendre pour références le petit bouquin : la musique pour les nuls pour épater autour d’un feu de bois avec un djembé sur la plage
    l’idée même de réduire la musique populaire américaine ou anglaise (pour faire simple) à une suite d’accords est confondante d’ignorance musicale
    on fait quoi de la mélodie, de l’harmonie, des ponts etc.. ?

  10. Tu parlais de « groupes à deux accords », je te donne des exemples, mais je ne crois pas que tu saches ce qu’est un accord en fait.
    Il peut y avoir une mélodie extrêmement complexe sur deux accords, sex machine de James Brown c’est un seul accord, une seule tonique, pendant quasiment toute la chanson.

    Mais bon, qu’est-ce que j’en sais, j’ai juste 12 ans de solfège au conservatoire derrière moi.

    Pauvre imbécile

  11. Non ce qui est chiant un moment, c’est qu’y a des trucs qui sortent, qui sont encensés par les médias et qui sont à chier. Ctassez fréquent en plus. D’ailleurs ces trucs-là crèvent au bout d’un ou deux albums en général. Merci à des papiers comme ça de rendre indirectement justice à la bonne musique dont on ne parle jamais, des truc comme ça par exemple : http://www.youtube.com/watch?v=RKgvyFvP0gA

  12. Perso, je trouve que le morceau proposé ressemble à une version noyée dans du mauvais vin de messe du Love will tear us apart de Joy Division, comme ça en passant … Amen.

  13. et ben tu prends tes années de conservatoire et tu me démontres qu’il y a deux accords sur un titre de Nirvana et Ben E King et on en reparle
    au fait par exemple quand on rajoute une septième, une 9ème ou ce que tu veux et ben sorry mais ce n’est pas le même accord, donc même pour sex machine ton truc ne veut rien dire

    l’imbécile heureux de l’être

  14. Je me sens ici obligé de rappeler que Bernard Minet a lui aussi fait le Conservatoire… on connait le résultat. Ce n’est en aucun cas un gage de sécurité.

  15. Moi ce qui m’épate le plus ce sont les 12 ans de solfège, c’est grand, c’est un passionné ce gars faut pas le brusquer. Il joue de quel instrument ? Je dis ça hein parce que le coup du conservatoire c’est un peu éculé, il y a tellement de gens qui l’ont fait et n’ont rien à dire, même chez les classicos …

  16. et puis c’est vrai qu’au conservatoire on étudie le rock
    le solfège comme chacun sait c’est juste un système de notation de la musique, je ne vois pas ce que ça vient foutre ici

  17. Bon, je ne reviens pas sur l’article, hein, on n’est pas d’accord, mais c’est pas grave.

    Par contre, je voulais applaudir le sommet de mauvaise foi atteint par Serlach dans les commentaires. Opposer la connaissance du solfège au rock’n’roll, c’est comment dire, magnifique. Et à peu près aussi pertinent que d’expliquer que si on a lu des livres classiques (voire même qu’on les a étudiés), on ne saurait écrire gonzo.

    PS : quant à la très intéressante et constructive discussion sur le nombre d’accords, que deux c’est pas suffisant, que si tu rajoutes une septième tu changes la structure harmonique… Je ne saurais dire combien il y a d’accord dans un morceau de SunO))). Peu, c’est certain. Et pourtant, c’est passionnant comme musique.

  18. Vous êtes tous une belle bande de trous du cul qui ne produisez absolument rien de tangible.
    Quand vous cesserez un jour de vous regarder la pine vous vous apercevrez de la grande vacuité qui vous environne.

    Bande de parasites babos branleurs et suffisants.

  19. Richard, tu te trompes sans avoir tort. On sent en toi la possibilité de nuancer tes propos et c’est pourquoi je like ton comment. Par contre, tu ne devrais pas être aussi catégorique car il est très possible que tu sois également un wanker de bordel de trou à fiottes comme on en a pas vu depuis Stevie défoncé au crack dans une boîte de la banlieue Brestoise. Bien à toi.

    Matt

  20. @Serlach. Bien, tu es donc d’accord avec le fait que le nombre d’accords n’a strictement aucun lien avec l’intérêt supposé d’un morceau ou d’un album.

    On est donc bien d’accord, l’expression utilisée par Bester, « le vide intersidéral de la chanson sur deux accords », n’a ni sens ni intérêt.

  21. non je ne suis pas d’accord ( pour faire chier et donc par principe).
    ce qui n’a ni sens, ni intérêt c’est ressortir une petite phrase d’un texte qui relève de l’effet de manche et de s’en servir pour raconter des conneries sous couvert d’un grand savoir guindé de la musique de conservatoire.
    ça c’est stérile et comme j’aime bien les polémiques débiles de café du commerce et ben on en discute…
    je n’ai jamais dit qu’il y avait un lien entre un nombre d’accords et l’intérêt que l’on porte à une musique comme Piedo semble vouloir me le faire admettre, j’ai surtout réagi lorsque quelqu’un a dit qu’il y a des chefs d’oeuvres sur deux accords en citant Nirvana, Ben e king ou James Brown.
    Je trouve simplement que c’est faux et/ou réducteur, je ne comprends même pas que cela ne soit pas une évidence…

  22. Je ne comprends décidément pas en quoi le fait d’affirmer (quand bien même je serais infoutu de donner des exemples) qu’il y a des chefs d’oeuvres sur deux accords.

    C’est la proposition exactement inverse de celle de Bester. Et elle n’a de fait pas plus de sens, elle n’est ni plus ni moins réductrice ou simpliste.

    La musique est tellement compliquée, la notion d’accord comme celle de chef d’oeuvre est tellement liée à la culture et à la société (cf. la musique balinaise, totalement imbitable pour le non ethno-musicologue) pour qu’une analyse d’un morceau se limitant à un décompte du nombre d’accords de la grille puisse être pertinente, ou, à défaut, intéressante.

    Ceci étant, si on en revient au propos et à l’astuce rhétorique du post, je n’ai vraiment et absolument pas percuté le rapport entre Wu Lyf et les Musclés. Mais la mauvaise foi étant une règle d’or du blogueur, je me défendrais de demander à Bester d’expliquer plus en détail l’histoire. Le positionnement de Gonzai, à savoir « prendre le contrepied de tout le monde, tout le temps, systématiquement et avec le plus de morgue possible, on n’est pas là pour être modeste » ne nécessite-t-il pas de le faire avec, sinon élégance, finesse. Et, honnêtement, quoi qu’on pense du Wu Lyf, la comparaison avec les Musclés, à part faire plaisir à l’auteur, a à peu près autant de sens qu’une photo de Darth Vador qui remplit des bidons d’eau de mer. Oh, wait…

    PS : No Fun, combien d’accords ? (et merde, trois).

    PPS : Si Framboisier a joué dans Fleetwood Mac, René Morizur a lui joué dans Magma. Du prog. Your argument is invalid.

  23. Ben moi, après avoir entendu du Wu Lyf et le peu de myoblaste à deux accords présent dans cette musique, je me suis posé direct la question : Mais que sont devenus les Musclés ? J’ai eu ma réponse, claire et bien documentée. Merci Bester, merci Gonzaï.

  24. Moi j’aime bien WU LYF mais par contre je me suis sacrément fait chier en lisant cet article et encore plus les commentaires qui suivent…

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