Du métal de la mort sur Gonzaï ? Pas de quoi s'affoler. Il n'est point question de divas à  choucroutes permanentées, de mullets outranciers ou de satanisme de pacotille mais bel et

Du métal de la mort sur Gonzaï ? Pas de quoi s’affoler. Il n’est point question de divas à  choucroutes permanentées, de mullets outranciers ou de satanisme de pacotille mais bel et bien d’amplis qui jouent jusqu’à 11 et (fait rarissime) avec bon goût.

Sunn O))) esquisse la préhistoire de ce que sera la musique en odorama d’Aldous Huxley version dark, une musique de sensations faisant travailler des sources inexploitées de notre lobe frontal. Pas de compromis. Pas de repère mélodique, juste un magma sonore tour à tour épuré et tortueux pour brouiller ton état émotionnel de base et te filer une bonne dose d’acouphènes. Live, cette musique est épuisante sans emboîter un seul pas de danse. Des gens font parfois des malaises ou te regardent éberlués comme des lapins en passe de se faire écraser par une voiture sans phare. Qu’on se le dise, Sunn O))) est une insulte vivante et intelligente aux limiteurs de son, à cette société qui aimerait gober son tube cathodique avec le silence aux alentours.

A la base du projet, deux fils de l’Oncle Sam, Stephen O’Malley et Greg Anderson, graines d’anti-entertainment au goût prononcé pour une mise en scène sobre et évidemment sombre. Anderson a fait ses classes chez les hardcoreux Straight Edge et O’Malley est passé par la case fanzine de Black metal, non sans avoir étudié la clarinette et la cornemuse écossaise dont il a dû garder le goût prononcé pour le bourdon (drone en anglais). Ils s’affublent du nom de Sunn O))) en hommage aux amplis vintage des 70’s, devant lesquels ils peuvent se prosterner, et se définissent comme un tribute band de Earth, véritable pilier du slow drone emmené par Dylan Carlson, baptisé après le premier nom de Black Sabbath. La boucle est bouclée et bien sûr elle est répétitive. Deux guitares et des infra basses à faire passer Motörhead pour de dangereux joueurs de doo wop.

Prosaïquement parlant et pour ceux qui cherchent encore des disques dans des bacs, il y a de fortes chances de trouver le dernier en date, Monoliths & dimensions, dans le coin réservé au dark ambient ou black metal. Dans ma boutique mentale, fort peu pourvue de Cannibal Corpse, leur albums côtoient plutôt l’aspect pastoral des meilleurs productions d’ECM, la scène drone ricaine, les saxophones déjantés d’Akosh, les folies de John Zorn ou les boucles de Terry Riley…

Leurs concerts ont des allures de messe pour agnostiques mystiques où les gais lurons portent des robes de bure et lèvent les poings en guise de signe amical et de commentaire social.

Depuis leur double blanc à eux, White1 et White2, les Sunn ont échangé leur révolution sonore avec une myriades de collaborateurs dont le maître mot est expérimentation. Leur septième album délimite de nouveaux territoires en puisant dans la marmite sonore du siècle passé. Si l’on veut entamer une bonne guerre contre son voisinage, il est fortement conseillé d’écouter l’objet très, très fort. Question de vibrations.

Agharta, premier voyage de ce Monoliths & dimensions. Hommage à Miles, à son funk aussi boueux que l’Afrique noire sous des pluies torrentielles, à ses orgues qui glacent le sang. Pas de concomitance musicale si ce n’est celle d’un trip vers une terre inconnue, vers Agharta, monde souterrain abritant une civilisation construite autour d’un soleil interne à la croûte terrestre, un pendant sous-terrien à l’Atlantide de Platon.

Les fréquences dronatiques des guitares font vrombir le sol qui va probablement s’entredéchirer pour laisser place à un trou béant. Une voix s’installe. Une voix gutturale, qui s’avère inquiétante comme un monologue lynchien, toute droit sortie des Carpates, un death metal expressif loin des beugleries ineptes visant à un défouloir façon 666 trop souvent synonyme de 8,6.

Renseignements pris, c’est à Attila Csihar qu’appartient cette organe dont le prénom résume assez bien la tonalité de ses prestations. Il est rejoint par les arrangements atonaux d’Eyvind Kang, connu pour son travail avec John Zorn ou Marc Ribot, qui annonce que la traversée risque de rencontrer quelques turbulences. Les craquements de bois et les notes glaciales de piano expriment la mise à mal du navire, il va falloir se la jouer serré avant d’arriver en pays de cocagne. Finalement un Hydrophone annonce progressivement la fin d’un voyage éreintant.

Suit Big church aux allures messianiques. Entrelacs d’harmonies vocales dignes du grand Ligetï, dirigées avec une main de maître par la Persanne Jessika Kenney et de déchirements soniques où les feedbacks d’Oren Ambarchi et de l’inévitable Dylan Carlson viennent transpercer l’équilibre fragile des voix. Ponctuée par une cloche qui encadre les ébats, on assiste à une partouze sonore dans une cathédrale, à un anachronisme musical convoquant une liturgie qui ne déborde jamais vers la caricature moyenâgeuse.

Hunting and gathering s’impose dans la même veine, créant un sentiment d’un diptyque central, monolithique laissant les dimensions d’Agharta et Alice respectivement ouvrir et clore l’album.

Et c’est bel et bien cette Alice qui pourrait être à l’origine d’un schisme chez les fans de Sunn O))) où les plus dark métalleux pourront  entrevoir une mélancolie insultante et déplacée au genre que Stephen O’ Malley se plaît à bousculer.

Ici, un riff bluesy passé à la moulinette heavy pose un thème en mineur où les guitares vont peu à peu se faire plus discrètes pour enfin disparaître. Le fantôme de la Harpe d’Alice Coltrane prend le relais comme un enchantement tiré de Daphnis et Chlöe de Ravel. Une section de cuivres, composée notamment de Julian Priester qui a officié chez Sun Rä ou Coltrane (John cette fois-ci) charpente une musique impressionniste et contemplative faisant écho au Maiden Voyage d’Hancock.

Au bout du tunnel, un cor d’harmonie  et une lumière d’espoir encore aveuglante. A la sortie, on voit le soleil et la vierge. Elle est noire évidemment.

Sunno ))) // Monoliths and dimensions // Southern

http://www.ideologic.org/

http://www.myspace.com/flightofthebehemoth

1 commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*
*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

partages