Jusqu’alors injustement mis de côté, « Wet Dream », premier album du claviériste de Pink Floyd, initialement paru en 1978, vient d’être réédité par Parlophone. Entre hédonisme méditerranéen et climats méditatifs, l’œuvre est bien plus recommandable que l’aussi prétentieux qu’ennuyeux, « The Dark Side of The Moon Redux », de Roger Waters, publié en octobre dernier.
C’est une modeste revanche posthume, pour un musicien qui fut souvent contraint de jouer dans l’ombre. « Wet Dream », premier effort solo de Richard Wright, clavier de Pink Floyd disparu en 2008, a été réédité cet été par Parlophone. Remastérisé par Steven Wilson, leader des néoprog de Porcupine Tree, l’album, vendu en formats vinyles, CD et blu-ray, est accompagné d’un séduisant nouveau design de pochette.
De quoi apprécier à sa juste valeur cet enregistrement attachant, originellement paru en 1978 dans une cruelle indifférence, entre les monstres que sont (dans tous les sens du terme) « Animals » et « The Wall ». Et alors que Richard Wright commençait à être sérieusement écrasé artistiquement et psychologiquement par le pesant égo de Roger Waters.
Ironie du sort, c’est d’ailleurs aujourd’hui au tour de Waters et de sa lénifiante (re)lecture de « Dark Side of The Moon », interprétée en mode Leonard Cohen, de se confronter au compréhensible désintérêt de la critique.
Disque de vacances
À l’inverse, « Wet Dream » apparaît désormais comme l’une des plus belles aventures solo d’un membre du célèbre groupe de space rock anglais. Enregistré en janvier et février 1978 dans le sud de la France, l’album fait alterner avec équilibre, chansons et titres instrumentaux. Atmosphères et des textures y sont parfois proches de ce que pouvait produire le Floyd dans les seventies. Soulignant l’importance jouée par Wright dans la construction de l’identité sonore lentement, mais surement, mise au point par la formation au temps de sa superbe.
Ce qui ne doit pas éclipser la dimension toute personnelle du travail de l’organiste, qui reflète avec clarté l’état d’esprit dans lequel il se trouvait à l’époque. Tombé amoureux de la Grèce, le musicien semble s’être largement inspiré de ses moments passés en villégiature sur l’île de Lindos. L’hédonisme et la volonté d’évasion qui teintent les morceaux répondent aux doutes de leur auteur. Comme dans le très beau Holyday. Une chanson qui vient souligner au passage à quel point le talent mélodique de Wright, littéralement mis de côte par Waters après « Dark Side », était estimable. Le claviériste ayant notamment composé pour Pink Floyd le superbe Us and Them, le lyrique Summer’68 de ’ »Atom Heart Mother » (1970), ou encore le délicat Stay, pépite méconnue figurant sur l’assez peu mémorable « Obscured by Clouds » (1972).
Entre chic et mélancolie
Responsables de l’artwork de la réédition, les enfants de Wright ont visiblement voulu mettre l’accent sur cette tonalité douce-amer-amer qui traverse l’album et sur l’expression d’une certaine solitude existentielle qui s’en dégage. La photo du Grecque Costas Spathis qui orne la couverture s’en fait l’écho : elle a pour sujet un homme venant de s’immerger dans l’immensité de la Grande bleue après un plongeon.
Reproduit dans le livret, le design d’origine, inévitablement confié à l’agence Hipgnosis, se concentrait sur des éléments graphiques associés au côté “chic” de la musique, dans un univers proche de celui de Roxy Music. Cocktail, piscine (ou mer) et yachting à l’appui. Très “Roxy” est aussi la femme nue en train de nager, que laisse deviner la pochette intérieure, clin d’œil appuyé au sous-entendu sexuel du titre du disque.
Il faut bien avouer que « Wet Dream » ne manque pas de clinquant, certains passages instrumentaux se vautrant dans une sensualité et une superficialité assumée. Il faut d’ailleurs parvenir à braver le kitch du synthé et du saxo de l’élégiaque Mediterranean C, qui ouvre l’album, pour entrer fermement dans l’ensemble. Alors que Funky Deux, qui ferme le ban, à quelque chose de Steely Dan.
Comme pour signifier que le luxe aurait valeur d’antidépresseur, le cool est ici l’indéfectible compagnon de la mélancolie (Against the Odds). Voire d’une certaine anxiété. Ce qui transparait dans le très réussi Cat Cruise, avec son piano en spirale, le saxo inquiet de Mel Collins (King Crimson) et la guitare très gilmourienne de Snowy White (l’homme épaula d’ailleurs Pink Floyd sur la tournée « Animals »). Alors que certaines pièces basées sur des motifs répétitifs (Waves, Mad Yannis Dance) ont quelque chose de méditatif. Au fil des écoutes, cette première croisière de Wright en solitaire se révèle finalement comme étant très intérieure. Un aspect qu’il affirmera bien davantage dans son second et ultime album hors Floyd, l’intéressant et tout aussi négligé, « Broken China » (1996).
Rick Wright // Wet Dream // Réédition chez Parlophone
3 commentaires
On parle de Richard Wright et non de Rick Wright. Il serait bon de vérifier vos sources et corriger vos articles.
Cordialement.
Rick est le diminutif de Richard: c’est bien le même personne.😋. Sinon bonne analyse d’un sympathique album qui même sans atteindre la qualité de ceux du Floyd (Animales par exemple le dernier en date à l’époque de sa sortie) fait passer un bon moment en compagnie de musiciens talenti.
floïd apres rasage , ta raze!