Un quart de siècle après avoir enchanté nos platines avec « Weezer », premier album rafraichissant, Weezer (le groupe) revient avec « Weezer » (oui, encore, mais c’est pas le même). Alors, c’est bien ou bien ?
« Le rock est mort, la pop est carbo. Tant qu’à faire de la merde dont tout le monde se fout, autant y aller franchement les gars! Okayyyy? ». Voilà en substance le discours qu’a du tenir Rivers Cuomo à ses compères de Weezer avant d’enregistrer « Weezer » (album turquoise et sixième album éponyme), nouvel effort d’un groupe qui ne prend même plus le temps de donner un titre à ces albums.
Effort tout relatif, donc. D’autant qu’après vérification, ce douzième album du groupe californien ne contient que des reprises de tubes de Toto, ELO, Eurythmics, Turtles, A-ha, Eurythmics, Tears For Fears, Mickael Jackson… Bref, un tracklisting flemmard assez proche de celui du groupe qui joue en bas de chez toi à la fête de la musique. Et le sésame a priori idéal pour capter l’attention d’un auditoire si gavé de nouveautés qu’il ne sait parfois plus trop où il habite. Le résultat? Un poussif album de 36 minutes qui – attention, exploit! – donne l’impression d’avoir été enregistré en deux fois moins de temps. Sélection des morceaux comprise bien évidemment.
Vous voilà prévenus. Mais méfiez-vous quand même.
Loin de reculer devant la traditionnelle mauvaise foi des passionnés de musique, certains fans de « Pinkerton » (le deuxième album du groupe, porté au pinacle par quelques âmes suicidaires n’ayant manifestement plus toutes leurs facultés auditives) sont capables d’élaborer une thèse savamment tordue pour défendre leurs idoles. Histoire d’essayer de vous convaincre que cet album est une nouvelle pierre angulaire du pop’n’roll porté par Weezer depuis ses débuts. « Nan mais tu vois vraiment pas que c’est un album total?? Groupe de baloche devant l’éternel, Weezer assume enfin ici ses penchants vicelards pour les tubes en simili-sky et les arrangements plastoques. C’est completely second degré et ça transcende même les genres. En gros, c’est une métaphore parfaite de l’époque ».
Fuyons ces camés aveuglés par l’arbre Rivers et rejoignons leurs adversaires. Ceux qui pendant un temps ont failli penser que « Pinkerton » – le deuxième album du groupe, donc – était « génial ». Les mêmes qui se demandent aujourd’hui si Weezer n’est finalement pas simplement un petit groupe de pastiche, style The Rabeats ou les Rolling Bidochons.
Pour celles et ceux qui voudraient quand même se pencher sur la bête et apporter un peu d’eau à la chasse d’eau, sachez que ce monument de la musique moderne est paru le 24 janvier en digital double anal. C’est probablement ce que le groupe a fait de pire depuis sa création et toutes les théories musicales à la mords-moi-le-fichier sur cet objet pop n’y changeront rien : nous voici en présence d’une purge XXL comme on en croise pas cinq par an (Estimation SOFRES). Un objet d’études dont on reparlera dans plusieurs décennies. Un autre Weezer, identifié comme le black album et produit par Dave Sitek de TV On The Radio, suivra en mars. Peuvent-ils faire pire? Le challenge est colossal mais le groupe en semble capable.
Revenons-en à Weezer (Teal album). Il y a une quinzaine d’années, on aurait peut-être rigolé un peu en tombant par hasard sur une de ces reprises paresseuses dans une compile cheap de Béatrice Ardisson, coincé entre un groupe de rock finlandais et du reggae tchétchène. Aujourd’hui, on pleure. Car l’heure est grave. Le rock est mort, okayyy. De là à le baiser en mode nécrophile, il y a un monde. Adieu Rivers.