Trop « indé » pour jouer dans la cour des gros, trop gros pour jouer dans la cour des « indé », coincé entre un passé qui s’agrippe (Her, dissout après la disparition de son binôme Simon) et un futur encore à dessiner, Victor Solf est cet équilibriste qui depuis 15 ans tente de donner vie à une certaine idée de la soul à la française, avec classe, retenue et refrains qu’on n’aurait pas honte de chanter seul chez soi. La sortie de son premier album, « Still. There’s Hope », est de ce point de vue une bonne manière de mettre les points sur le i, comme interview.

Il y a quelque chose d’étonnant à retrouver, en ce jour de mai, Victor Solf dans les bureaux d’Universal. On n’ira pas jusqu’à se lancer dans une tribune vindicative comme Bertrand Cantat voilà 20 ans, quand ce dernier disait « ne pas être du même monde que Jean-Marie Messier [méchant patron capitaliste d’Universal à l’époque, Ndr] », mais toujours est-il qu’on est un peu surpris de croiser un garçon si pur dans les locaux d’une multinationale du disque ; quand celui de Solf respire tant la liberté.

Pour en arriver à cette liberté, on vous renvoie à ce portrait de celui connu comme moitié de Her et qui, par la force des choses, a dû se faire un nom. Un an plus tard, son premier album au nom très premier degré sort enfin et prouve que oui, décidément et malgré ce qu’en pensent les fans nostalgiques de Five Minutes et autres adeptes du troisième degré cynique, il y a de l’espoir. Pour le principal intéressé, d’abord, sans doute bien heureux de se libérer des chaines médiatiques dont il était prisonnier depuis le décès de Simon Carpentier. Et puis pour le public – nous, quoi – tant « Still. There’s Hope » s’éloigne des productions stérilisées en laboratoire. Ce qui s’échappe de ce disque, c’est une immense pulsation – on n’ira pas jusqu’à écrire « battements de cœur » pour éviter les poncifs – venue d’une île inconnue, et où danseraient ensemble James Brown, Jeff Buckley et Kanye West ; le premier apportant son sens du groove et des métriques, le deuxième cette voix sur le fil, et le troisième cette modernité dans le traitement des sons.

Sans jamais rien emprunter à personne, Solf trace à sa manière une ligne assez claire, assez unique, dans le paysage discographique français ; sans limitation sur les styles ni calculs, sans nostalgie de sa propre histoire qui débuta à Rennes avec les Popopopops ni réflexion démesurée sur son statut supposé « d’artiste maudit ». C’est de tout cela dont il est question dans l’interview qui suit, et qui permettra on l’espère aux blasés comme aux curieux de sortir des tranchées dans lesquelles semblent coincer une grande partie des productions actuelles, à la fois obsédées par les tubes TikTok, la quête du single Spotify et le storytelling d’artistes dénues d’histoire. Soit à peu près tout l’inverse de ce premier album à écouter comme on tournerait la page d’un livre.

Victor Solf // Still. There’s Hope // Virgin

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