Une bouche en forme de matelas pneumatique, des obus de 40 et une jupe s’arrêtant à l’orée du bois. Elle s’appelle Dominique. Elle a les cheveux verts et une carrosserie de compétition. Une excentrique. Dans le taxi qui doit me conduire jusqu’à l’hôtel, elle commence à jouer avec ce qui me sert à pisser. Elle m’excite. Je passe ma main entre ses cuisses et réalise qu’un clitoris de seize centimètres, ça n’existe pas.

Si vous n’êtes pas sûr de la marchandise, regardez le sexe visible : la pomme d’Adam. Elle ne trompe jamais. Trop saillante ? Alors c’est un mec, pour sûr. Passez votre chemin, sauf si c’est votre came. Chacun ses goûts, après tout. J’en suis venu à me poser la question en regardant  le clip Left Myself Behind de ce nouveau groupe d’indie rock psychédélico-shoegaze londonien appelé Toy, dont l’album est prévu pour septembre. Voilà donc un groupe androgyne. Un groupe à frange. Vu comme ça, on croirait à un tribute band des Plastiscines.

Troublante vision. Et nous dans tout ça, on ne sait plus trop où on en est. Mais on ne me la fait pas : je sais encore reconnaître un groupe qui sent la cyprine. Une demoiselle, quatre garçons. Un bon ratio. Harassant pour celle qui se retrouve au milieu du brasier. Ils ressemblent à des filles, elle est un mélange bien pensé, et équilibré, entre Iggy Pop et Kim Gordon. Du travail d’orfèvre suisse. Son nom ? Alejandra Diez, et non Diaz comme je l’ai d’abord cru, me rendant compte après plusieurs heures d’intense réflexion qu’une blonde à forte poitrine et aux gigots fermes ne pouvait être préoccupée que par son bronzage et la taille de son prochain sextoy. À part jouer de la flûte, la musique ça doit peut-être lui passer au-dessus du clito. Le problème, c’est cette sensation de se faire arnaquer. Je connais bien ça. Tu commandes un double cheeseburger à McDo, t’attendant à voir le beau sandwich tout boursouflé de la publicité, et tu te retrouves avec un truc aussi ratatiné que le cul de mamie. Ça dégouline de partout, et ça n’a aucune tenue. Mais tu le manges. Parce que t’as faim.

Toy a l’air d’être ce genre de groupe jouant sur tous les tableaux.

Un groupe esthétique, au sens large du terme. L’image compte autant que les sons. Pénombre, lumières bariolées, vagues de couleurs, attitude blasée, regards caméra et cols roulés — qui sont à la mode ce que la voiture break est à l’automobile — ambiance psychédélique. Le clip de Left Myself Behind est allègrement inspiré par celui de Sea Within a Sea des Horrors, lequel est à son tour allègrement inspiré par l’Exploding Pastic Inevitable, série de performances organisées par le beau Andy Warhol.
Pour ce genre de groupes, il convient donc d’appliquer la théorie des 33,33333 %, mise au point par Adolphe Thiers comme chacun sait. Imaginez un gâteau à la crème partagé en trois parts égales. La réussite passera par un respect méticuleux du découpage. Le premier morceau, c’est l’image. Le but n’est évidemment pas de ressembler à des mannequins, le regard vide et le geste mécanique, habillés en Paul Smith ou en Versace, mais de coller à la musique qu’ils aspirent à jouer. Les Horrors en tongs, avec du gel sur la tête, tout de suite, ça le fait moins. Iggy Pop torse-poil, oui. Iggy Pop en costume, non. Vous avez déjà vu un iguane en smoking ? Quand on fait le trottoir, on ne racole pas le client en soutane. À cela, il convient d’ajouter 33 % dus à la chance, au hasard, au destin, appelez-ça comme vous voulez. Les rencontres, le réseau, la démerde, la promotion canapé. Le tiers restant, c’est le moins important : la musique. Rencontre hasardeuse entre travail et capital, travail et talent (sachant que la plupart des groupes en sont dépourvus). Évidemment, on peut toujours s’arranger avec la taille des parts.

Au commencement était Joe Lean and the Jing Jang Jong, d’où sont issus trois des cinq membres du groupe.

Ils expérimentent ensuite le nouveau jouet au Cave Club de la bande à Faris Badwan, avant d’assurer leur première partie à l’automne dernier, puis de devenir le groupe préféré du bassiste Rhys Webb en 2012. Les cinq horreurs sont donc à Toy ce que la Vierge Marie est au croyant : une idole bienveillante, entourée de cierges blancs. Et, puisqu’on ne me demande pas mon avis, moi, les Horrors, j’adore. Voilà bien un des seuls groupes aujourd’hui qui s’intéresse encore à la musique. Le guitariste est capable de se fabriquer des pédales d’effets tout seul comme un grand, et les mecs écoutent Wooden Shjips, les Yardbirds et The Jesus Lizard, ce qui est plutôt rare dans un monde où Foster The People tient le haut du pavé. Un goût certain qu’ils partagent avec Toy, dont les influences vont de Silver Apples au Velvet Underground, en passant par Captain Beefheart, Can, Spaceman 3, Sonic Youth et Deerhunter. Qui se ressemble s’assemble. Des références qui sautent aux oreilles à l’écoute des seuls titres disponibles à ce jour – quatre pour être précis. Un parfum de krautrock s’échappe de la cuisine ; ça sent bon pour Motoring et Left Myself Behind qui s’étend sur huit minutes, aussi longue qu’une pièce de bœuf généreusement découpée, assaisonnée et cuite à point. Tandis que l’apathie désarmante de Clock Chime me tue à petit feu, cette saucisse de Morteau se prélassant dans une poêle à frire me paraît plus excitante que jamais. Prenez Still Life des Horrors et faites-y chanter Nico sous antidépresseurs. Voyez le tableau ? Pas désagréable, mais chiant comme un dimanche. En cherchant, vous trouverez le reste. Difficile de se faire un avis sur le film avec une seule bande-annonce ; espérons qu’ils ne nous fassent pas le coup de ces navets écrits sur une feuille de papier hygiénique rose dont les deux minutes promotionnelles se suffisent à elles-même. James Gray ou Michael Bay ? Vraie beauté ou pute à moustache ? Réponse en septembre.

Toy // Premier album éponyme à paraître chez Heavenly Recordings le 10 septembre 2012
http://toy-band.com/ 

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