Tonnerre, c’est le nom d’une petite ville de l’Yonne d’environ 4000 âmes. Mais c’est aussi une hydre à trois têtes qui navigue dans les eaux de la « sono mondiale » chère à Jean-François Bizot. Leur album cosmopolite « Noir atlantique » est paru en novembre 2022 sur le label angevin MaAula Records, et il se murmure qu’un deuxième album serait en préparation, à paraître chez Born Bad Records cette fois. Avant cela, ils publient en exclusivité pour Gonzaï le clip du morceau éponyme.

Si on tend l’oreille, on devine pêle-mêle l’influence des gammes éthiopiennes qu’on entend notamment sur les compilations Ethiophiques de Francis Falcetto, des rythmiques afro-cubaines par l’intermédiaire du tumbadora (mieux connu sous le nom de conga), et des danses fiévreuses de Fela Kuti ou des héritiers du maître de l’afrobeat. Le tout est passé à la moulinette des sonorités électroniques avec force synthétiseurs et boîtes à rythmes qui martèlent les temps forts pour secouer les corps.

Tonn3rr3 | Bise Festival

Le titre du morceau et de l’album, « Noir Atlantique », est un emprunt à Paul Gilroy, penseur contemporain incontournable pour qui s’intéresse aux sociétés postcoloniales. Il postule dans The Black Atlantic l’existence d’un destin commun pour les peuples afro-descendants, et d’un continuum de cultures faites d’hybridations et de métissages, avec la violenc esclavagiste en héritage. L’auteur parle çà et là du lien entre musiques et migrations, et du rôle politique central de la musique pour les communautés afro-diasporiques, au moins jusqu’à la mort de Bob Marley.

Ce livre a été écrit avant la démocratisation d’internet (il paraît quatre avant que l’ADSL n’arrive dans les foyers). A l’heure de la 5G, on ne s’étonne presque plus de voir trois blancs becs franciliens s’approprier les codes de musiques orginaires du Nigéria ou d’Ethiopie, par exemple, ou de rendre hommage à Amadou M’Barick Fall ailleurs sur le disque [1]; abolissant ainsi les frontières de temps, d’espace et de race.

Le clip ressemble moins à l’expérience douloureuse d’une traversée de l’Atlantique à bord d’un bateau négrier qu’à une virée peinard en voilier dans le bassin d’Arcachon en pleine montée de MDMA. Mais l’élément marin est bien présent et les couleurs ne sont pas sans rappeler certaines œuvres afro-futuristes, comme les photographies du Ghanéen Prince Gyasi par exemple.

Burna Boy par Prince Gyasi pour GQ.

 

Tout cela vous donnera sans doute envie d’écouter le prochain album, dont on parlera probablement cet hiver sur Gonzaï, peut-être en compagnie des principaux intéressés.

Pour suivre l’actualité du groupe c’est par ici :
https://tonn3rr3.bandcamp.com/

[1]  Connu sous le nom de Battling Siki, il est le premier français noir à devenir champion du monde de boxe dans la catégorie des mi-lourds, avant de connaître une fin de vie mouvementée, contraint à l’exil avant de mourir assassiné.

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