La légende raconte que le gros Elvis est mort sur ses chiottes. La légende raconte aussi que les 500 premiers acheteurs du LP du Velvet Underground ont tous fondé un groupe. La légende, toujours elle, raconte enfin qu’un mec associé de près ou de loin à The Fall, White Fence et Ty Segall ne peut pas avoir complètement tort.

Et c’est même une douce litote tant ‘’The Wink’’, l’album solo de Tim Presley à paraître chez Drag City, est un chef-d’œuvre. Alors oui je sais, les chefs-d’œuvre. Ouvrons la parenthèse.

Les chefs-d’œuvre, vous en bouffez douze par jour depuis qu’Internet a remplacé la notion d’avis étayé par un moteur à adjectifs où les experts musicaux semblent s’être tous reconvertis en blogueurs mode faisant turbiner la machine-à-woaw au premier claquement de cils du producteur allemand au crâne demi-rasé dont tu n’avais jusque-là jamais entendu parler. Les chefs-d’œuvre, cette notion finalement très vingtième siècle, on serait même tenté de dire que le public s’en est peu à peu éloigné, au point même que l’utilisation du terme a souvent l’effet contraire. Exemple : « le dernier album de Ty Segall est un chef-d’œuvre ». Lu environ 12.545 fois depuis trois ans sur www.porteouverte.com, bâillements et fin de parenthèse.

Sauf que le disque de l’homonyme d’Elvis est un chef-d’œuvre sans adjectif. Une fois dépassée la pochette art brut de cet album de démos arrangés par Cate Le Bon, il est absolument impossible d’écouter cet étrange objet du désir sans penser immédiatement à du Brian Eno lo-fi période John Peel Session broyé dans les deux albums solos-malades de Syd Barrett. Un condensé de brutalité (pour la production volontairement sommaire) et de songwriting pour chambres capitonnées qui fait de ‘The Wink’ un disque de chevet qu’on usera comme la tête vide du fan d’Arcade Fire traîné sur le bitume avec un 4X4.

A l’instar de feu Jeremy Jay ou de son pote de chambrée Jack Name (signé comme Presley il y a peu chez Castle Face, le label de John Dwyer de Thee Oh Sees), le leader de White Fence dispose pour se hisser sur le podium des disques de l’année de trois arguments dont manquent cruellement tous les autres : une honnêteté quasi naïve dans l’écriture, de réelles structures mélodiques qui enterrent tous les ersatz néo-psychédéliques composés par des skateurs trentenaires de San Francisco en arrêt maladie, et enfin, de vrais refrains. Note de bas de page : écoutez Can You Blame, Solitude Cola ou Kerouac pour vous convaincre de foutre à la poubelle tous les autres albums indie achetés cette année sur la foi d’une chronique 4,5/5 dans le supplément culturel des brochures Matthieu Pigasse.

Un disque indispensable donc. Du moins pour les 500 derniers mohicans qui continuent d’écouter des disques pour oublier le quotidien pénible et les milliers de références du siècle passé face auxquelles tout combat semble perdu d’avance. In fine, la légende ne dit pas si vous aurez raison, mais au moins vous aurez toujours l’air moins con qu’un fan de Hanni El Khatib.

Tim Presley // Wink // Drag City
http://www.dragcity.com/artists/tim-presley

En concert le 18 novembre à l’Espace B (Paris)

2 commentaires

  1. Ce disque est super oui ! votre chronique aussi !

    Ça m’a chatouiller au début, j’avais l’impression, j’ai toujours l’impression, que c’est un disque de sa productrice, pas vous ?

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