Après un premier album bien infusé, Tarra Thiessen a remis l’eau à bouillir pour son deuxième album de Tea Eater.
Tarra Thiessen s’était déjà faite connaître dans le circuit artistique de Brooklyn avec Sharkmuffin et Gustaf. En 2023, sans pour autant quitter Gustaf (« Package Pt. 2 » est sorti en 2024), elle lance Tea Eater avec Vram Kherlopian – collègue de Gustaf avec qui elle est aujourd’hui mariée. Le couple adopte Alex Tuisku à la batterie pour leur nouveau projet musical.
Après avoir notamment assuré les premières parties de Thee Oh Sees et tourné des deux côtés de l’Atlantique, Tea Eater met fin à l’entracte avec « I Don’t Believe in Bad Luck ». Abdon Valdez III a récupéré le tabouret de Tuisku derrière la batterie et la formation est devenue quatuor avec Lindsey Ann Lawless à la basse. Au regard des crédits, on pourrait penser que Tarra Thiesen sort une simple suite à « Obsession ». « I Don’t Believe In Bad Luck » est à nouveau enregistré aux studios La Fam Recordings avec leur pote Jasno Swarez aux manettes.
Vanessa Silberman, musicienne et entrepreneure de l’industrie musicale considérée outre-Atlantique comme l’une des femmes qui participe vivement aux mutations du secteur, qui avait déjà travaillé sur le précédent, produit ce disque qui sort encore sur son propre label A Diamond Heart Production (en collaboration avec Amethyst Trax).
Nouvelle mise en scène
Mais pourtant, le thé n’a plus le même goût. Là où « Obsession » tirait un peu plus vers le garage 60’s avec une esthétique plus acidulée et léchée, « I Don’t Believe in Bad Luck » brandit l’absurde et la déconne comme étendard sur un jeu entre art-punk et psyché-garage façon nouveau millénaire. Tarra Thiessen s’inspire de Kim Gordon pour camper son personnage. Dans les textes, « I Don’t Believe in Bad Luck » se présente comme le témoignage d’une personne à cran, autant saoulée de ce qui l’entoure que d’elle-même.

Cecilia, titre d’ouverture, met en relief les médisances habituelles sur les exs où « l’autre meuf » – ici prénommée Cecilia – devient l’unique et redondant sujet de conversation. Ce sujet qui obsède tant les rageux qu’on se rend vite compte qu’ils n’ont finalement rien d’autre à raconter que leurs débinages usuels. Tarra Thiessen explique que Cecilia est la « briseuse de cœur classique » sur qui les gens aiment projeter leurs zones d’ombre.
La chanson qui suit, Little White Dog (in a Gated Community), verse dans le néo-psyché. Les paroles abordent la réincarnation en petit toutou blanc dans un quartier résidentiel. « La morale est qu’il ne faut pas avoir honte de la phase qu’on traverse en ce moment, qu’elle relève de la bêtise ou du sérieux d’une situation », confiait Tarra Thiessen à Punk News. Le texte a été inspiré par la « centaine de petits chiens blancs » qui vivent dans le quartier résidentiel du New Jersey où habitent sa mère et sa grand-mère (toutes deux présentes dans les remerciements du précédent album). Aussi perché que le morceau, son clip kitsch à l’excès et comme noyé dans une fiole de LSD a été tourné dans le quartier en question.
Vient ensuite la chanson éponyme, plutôt grunge, dopée au sentiment de persécution, avant le psyché The Waffle Song qui a donné naissance à un clip éminemment cheap voire assez gênant. Le caractère irascible de la chanteuse se retrouve sur You Again.
Le groupe mené par Tarra Thiessen aime les calembours, en témoigne le nom du groupe qui en anglais renvoie autant au mangeur de thé qu’au théâtre. Mais cette soif de jeux de mots ne s’étanche pas pour autant puisqu’elle se retrouve dans l’album avec John Lemon – mon propre pseudo sur MSN Messenger, pas si original tout bien réfléchi.
Troubles obsessionnels compulsifs
Le clip de ET VS JESUS (intitulé qui aurait pu être celui d’un épisode de South Park), réalisé par la chanteuse elle-même, relève d’un certain « je-ne-me-fait-pas-chier » dans la mise en scène assez barrée. Sur les guitares heavy, on y assiste à une pseudo-légendaire bataille de mottes de beurre par des personnages aux déguisements inspirés des pires séries Z des années 70. Le beurre semble d’ailleurs obséder la chanteuse puisqu’elle chante son amour pour cette matière grasse sur Butter, ultime morceau de l’album.
Parmi ses obsessions (terme qui on le rappelle a été choisi comme titre du précédent album), on relève aussi celle pour les insectes avec les chansons Invasion of the Bee Girls et I am a Bug, et bien évidemment l’obsession de plaire (ou plutôt le contraire) avec l’un peu stoner People Pleaser.
Malgré ses paroles assez simples et répétitives même si drôles, qui tiennent leur rôle dans l’esprit de l’album, celui-ci laisse un peu plus perplexe que son prédécesseur. Disons que le thé s’est refroidi et qu’une trop forte infusion a appauvri les arômes. Notons que pour célébrer « I Don’t Believe in Bad Luck », un jeu de tarot en édition limitée a été imaginé en circonstance. Servira-t-il de sous-bock pour éviter de laisser goutter ?
https://teaeater.bandcamp.com/album/i-dont-believe-in-bad-luck

