C’est une promenade, une errance tranquille, traversée çà et là par les fulgurances de souvenirs liés à l’enfance et au passage à l’âge adulte. Yann Razavet, ancien guitariste de Maria False, explore en solitaire les versants les plus solaires d’une musique intrinsèquement sombre. La tonalité shoegaze globale prend par moments des accents plus colorés, voire carrément pop, sans pour autant renier l’héritage lo-fi dans son approche de la production. Intime voire carrément introspective, la musique de Marble Arch oscille entre apaisement et léthargie. En cela, cette musique n’est pas sans rappeler celle de Spacemen 3, à la fois grise et incantatoire, mélancolique mais en quête d’apaisement. Son pouls est faible et lent, une boîte à rythmes crado vient scander les stances d’une voix dont on ne perçoit que l’écho. La voix est très en retrait, noyée sous la reverb, à l’image des souvenirs fugaces dont elle est la transcription. Là où Maria False se plaçait comme le transfuge français un peu radotant de My Bloody Valentine, Marble Arch propose quelque chose de beaucoup plus personnel et de plus riche en même temps, quand bien même transparaissent certaines influences similaires (My Bloody Valentine toujours mais mieux digéré, et Jesus & Mary Chain notamment).
C’est un album-souvenir constitué de photos d’enfance et de quelques autres images évanescentes, comme autant d’intermittences mémorielles. Chaque titre annonce l’instant qu’il capture (By The Lake, Bitter Srping, Sunrise…) et derrière l’apparence « Nature & Découverte » de la Tracklist se cachent des morceaux d’abord très réussis et surtout moins lisses qu’on ne pourrait le croire. Tous ces morceaux sont les réminiscences romantiques d’un âge sans tourments. L’impression globale qui persiste à l’écoute du disque est l’image d’un flou intelligemment entretenu, un hors-temps sans contours, quelque chose comme le charme d’une vieille bobine de Super 8. Cette impression parcourt l’écoute du disque, et se retrouve dans la pochette du disque et sa figure indécise. Le clip d’Antiscript, réalisé par la sœur de Yann, Marine Le Razavet, est l’interprétation visuelle d’un univers intimiste dominé par cette imprécision – au passage cette chanson sonne un peu comme une version shoegaze du tube d’Arcade Fire Rebellion (Lies). Un autre morceau de l’album, Slow Motion, illustre bien mieux d’ailleurs, dans son titre même, cette idée de vision brumeuse et ralentie. Les morceaux s’enchaînent bien, donnant à l’ensemble le rythme d’une rêverie presque continue, peut-être aussi parce que chaque début de morceau se ressemble un peu tout en apportant des éléments neufs à chaque fois par la qualité et l’intelligence des arrangements.
Assoupie sans être apathique, la musique de Marble Arch s’affirme comme une charmante parenthèse contemplative. Pour les shoegazers sous Xanax en rédemption, les amateurs de pop sombre et de clair-obscur animés d’une mélancolie douce.
Marble Arch // The bloom of division/ Le Turc Mécanique – Requiem Pour Un Twister
Sortie le 15 septembre, Release party le 12 septembre au Motel.