2023 commence fort sur le calendrier du post-punk : vous ne les connaissez sans doute pas encore, mais The Drin vient de sortir « Today My Friend You Drunk The Venom ». Et si l’album est d’abord et surtout une grosse claque, il constitue surtout un vent de nouveauté dans cet univers plus post que punk et de plus en plus saturé.

« Enregistré dans le grenier, à côté du cimetière du village, tout en étant malades ». Ceci n’est pas un incipit pseudo-lovecraftien foireux, mais seulement la note accompagnant le nouvel album de The Drin : « Today My Friend You Drunk The Venom ». Ces quelques mots inspirés constituent une mise en bouche étonnamment juste de ce disque-braquage, qui constitue tout simplement l’une des meilleures surprises post-punk de 2023 (et l’année n’est pas finie).

Après seulement trois ans d’existence, un premier album « Far Out Kicking » plus « conventionnel » (tout est relatif) et le déjà très réussi « Engine Sings For The Pale Moon » de 2021, le groupe originaire de l’Ohio et mené par un certain Dylan MacCartney (de The Serfs et Crime of Passing) livre un troisième disque extrêmement abouti. Servi par cette magnifique pochette, toute en cauchemar impressionniste, « Today My Friend You Drunk The Venom » s’ouvre sur une introduction digne des soundtracks les plus anxiogènes de David Lynch. Puis les rythmes brinquebalants s’invitent, le train fantôme s’emballe à mesure que la voix sépulcrale psalmodie quelques mots noyés dans le chaos ambiant, évoquant ce que pourrait être le rejeton de Nick Cave et Alan Vega (sacré programme).

La première partie de cet album est la plus torturée : perdue dans le mix, la voix est tantôt chuchotée, tantôt menaçante, voire prophétique sur Five And Dime Conjurers. Un surprenant interlude dub (Eyes Only For Space) précède à l’atmosphère sombre, froide, dissonante et franchement claustrophobique de Peaceful Easy Feeling (qui n’a donc strictement rien à voir avec les Eagles). Puis vient la deuxième partie de l’album, plus rythmique et intrépide : Stonewallin et The Day (Azoic) tirent ainsi vers le krautrock et un psyché sale, évoquant Kyuss, The Brian Jonestown Massacre et leurs poulains de Dirty Beaches, tandis que le morceau de clôture Mozart on the Wing rappelle les grandes heures d’Hawkwind.

Si en 2023, les trois-quarts des formations émergentes comportant encore un ou deux instruments se revendiquent quasi-systématiquement du post-punk (devenu une sorte de terme fourre-tout générique, équivalent aux catégories « alternatif » ou « indé » sous crise d’adolescence), The Drin vient faire péter les boulons de cette vieille machine rouillée, avec ce nouvel album en guise de WD-40. « Today My Friend You Drunk The Venom » incarne la pureté du post-punk dans son esprit le plus violent, anarchique, total, libre et sauvage. Tout en s’inscrivant dans des genres musicaux saturés et sur-référencés, le groupe parvient à fournir un travail viscéral et finalement très novateur, grappillant le meilleur de l’une ou l’autre influences pour mieux brouiller les pistes et créer sa propre voie. On ne sait pas trop de quel poison il est mention, mais on en reprendra bien volontiers une grosse louche. En intraveineuse.

The Drin // Today My Friend You Drunk The Venum // Feel It, Future Shock & Drunken Sailor Records, sortie le 27 janvier

https://thedrin.bandcamp.com/album/today-my-friend-you-drunk-the-venom

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