En se plaçant à équidistance entre Rone, Maud Geffray et Para One, pour ne citer que les musiciens électroniques français les plus dignes du genre, le Breton Blutch signe un faux premier album pas vraiment taillé pour les clubs. Et ce n’est pas que « Terre promise » mérite des gestes barrières ; c’est tout simplement qu’il est bien trop grand pour ne pas donner des envies d’évasion, à l’air libre.

De quoi pourrait-on être vraiment sûr en 2022 ? Ah oui, le rock est mort. Parmi les genres souvent cités pour sa succession, les noms défilent depuis des plombes, trop nombreux, trop éphémères. Celui sur lequel on n’a toujours pas envie de miser, même en cas de combustion spontanée de 99,99% des musiciens contemporains, c’est bien l’abstract hip-hop. De toute façon, personne ne serait foutu d’expliquer ce qu’est vraiment cette étiquette, ni si Blutch rentre pleinement dedans, lui qui flirte également avec l’electronica et la house méditative de 16H00 du matin ; soit deux autres genres avec lesquels on n’a jamais eu vraiment envie de partir en vacances.

Ce que l’on sait, en revanche, c’est que son « Terre Promise », qui débarque ce 28 janvier sept ans après une première auto-production dispensable (« Equilibrium », 2014), réussit ce petit exploit – y’a-t-il encore de la place pour les grands, dans un monde qui s’effondre et où Eric Zemmour est crédité de 14% d’intentions de vote ? – de transposer l’énergie de la musique électronique sur un format long pour les salons : l’album. Oui, ce truc aussi désuet que quatre mecs transpirant dans un local mal ventilé à gueuler « 1, 2, 3, 4 ».

La liste des disques ratés dans la section « abstract je-ne-sais-pas-quoi » étant aussi longue que la visière des casquettes de ceux qui ont joué le rôle des pousse-boutons, on aurait aussi pu craindre pour cette plongée dans le grand bain des sonorités post-2000, entre recyclages trip-hop, expérimentations à la James Holden et autres trucs d’IDM pour neuneus. C’est raté, « Terre promise » est réussi. Peut-être justement parce qu’il emprunte à chacun des genres susnommés pour créer un paysage à l’image de sa pochette ; une espace de Bretagne en open-air hésitant entre la free party et le décor d’un épisode de Kaamelott, les blagues en moins. Sur certains des titres les plus naturalistes (Les Bois, Phoenix), on rêverait même que Michael Mann s’en empare pour sa suite annoncée de Heat (en roman, pas en film, hein), ne serait-ce que pour entendre Blutch illustrer ces grands travellings nocturnes sur des blocs de bétons bleuâtres. Pour le reste, « Terre Promise » est un disque de techno minimale où même les plus allergiques au BPM trouveront de quoi se sentir en terrain connu. Et sans dire qu’on tienne là le mastic assez solide pour recoller tous les morceaux d’une musique électronique fracturée, cette carte postale de Blutch en a néanmoins suffisamment sous la pédale pour être autre chose qu’une soundtrack d’open space pour créatifs du tertiaire.

Alors certes oui, certes, Blutch porte une casquette, il est blanc et peut-être même possède-t-il la collection complète des Tsugi depuis le premier numéro. Il cumule, pour résumer, pas mal de poncifs associés au gang déshumanisé des hipsters-animateurs de soirées du Club Medium. Mais « Terre Promise », par ses ambiances et son ambition, se place quelque part dans une zone festives pas très claire, entre les reflets des derniers rayons de lumière sur la mer, et le soleil lui-même. Avec l’impression d’assister à une vingt-cinquième heure hésitant entre le spleen et la danse, comme Bajram Bili ou même Chapelier Fou avant lui. C’est ce qui fait de ce « Terre promise » un horizon inatteignable assez jouissif dans ce moment d’entre-deux qu’est 2022.

Blutch // Terre Promise // Astropolis Records
https://astropolisrecords.bandcamp.com/

2 commentaires

  1. alors c’est ça le mont Sion,ce bout de pierraille?
    parce que j’ai regardé à Jerusalem, ya que dalle.
    par contre j’ai un vieux magazine de ski avec un reportage sur le Liban.

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