Le pire ramassis de clichés sans intérêt sur L.A, la vie des stars, leur mal de vivre et le lourd prix à payer pour être l’un des rouages de la Société du Spectacle, tout cela et quelques morceaux de pop molle s’étale mollement au soleil du dernier clip de la fille du cinéaste Francis Ford Coppola.

Durant la première demi-heure du film, une bataille sans pitié s’est déroulée dans la salle pour la possession de l’accoudoir de droite. Mon voisin occupait l’accoudoir et laissait dépasser ses très gros coudes jusque sur mon siège, invasion tout à fait vulgaire de mon espace vital. Bien entendu avec plusieurs centaines d’heures passées dans des salles de cinéma, je décidai non seulement de regagner ce territoire mais encore d’y établir une suprématie indiscutable. J’appliquai le même mouvement tournant qu’Hannibal à la bataille de Cannes, suivant le bord de l’accoudoir pour finalement exercer une percée sur ses flancs, l’obligeant à concentrer ses mouvements à l’avant de l’accoudoir et me permettant de prendre position dos au fauteuil, position inexpugnable s’il en est.

Pendant ce temps, Stephen Dorf regarde des jumelles faire de la barre parallèle, se casse le bras, fait un usage immodéré de room service et de bimbos tandis que sa fille est so cute car elle cuisine et fait du patinage artistique, et sa maman lui manque, et son papa n’est jamais là, mais heureusement il y a Manolo, le gentil serveur Mexicain qui joue si bien de la guitare. Si vous avez vécu dans un village reculé de la Chine depuis votre enfance, vous découvrirez avec joie et émerveillement quelques gros poncifs de Los Angeles, y compris les masseurs New-age, les piscines, les palmiers et Ed Ruscha qui l’a peut-être bien mérité.

Gille Deleuze dit avec raison qu’ « il n’y a rien de plus immonde que d’écrire un roman parce qu’on a vécu une histoire d’amour« . Il y a aussi faire des films parce qu’on a une vie sans intérêt. À la fin, Stephen Dorf quitte son hôtel de luxe, roule avec sa Ferrari jusque dans le désert et là, il sort de la voiture et il marche. Ah oui, et il sourit.

Le seul réel intérêt de ce divertissement est qu’il éveille quelques souvenirs d’un art ancien autrefois connu sous le nom de cinéma. Entre la bataille de l’accoudoir et la rédaction de tête de ce papier, de brefs plans m’ont donné envie de me rendre dans une salle de cinéma pour y revoir Hana-Bi, Apocalypse Now, On achève bien les chevaux et la monumentale trilogie américaine de James Benning. Sofia Coppola – que certains critiques, probablement mal remis du repas de Noël de Télérama, rapprochent d’Antonioni – semble penser que mettre bout à bout de longs plans vides suffit à faire un film et évoquer le vide de l’existence. Elle ferait bien de se farcir El Valley Centro ou Sogobi, au besoin on pourra lui prêter des DVD.

A qui trouverait ce papier tout à fait insensible à la poésie ténue d’un spleen délicat, je signalerai que le travail de l’artiste est justement d’agréger la matière qui est la sienne en un objet qui, d’une manière ou d’une autre, fait œuvre. C’est sans doute ce qui manque à cet acteur, à sa fille et à Sofia Coppola. La seule relation de cet ennui profond est structurelle et contagieuse.


38 commentaires

  1. De là à faire un parallèle entre la musique insipide de son mec (Phoenix) et son cinéma à travelling sur soleil couchant… finalement tout cela est assez raccord.

  2. ‘Tain, chuis dégu, un plumitif dans je ne sais plus quel canard ou webzine m’a piqué le « Pauvre petite fille riche » dont j’use pour qualifier le cinéma de la fille de Coppola depuis que j’ai subi « Lost in Translation », qui ne valait que pour Bill Murray. Soit dit en passant, la couverture médiatique dithyrambique de son film est à pleurer, une fois de plus : personne à part gonzaï pour souligner l’arnaque cinématographique qu’est cette demoiselle ?

  3. Bester, je suis sûre que ton aversion pour Phoenix révèle au fond, un amour sans failles que tu ne veux pas t’avouer… L’amour, la haine, similarité du sentiment, tu sais ce qu’on dit 😉

  4. Sofia Coppola est à la fraude ce que Scarlett Johansson est à l’arnaque. On a voulu nous vendre de l’ingénue, star « intello » laissez moi rire, différente alors que ce n’est qu’une actrice blonde de plus qui maintenant sert plus a la promo de l’Oréal qu’à l’exercice de son art. Vive Bill Murray

  5. Je suis (presque) entièrement d’accord avec cette critique, mais il faut calmer les « sofia coppola cette fillette gâtée etc ».
    Certes Somewhere est franchement sans intérêt, et je ne comprends pas que les critiques ne s’en soit pas aperçu, mais Virgin Suicides est un excellent film, qui dépasse objectivement le « cinéma a travelling sur soleil couchant »

  6. Je suis d’accord avec vous, Regis.
    Le problème de Virgin Suicides, son effet Kiss Kool à double tranchant si je peux dire, c’est l’ambiance et l’atmosphère qui sont plus importants que l’histoire – merci Air -, soit une nouvelle donne au début des années 2000, un cinéma inattendu. Après cela, une fois qu’on a dépeint le spleen bourgeois avec des lumières naturelles et des cheveux qui bougent au ralenti, c’est toujours un peu la même histoire que Coppola raconte, de film en film.

  7. le pb c’est plutôt que lorsqu’on a un budget aussi important que celui d’un pays en voie de crever, il faut en faire quelque chose et pour cela il faut avoir du talent.
    c’est rarement bon signe quand ton premier film est le meilleur

  8. TEXTE PARFAIT

    (hormis une vilaine faute d’orthographe (7ème ligne premier paragraphe « regagnER ») et la répétition peu élégante « molle » / « mollement » dans l’accroche)

    BRAVO

  9. Le pb, c’est que vs avez une vision 1) normative de ce que doit être le cinéma de Coppola fille 2) vous n’arrivez pas à vous départir du délit de sale gueule. Je n’admire pas du tout le milieu qu’elle met en scène, mais il me semble qu’elle est très lucide sur ce qu’on pourrait lui reprocher (cad exactement, ce que vous lui reprochez, vu qui n’avez vu du film uniquement ce qui confirmait ce que vous en attendiez)et qu’elle est assez consciente des éceuils à éviter. Je ne l’ai pas vu, je ne vais rien en dire. Mais « virgin suicides » et « lost in translation », c’était quand même quelque chose. Ah et autre chose, l’unanimité autour d’une oeuvre n’indique pas obligatoirement que tte la presse monde est dans l’erreur ; Il se pourrait même effectivement que d’autres journalistes jugent ce film bon, DE BONNE FOI !! Textuel !

  10. Pas encore vu le film.

    Ceci étant, je savais avant qu’il sorte qu’il serait encensé par Télérama et démonté par Gonzaï.

    Pas besoin d’avoir des dons de voyance pour constater que les deux sont aussi prévisibles sur ce coup.

    On est là dans une posture snob assez peu subtile, d’autant que contrairement à ce que j’ai lu, non vous n’êtes pas seuls à critiquer un film qui semble assez loin de faire l’unanimité. Too bad.

    Et puis certes on peut en dire du mal de Sofia Coppola, mais alors lui reprocher de toujours dépeindre le mal-être de fillettes aisées, c’est mesquin.

  11. Je ne suis pas contre une descente en flamme d’un film mais j’aimerais tant une argumentation cinématographique (mise en scène, montage, usage de la musique…) plutôt que thématique. Soit les thèmes de Coppola Jr ne sont pas fascinants mais le ciné c’est d’abord de l’image qui bouge avant d’être une histoire qu’on raconte….

  12. @ dewey : tu es extralucide ? il faut savoir que monsieur Burren n’appartient à gonzai que depuis la fin d’année dernière et qu’il n’y a pas une conf de redac pour dire « faut se faire le nouveau de coppola jr », il l’a vu et il en fait une critique. je pense qu’on se fout de savoir que d’autres n ont pas aimé ( ils ont certainement bon goût) malgré ce que tu penses on ne passe pas notre temps à regarder telerama et les inrocks pour aller dans le sens inverse

    une bonne fois pour toute chez gonzai il n’y a pas de polit buro de la bonne pensée et de la critique obligatoire

  13. Je n’aurais évidemment pas fait ce commentaire s’il n’avait pas cité Télérama et si j’avais lu des commentaires contradictoires d’autres membres de Gonzaï, ce qui n’est pas le cas ici. Alors certes c’est une coïncidence et on a tous le droit de détester Sofia Coppola individuellement mais ça donne une apparence de front collectif curieux.

    Ce que je veux dire c’est que je préfère être surpris par la ligne éditoriale d’un webzine que conforté dans ce que je peux en attendre (c’est exactement l’un des reproches qu’on fait à juste titre à Télérama et aux Inrocks après tout).

  14. Pouvons-nous, s’il vous plait, éloigner un instant ce débat du vide ? Pour nous concentrer sur le seul point positif de ce néant west coast : Chris Pontius. C’est un putain d’acteur ce jackass, non ?

  15. Pas de chair (dans celui-là), mais en tous cas des bonnes ‘chairs’ où l’on peut aisément s’endormir devant ce film à mourir d’ennui…

  16. Salut Gonzaï!

    Sûrement que le dernier film de Sofia Coppola incarne à la perfection notre époque… ( à voir l’affiche… )
    C’est à dire que ( l’on pense que ) tout a été fait, dit, montré, et puisqu’il en est ainsi, cela ne sert plus à rien de prendre des risques. Autant rabâcher les mêmes histoires, les mêmes mélodies, puisque le but est de se faire une place au soleil et d’exhiber notre superficialité glamoureuse et narcissique.
    Ce souci d’esthétisme, cet émoi de la pureté de la forme, en somme toute féminine, ce cinéma là, peut-être bien qu’il manque de substance et de réflexion, mais il n’est certainement pas dénoué de sens, encore moins de sensualité.

    J’avais beaucoup aimé « Marie-Antoinette ».

    Alors,
    j’irai peut-être voir ce film…

    En vous remerciant.

  17. Plutôt d’accord avec la critique, même si pour moi le côté nanardesque du truc me touche parfois : les acteurs son vraiment nuls, la photo et le cadre pourri, on s’emmerde, finalement on se retrouve face à soit tellement c’est vide. Et dans le noir bien confortablement assis dans son fauteuil c’est pas toujours une mauvaise manière de perdre son temps…
    La seule faute de goût qui détruit un peu tout c’est Benning. Je ne vois pas trop ce qu’il vient faire là. Aucune accointance avec le cinéma passé (pas forcément nul) ou présent de la fillette. Si ce n’est pour se la jouer et là sortir un cinéaste obscur (mais excellent) que la France vient de découvrir (il a juste 30 ans de carrière derrière lui) bon ben à la place je ferais un article sur lui et pas un petit truc péteux en loucedé sur une critique de la Coppola genre prends ta leçon fillette…
    Le détail, le détail…
    Quand à TéléInrocks, je pense que vous avez fait votre truc en réaction. Faut quand même assumer de ne pas être d’accord avec eux. C’est plutôt logique et sain et on va pas sabrer le champagne le jour ou vous serez imprévisible et en accord avec eux… Perso j’aimais bien les inrocks et au moment où ils ont défendu les mêmes trucs que télérama (ou l’inverse mais c’est la même chose) c’était juste triste.

  18. Cher pietro, tout ce long débat et un seul homme pour relever le seul intérêt de cet article, cette allusion a Bennings, certes un peu show-off, mais j’admet ne connaitre le bonhomme que depuis quelques mois, mais néanmoins motivé par une opposition forte entre deux lectures de l’espace californien, une lecture post-spectaculaire dépressive où le spectateur, les personnages et, à mon sens la réalisatrice se cognent aux murs crystalins d’une structure capitaliste terminale et de l’autre l’approche de Bennings qui fait surgir du vide apparent du paysage californien (et j’aurai d’ailleurs du citer en premier lieu Los), l’ensemble des forces économiques, sociales et politiques qui le parcourt et l’innervent. Cela avec une bien plus grande économie de moyen, mais avec cependant un véritable travail de cinéaste.
    Que Sofia Coppola utilise comme matière ce vide existentiel n’est pas mieux, ni moins louable que les choix de Bennings, reste qu’il demanderait un réel travail sur cette matière, autre chose qu’une collection de moment d’oisiveté pur que contrairement a ce que déclare la jeune icône tendance dans une interview ne sont pas l’apanage de tout un chacun et qu’il manque quelque chose pour que cette matière accroche au réel et tout simplement puisse faire œuvre, en voyant ce film je n’ai pu que penser aux paroles de Common People de pulp…

  19. Voilà le problème c’est le nombre de commentaires que suscite la coppola. je me suis retenu jusqu’à présent parce que je savais que l’article allait faire un gonzaibuzz. Je ne m’attendais pas à tant, c’est tout. 30 commentaires pour cette article, sur ce site, et pour Somewhere c’est beaucoup trop; mais consubstantiel à l’intérêt de Coppola. « Away we go » de Sam Mendes par exemple à fait beaucoup moins parler de lui…
    William Burren est un gentil garçon qui aurait du charger à la dynamite son article pour la tuer un bonne fois pour toute. Tuons-la comme on l’a tuée quand elle était actrice.

    @BSTR : je suis d’accord pour dire qu’elle tourne toujours le même film. Et alors? Ca ne suffit pas pour dire que c’est bien ou nul. Buster Keaton, Les Marx Brothers, Chaplin, Stroheim, Woody Allen, Monicelli, Dario Argento, Guy Maddin, et autres bonnes et mauvaises confitures ont fait toujours le même film…je ne vois pas en quoi ca constitue un reproche (bien que cette liste ne soit pas fidèle à mes goûts personnels).
    Dostoievski a toujours écrit le même livre, et ça fait de lui un maitre du roman.

  20. Putain, arriver a evoquer Dostoievski dans un commentaire sur la mere Coppola c’est grand, c’est violent, meme si ce que tu dis est ridiculement faux. Il n’a pas fait toujours le meme livre.

  21. Cet article est tout simplement génial. J’entendais tellement de bien de ce film qu’à un moment, je me suis demandais si j’étais anormale ou sans coeur. Bref, je me suis emmerdée durant 1h30 …

  22. Je me suis senti bien dans ce film. Je ne voulais pas que ça se termine. Je trouve que S. Coppola a fait sa rebelle en en rajoutant trois couches sur les thèmes que les anti-bourgeois-bohèmes détestent. Sacré coquine.
    (donc je suis d’accord avec Vianney)

  23. nb sans rapport pour l’auteur du papier (prévisible certes, mais si on commence à contredire sciemment les intentions que nos lecteurs nous prêtent, on a pas fini): d’où vient la citation de Deleuze? Je la trouve terriblement vrai.

  24. Alice dans les villes via Wenders ou Somewhere via Sofia,
    si c’était son parrain ce serait bien, y a pas que des filles à papa.
    somewhere … over the rainbow les cocos
    american mythology
    LH

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