A ceux qui ont déjà remis leur destin dans les mains de deux cubes et de leur course folle ; à ceux qui, hésitant à diviser le hasard par six via un barillet ou un dé, n’ont jamais oublié la moiteur de leurs mains au moment de se lancer ; à ceux dont la vie a changé à la lecture de L’Homme-dé ; à ceux qui ont tourné le dos au dieu Google et sa coolitude esclavagiste ; à ceux qui n’en peuvent plus de prendre part à ce jeu dont les règles se modifient au fur et à mesure qu’on y joue ; à ceux qui, fiers, orgueilleux et têtus à en saigner, font fi du destin à s’en cogner encore et encore dans le même mur ; à ceux qui dansent en soubresauts, extatiques, renversés, tordus, tout secoués d’électricité, persuadés que la lumière vient du feu plutôt que des étincelles du réseau ; à ceux qui trouvent que l’homme est une belle machine parce qu’elle peut dérailler à tout moment : bienvenue chez « Until The Silence », monolithe qui tend le poing vers l’Olympe, une RAM et une partition pour orchestre dans l’autre main.
Enjoy The Silence
Six propositions de définition, histoire de se mettre dans le bain de ce « Until The Silence » :
Musique électronique : silence coincé à l’équerre entre deux répétitions.
Silence : respiration régulière où l’on entend les mouches voler.
Orchestre : armée lyrique au service du monolithe.
Chair de poule : syntax error chez les programmes.
Programme : voie de chemin de fer à dynamiter.
Dé : le hasard divisé par six.
À abscons, con et demi, comme disait ma grand-mère entre deux cours de science physiques, rentrons dans le vif du sujet, à savoir cette drôle de matrice où Schuiten semble tenir la baguette tandis que les deux Roll The Dice installent de la dynamite aux quatre coins du réseau. « Until The Silence », c’est du cinéma ; avec de grands espaces à conquérir, avec peu d’être humains dans les parages, avec des plans séquence à rallonge et des violons, beaucoup de violons, une armée de violons, du type qui ne déplairait pas à Jodorowsky, Ridley Scott à son meilleur et tous les cintrés qui se touchent rien qu’en pensant à Ghost In The Shell ; l’intégrale d’Ulysse 31 maté avec des pilules plein la bouche et ces saloperies de tridents qui te frôlent l’échine. Ce mégalo de Beethoven aurait levé son pouce s’il avait poussé au XXIe siècle, à l’écoute de ces symphonies dessinées au trackpad.
Illustration n°1. Ici, Assembly et ses dix minutes de crescendo feront très bien l’affaire.
Vous l’aurez compris, on n’est pas là pour rigoler ; il s’agirait plutôt de serrer les fesses au passage de cette paire de dés lancés avec fracas, pour aller leur chemin, dans le réseau de ton système nerveux redessiné avec des 0 et des 1 par les dieux machine. « Imaginer Sisyphe heureux » ? Imaginer Sisyphe à la guerre, ouais. De la rage à revendre, avec sa révolte à vomir dans les tous les tuyaux pour enfin, un jour, peut-être, lancer les grands renversements. Et que les tyrans prennent enfin cet immense caillou en travers de leur figure ramollie par l’oisiveté de ceux qui ne font plus que donner des ordres depuis leur tour de verre.
Illustration N°2. Perpetual Motion s’impose, non ?
Mais tout ceci se fomente ; la bête sans yeux et ses URL en tentacules, ses ports USB qui poussent sur la peau sans savoir pourquoi, cet asservissement des masses, le nez dans leur smartphone et les doigts collés à ces applications qui n’appliquent finalement que dalle, ce vent formidable dont il ne faudrait plus se passer, cette diversion de tous les instants, comment y mettre un terme ? Le soir, dans le silence et l’obscurité des angles morts, des âmes pensent à se soulever mais tournent en rond, ne sachant pas quel fil débrancher. « Il n’y a plus de fil, dit la voix. Tu es libre. » Ce qui est absolument faux.
Illustration n°3. Je vous mets Wherever I Go, Darkness Follows, au cas où votre GPS ne fonctionnerait plus.
Jusqu’au silence. Des machines. Des voix et de leurs ordres. Des automobiles. Du réseau qui crépite dans les tuyaux. Des clics. Des pilotes automatiques. Des aboyeurs souriants, main de fer dans un gant ignifugé, au cas où. Des enceintes. Des caméras de surveillance. Du réseau. De tes doigts qui tremblent, perdus, accros, déconnectés, enfin. « Until The Silence ». Un disque à écouter avec du putain de TNT en guise de saphir, en regardant le nouveau monde s’écrouler.
Illustration n°4. In Deference, parce qu’on peut avoir envie de tout démolir et rester poli.
Six propositions de définition à l’emporte-pièce, encore tout retourné par ces vision nées de ce cauchemar climatisé renversé par nos deux gus cachés derrière leur laptop.
Roll The Dice : électro très magnétique.
Roll The Dice : la sirène et la lumière rouge d’emergency.
Roll The Dice : stop. Encore. Stop. Encore.
Roll The Dice : le hasard divisé en dix tracks.
Roll The Dice : une porte de sortie. Et une autre. Et encore une autre.
Roll The Dice : 100 % des perdants n’ont jamais tenté leur chance.
Voilà. Les dés sont dans ta main. C’est à ton tour de les lancer. Il te suffit d’appuyer sur « entrée ».
Roll The Dice // Until Silence // Leaf
https://soundcloud.com/roll-the-dice