Vous est-il déjà arrivé d’être au bon endroit au bon moment comme Gaspard & Xavier qui ont rencontré Pedro Winter à une soirée raclette pour finalement enfanter « Cross », l’un des meilleurs albums rock de tous les temps (oui c’est de la musique électronique, j’avais la flemme de corriger mais pas d’écrire cette phrase, c’est dingue non, en plus je suis sûr qu’ils préfèrent se revendiquer rock) ? Personnellement, oui.

C’était à l’été 2016, à New-York. Je ne sais même plus ce qu’on a fait ce jour-là. On a sûrement mangé un burger chez Five Guys affiché à $8,64 mais qui a fini par coûter $17 entre les taxes, les tips, et le crackhead auquel on n’a pas su refuser quelques pièces par peur de finir la tête dans le fameux tonneau de cacahuètes (je suis allergique), puis on a peut-être flâné dans Central Park avant de prendre le subway, direction notre AirBnb dans Brooklyn. C’est précisément dans le métro qu’a eu lieu ma fabuleuse rencontre. Il faut savoir que les publicités inondent les rames, dans des endroits interdits d’affichage en France, de quoi faire bander vigoureusement un actionnaire JCDecaux ou redonner du sens à la vie d’un stagiaire BETC qui vient de claquer 30k€ dans une école de communication bidon (même si classée 1ère). A Paris, on a surtout des publicités pour des organismes dispensant des cours de soutien (genre Acadomia), ou des poèmes écrits par des terminales L (ça existe encore ?) que je soupçonne d’être ghostwriters pour Clara Luciani. Si la pub cible large à Paris, c’est une autre histoire à NYC : elle vise surtout les pauvres qui ont des problèmes et les riches qui ne veulent pas en avoir. Il n’y a que des pubs d’avocats aux slogans médiocres (du genre John Stones dans The Night Of). Ou peut-être ce sont les seules que j’ai retenues, parce qu’on aimait bien en rire avec mes potes. On fait un changement, on s’assied, et au bout de quelques instants je vois un de mes amis convulser de rire par terre (ROFL en anglais) pour la deuxième fois de sa vie (la première c’était devant H quand Jamel a défendu Sabri au tribunal). J’essaye de comprendre pour lui emboiter le pas : je jette un coup d’oeil au dessus des portes métalliques, encore une pub d’avocat. Mais quand je baisse les yeux, je vois l’avocat en question posé juste en dessous de sa propre pub ! J’étais cuit. C’est une technique de drague ? Un moyen d’améliorer son reach ? Vous trouvez mon anecdote nulle ? D’accord, je comprends, mais sachez que c’était hilarant sur le moment. On y reviendra plus tard.

Watch a reunited AC/DC get loud in the latest video for "Shot In the Dark"  - Knotfest

Je vais être honnête avec vous, je ne sais pas encore quel sera le sujet de cet article (je trouve toujours le titre au moment de conclure). Y’a que de la merde qui sort en ce moment, et je n’ai pas envie de vous parler de musique trop vieille, et risquer de contracter le syndrome RS/RF (Rolling Stone/Rock&Folk, ndlr) : s’étonner de la baisse d’intérêt des lecteurs alors qu’on fait un spécial Bowie ou Dylan tous les 2 numéros par paresse intellectuelle. Pourtant, de bons albums rock sortent depuis quelques temps et n’attendent que d’être décortiqués (je rigole). Enfin, je rigole à moitié. Il y a quelques albums sympas mais aussi prévisibles que leurs critiques (genre Alter Bridge), la majorité des projets cools et bouleversants sont rap, il faut s’y faire.
Tenez, prenons l’exemple du dernier AC/DC paru en novembre 2020, « Power Up ». Je n’ai même pas besoin de lire les critiques des autres webzines et magazines papiers pour savoir ce qui va être dit : un jeu de mot avec « courant » en titre (« AC/DC, le courant est-il rétabli ? », prout), une intro sur les problèmes du groupe (mort de Malcolm Young, surdité d’Angus Young, prout), puis développement de pseudo-connaisseur-prout qui va déconstruire la production (construction classique verse/pre-chorus/chorus blabla, amplis Marshall saturés blabla, Gibson SG non compressée blabla prout), pour au final conclure que l’album est sympa sans forcément innover et noter que le groupe a su se refaire une santé (prout final). Le pire dans tout ça, c’est que je me surprends à être tout ce que je méprise, puisque ce qui m’a frappé en premier c’est bel et bien c’est que cet album n’a rien d’innovant et aurait très bien pu sortir en 1980 (à cela près que je n’ai pas le besoin compulsif de montrer à mon lecteur que je sais différencier le son d’une Gibson de celui d’une Fender). Mais c’est justement ça qui est mortel (dans le bon sens du terme) : j’ai pu prétendre l’espace d’une journée qu’internet n’existait pas, me lever relativement tôt pour un samedi, aller acheter le dernier vinyle d’AC/DC chez un disquaire qui empeste la Heineken à 9h du mat’ (vous avez pensé quoi de Vernon Subutex avec Duris ?), rentrer chez moi, et écouter le vinyle, tout en ayant l’impression d’être la veille de l’élection de Mitterrand.

Pour en revenir à mon aventure new-yorkaise, je dois être honnête avec vous : l’anecdote est bien vraie, mais j’ai menti car je n’ai jamais été au bon endroit au bon moment. Woodstock ? Pas né. Nirvana chez MTV ? En conception. « Alive 2007 » ? Trop jeune. Justice à l’Olympia en 2012 ? J’y étais, mais on m’a volé mon iPhone 4G pendant un pogo. « Power Up » m’a enfin donné l’impression de faire preuve d’happenstance, quel plaisir. La piste 1 ressemble comme deux gouttes d’eau à Thunderstruck (qui s’en plaint ?), tandis que la piste 2 aurait donné des envies de meurtre à un Richard Ramirez qui tourne à Cergy au volant d’une 206 grise avec une béquille posée sur le siège passager, histoire de pouvoir se garer en double file en toute impunité dès qu’il repère une proie intéressante. J’en suis qu’au 3ème titre, mais de toute évidence, cet album n’a rien de 2020. Tant mieux. Qui a demandé aux Rockstars des années 70/80 de se renouveler ? Sûrement pas Philippe Manoeuvre.
Morrissey essaye d’innover et on se fait chier. T’es le putain de chanteur des Smiths ou une signature indie de chez Kitsuné qui peine à faire 300 ventes par album et met ça sur le dos de l’ignorance d’un public qui préfère (à juste titre) écouter le dernier album de Freeze Corleone plutôt que ta bouillie maladroitement mixée sur Ableton et plébiscitée par les lecteurs de Tsugi ? Même problème dans le rap (le rock n’étant pas égoïste, il fait profiter de ses dérives aux autres genres). Rohff et La Fouine ont essayé de faire de la trap puis de la drill, mais lâchez l’affaire les gars, faut laisser ça aux jeunes qui le font très bien (ou à Booba, le seul rappeur français qui sait se réinventer depuis 22 ans). Refaites-nous des Testament, Le son qui tue & autres Tous les mêmes, et arrêtez d’écouter ce que vous dit le/la Chef(fe) de Projet de votre label (un des meilleurs jobs qu’on puisse trouver, quoique payé au lance-pierre). Honnêtement, qui a réussi à se renouveler sur plusieurs décennies ? Ok, je vous vois venir : Daft Punk. Un album techno culte, un album house légendaire, un album minimal incroyable et un album pop fabuleux (je suis à court de synonymes pour citer leurs autres projets). Qui d’autre, hein ? Gorillaz et la merde faussement innovante qu’ils pondent depuis le chef d’oeuvre « Demon Days » ? Alors ok, leurs albums reçoivent de bons retours car au fond je suis un peu dur et qu’ils s’écoutent facilement, mais surtout parce que c’est estampillé bonne musique, les critiquer c’est prendre le risque d’être accusé de mauvais goût (tout comme aucun journaliste sérieux ne s’amuserait à dire du mal de Woodkid ou Tame Impala, quand bien même ça serait mérité). Le concept de renouvellement est un poncif des critiques musicaux. Quand tu ne sais plus quoi dire sur un album, tu te demandes si l’artiste a su se renouveler, comme si c’était un gage de qualité (et c’est exactement ce que je suis en train de faire, cependant j’ai eu l’honnêteté de préciser en amont que je ne savais pas sur quoi écrire).

Ouf, c’est bon, l’article touche à sa fin, j’ai à peu près pondu mon titre : AC/DC, renouvellement et nostalgie. Si vous avez compris mon besoin pressant d’happenstance, pourquoi mentionner 1962 précisément ? C’est une année assez symbolique pour l’industrie musicale, car ce qui est enregistré avant est du domaine public, n’importe qui a le droit de vendre un EP d’Elvis Presley des années 50. Le cartel des majors a réussi à bloquer la date à 1962, car ils ont compris que tout ce qui est sorti après est génial (ou plutôt tout ce qui est génial est sorti après), et que ça serait con que n’importe qui puisse vendre un skeud des Beatles ou des Stones à Clignancourt en toute légalité. Si mon article ne vous a pas plu, vous aurez au moins appris quelque chose ! Là où je veux en venir, c’est qu’en naissant en 1962 vous êtes assez vieux pour avoir connu le meilleur des années 70, et assez jeunes pour apprécier un projet de Travis Scott, Burna Boy ou Taeyang. Là est tout le talent d’AC/DC : le temps d’un album, je m’en fichais d’être né dans les années 90. Consciemment ou non, ils se sont affranchis de ce lieu commun de renouvellement dicté par des médias qui prétendent avoir le monopole du bon goût, ou par des fans arrogants (genre ceux de TOOL). Je ne réécouterai sûrement jamais « Power Up » (il est bon mais sans plus, il me reste tellement de musique à découvrir). Mais merci pour le bon moment messieurs, j’ai eu l’impression d’être Sam Beckett dans Code Quantum et d’oublier le confinement l’espace de 41 minutes.

9 commentaires

  1. « Booba, le seul rappeur français qui sait se réinventer depuis 22 ans »
    En voulant claquer les portes ouvertes de la critique mainstream voilà ti pas que vous en enfoncez une à deux battants. Bravo

  2. voila 1 qui cé mis du gel W.C sur les mains qui cé gominer la queue, é pari vendre son cannabis.

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