Pour découvrir la Thaïlande à moindre coût, le label Sublime Frequencies réédite sa compilation « Molam : Thai Country Groove from Isan ». Une plongée dans l’effervescence du molam des 70-80s, quand la musique populaire rurale thaïlandaise rencontrait la vie nocturne des grandes villes et l’influence occidentale.
Le molam est à la Thaïlande ce que blues, folk et country sont aux Amériques. Une musique populaire, historiquement rurale, et qui prendra au fil des décennies des accents politiques plus ou moins marqués. Il trouve ses racines dans le pays voisin du Laos et principalement dans la région d’Isan, annexée par la Thaïlande au XIXe siècle. Les mouvements forcés de population portèrent avec eux les prémices de cette musique traditionnelle, s’inspirant d’abord de la philosophie bouddhiste et tenant alors un rôle quasi éducatif de transmission du savoir philosophique.
Dans les années 50, le molam devient une musique plus populaire et se répand dans le pays au-delà de son berceau d’Isan. Elle constitue une forme d’hommage pour les migrants ruraux, qui chantent leurs souvenirs et le mal du pays dans les rues des grandes villes. Les thèmes évoluent, évoquant plutôt les aléas et la difficulté d’une vie pauvre et rurale, à l’instar du blues américain de la même période. Le molam est aussi un exutoire aux histoires de cœur, évoquant des amours impossibles, tiraillés entre Isan et Laos et séparés par le Mékong.
Les années 70-80s voient un virage marquant dans l’histoire de cette musique : sous l’influence occidentale (notamment la présence des soldats américain en Asie du Sud-Est), les instruments traditionnels s’électrisent et sont rejoints par leurs homologues lointains : guitares, batteries, basses et tout l’appareil blues-rock de l’époque. La forme traditionnelle du molam connaît alors un certain bouleversement en s’imprégnant du vent psychédélique, du funk, de la soul, en même temps qu’elle brouille les frontières avec d’autres musiques populaires thaïlandaises comme le luk-thung. Celui-ci s’apparente plus à la country, avec des textes généralement plus tristes et réalistes que le molam. Celui-ci devient ainsi un terme de plus en plus vague, regroupant tout un panel d’émotions, de couleurs, d’instruments, de danses et de formes d’expression allant du mélancolique au burlesque.
En parallèle, les mouvances politiques tentent de le récupérer : au Laos, la musique est au cœur de la guerre civile, devenant un important instrument de propagande culturelle jusqu’à l’avènement du régime communiste en 1975. En Thaïlande, si le molam est mis en avant par les gouvernements en place, la récupération politique est moindre et attendra plutôt le coup d’État militaire de 2006, quand le mouvement démocratique d’opposition des Chemises Rouges s’emparera dans sa lutte d’un molam beaucoup plus moderne.
Aujourd’hui, le molam existe toujours et connaît un nouveau virage : après avoir été relégué de longues années dans le sombre placard des ringardises, il regagne enfin ses lettres de noblesse. Que ce soit en Thaïlande même, où nombre de groupes émergents (à l’image de Khun Narin) ressuscitent son héritage, ou lorsqu’il est revendiqué comme influence par certains pontes du revival néo-psychédélique (notamment les Texans de Khruangbin). La présente compilation, initialement parue en 2005 et tout juste rééditée par Sublime Frequencies, était l’une des premières à diffuser le molam en Occident, mettant ainsi un coup de projecteur sur tout un pan de la culture thaïlandaise entre migrations, guerres politiques et métissage culturel. Comme une série de cassettes oubliées dans les valises des Hank Williams, Joan Baez et autres Bob Dylan de l’ancien Siam.
Molam : Thai Country Groove From Isan // Réédition chez Sublime Frequencies
https://sublime-frequencies.bandcamp.com/album/molam-thai-country-groove-from-isan-2
2 commentaires
si elle est molle quelle thaï elle fait ?
moindre coup ? & il faut le trouver ?