Il y a quatre ans naissaient les Déferlantes. Un festival de province basé en périphérie de la Mecque des beaufs, Argelès-sur-Mer. Il faut savoir que s’enfler un tel pèlerinage aujourd’hui demande certains acquis en matière de survie: La crainte de se retrouver bloqué à 4h du matin dans un club refoulant la tong sableuse, le sex on the beach trop épais ou les serviettes de plage encore humides. Ce risque, je l’ai pris pour aller voir Patti Smith et l’Iguane. Qu’est-ce qu’ils foutaient là ? Probablement leur B.A. de l’année.

Cadre magnifique, là-dessus, rien à dire. Après dix minutes de trajet à l’arrière d’un train à touristes, je vagabonde au milieu des champs de vignes locaux pour poser mes lunes sur un pan de colline dégarni. Une cuvette de verdure desséchée sera mon tombeau, perdu au milieu des pins où trône, tel un abcès, le splendide château de Valmy. Alors que le houblon coule à flot dans cette lutte contre la chaleur, le cratère qui se dessine sur mes tympans est aussi vaste que le canyon musical séparant les BB Brunes et Iggy Pop, Izia et Patti Smith, un Quick et un Macdo. Dès lors, je ne reviendrai pas sur le set des blondes comme moi, ni sur la performance de la gosse d’Higelin. Concentrons-nous sur l’essentiel.

D’abord celle de Patti Smith, jouant alors que le soleil nous brûle encore. Une guitare acoustique mixée à la perfection entame le premier morceau, accompagnée d’instruments au son limpide et en retrait de telle façon à laisser la voix comme fil directeur de l’échiquier. Alors que je détache mes cheveux transpirants, la dame blanche secoue ses nattes enfantines laissant apparaître ses traits de visage si durs, imposants et respectables. Changement de décor lorsque l’Iguane déboule sur scène. La basse crache chaque note à en faire saigner des oreilles comme un mouton de l’Aïd. Iggy a le cul aussi bas que d’habitude et on n’entend toujours pas le saxophoniste. Au prochain show j’irais me plaindre à l’ingé-son. Bref, ça pogote ferme et à moins d’un mètre de la scène, la chaleur semble provenir du cul de Satan. N’importe quel calepin de journaliste, aussi professionnel soit-il, aurait succombé à une telle expérience. Iggy Pop ou l’art de pondre le même live avec les mêmes chansons dans le même ordre pendant dix ans tout en restant potable. D’une lueur rouge lave, le ciel retombe sur Patti Smith qui hurle et se damne comme si elle avait seize ans. Faisant des aller-retours recroquevillée sur sa guitare, elle passe à Gloria. Une version d’une bonne quinzaine de minutes arrangée avec génie autour d’une montée intense, sciante et laminante. La bouche ouverte, la bave coulante, je me dis que « ça y est putain, j’ai pris ma baffe ». Iggy rabâche un No fun après les classiques Search and destroy ou I wanna be you dog. Les Stooges envoient du bois et Mike Watt dynamite d’une main de fer les cordes vibrantes de sa basse pendant que maître Pop plaide une dernière fois en faveur des drogues. Patti se retire laissant flotter son engagement politique et un silence au fond de moi, une impression d’avoir été sauvagement décapé, détenteur d’un fardeau supplémentaire.

Il n’y a plus rien à faire si ce n’est rejoindre la citadelle, se faire ami de la faune, squatter un camping, rentrer à quatre dans une tente pour deux, se couvrir d’eau quand le soleil reviendra et écrire ce papelard pour un sombre redac’ chef qui pense que Narbonne sera le New-York des années 3000. Because the night ?

5 commentaires

  1. Tu as bien raison de ne pas avoir trop développé sur le live de Patti « frippé » Smith, ça fait presque vingt ans qu’elle aurait du se reconvertir en vendeuse d’encens indien au marché de St Ouen. Il n’y a pas de sous-métier.

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