Dans ce papier, tout pourrait tenir dans le titre. Quand « Lonerism » est sorti en septembre, on est tous tombé dans le panneau de l’extase avec ce deuxième album plus pop et conventionnel que l’ovni sorti l’année précédente. Dire qu’on eut espéré un « Innerspeaker » bis repetita, avec ses airs de John Lennon chantant dans le cosmos depuis sa cabine Leslie rétropropulsée, est un doux euphémisme ; on eut droit à la place à un disque plus proche du « Revolver » des Beatles que de l’avalanche psychédélique qu’on était nombreux à s’être prise dans la gueule deux ans plus tôt. Pas vraiment décevant, ni génial non plus, le deuxième LP des Australiens s’avère, après de nombreuses écoutes, plus banal qu’il n’y paraît, comme vidé de la sève qui coulait précédemment, au point qu’on serait presque en droit de se demander si, après avoir ressuscité l’esprit de l’auteur de Working class hero, Tame Impala n’aurait tout simplement pas décidé de se réincarner en Jean-Marc Ayrault. Cold turkey.
Gimme some truth
Après pareille descente de police sur un groupe qu’on a ardemment défendu par le passé, quitte à mettre des œillères sur ce « Lonerism » moins décadent et pour ainsi dire plus normal, j’imagine bien les gardiens du bon goût, matraque à la main, prêts à venir casser la vitrine en arguant du fait que ce même « Lonerism » s’avère « plus accessible que son prédécesseur », voire que « c’est bien difficile de toucher le génie deux fois d’affilée », ou encore que « c’est trop facile de brûler les idoles qu’on a tant aimées la veille ». On va vous épargner la ratonnade, tout cela est aussi vrai. Sans avoir vendu leurs âmes au diable ou leurs corps au KKKapital, Kevin Parker et ses prestataires de service[1] ont simplement décidé de relâcher la pédale d’effet pour gonfler leur power pop aux synthétiseurs. Si le tout fait l’effet d’un ventilateur tournant désormais au ralenti, faudrait voir à pas non plus en faire des tonnes sur ce qui reste, malgré tout, une digne alternative à la baudruche affublée d’un gel coiffant nommée Matthieu Chedid, à qui on souhaitera sobrement un exil napoléonien sur l’île Sainte-Hélène avec des chiens-loups – les mêmes que ceux des fans à Johnny – affamés en guise de backing band. La parenthèse 30 millions d’ennemis étant fermée, passons à la ballade de…
Ah Melody
Si vous êtes muni(e) d’une bonne connexion Internet et d’une bonne paire d’enceintes, il ne vous aura pas échappé que le premier album de Melody’s Echo Chamber, sorti voilà quelques semaines, fait le bonheur de la presse musicale française et internationale. Produit par un certain Kevin Parker, le disque fait l’effet inverse de celui de Tame Impala ; première écoute un brin répulsive, deuxième nettement plus fracassante, troisième vraiment interrogative. Le son chaud de la basse, les arrangements grandiloquents, la batterie mixée bien en avant : ne s’agirait-il pas du véritable deuxième disque de Tame Impala ? Comme la réponse tient dans la question, et que préciser que la Française Melody Prochet est la petite amie de Parker au civil est un indice de type Cluedo mode débutant, on serait plutôt tenté de comparer la Parisienne à une Lou Doillon qui aurait su chanter mieux que sa mère, ou plus vraisemblablement à France Gall avec, dans le rôle du mentor, un Gainsbourg biberonné à la reverb et aux tentures indiennes.
Comme je n’ai pas vraiment la force ni l’envie de m’essayer à l’autopsie dudit disque sur la base de métaphores cryptées avec des poupées de cire gonflées ras la valve par un producteur spectorien, autant résumer Melody’s Echo Chamber à ce qu’il est, à savoir un excellent album. Qui, s’il évoque en pointillés l’anomalie sonique du « Triggers » d’April March, permet surtout de mesurer à quel point ce premier disque renvoie Tame Impala dans les cordes, et comment on peut parfois se voiler la face à vouloir aimer trop vite, faute de mieux dans l’actu. « Le vrai temps, c’est le luxe », disait Philippe Labro. L’album de Melody rappelle la maxime du vieux beau, en échos lointains.
Melody’s Echo Chamber // S/T // Domino
http://www.dominorecordco.com/artists/melodys-echo-chamber/
(En concert aux Transmusicales de Rennes le samedi 8 décembre)
[1] Il est ici entendu que Tame Impala n’est l’affaire que d’un seul homme, comme l’expliquait le même Kevin à Gonzaï en 2010 : « Ça me dérange qu’on soit considéré comme un groupe parce que ça n’en est vraiment pas un. C’est difficile à expliquer parce que ça me met un peu mal à l’aise vis à vis des autres gars lorsque je dis que c’est principalement mon projet personnel, mais c’est le cas depuis des années. J’enregistre tout moi-même. »
12 commentaires
Et dans un mois, le même retour en arrière sur Melody ? (Lonerism est sorti en octobre, Innerspeaker en 2010 et non « l’année dernière » et cet album-ci est sorti le 5 novembre).
On s’en tape, des dates, mais bon comment vous prendre au sérieux quand vous déclarez que « seul le détail compte ».
Salut Malakaï,
(décidément j’ai l’impression que je perds des points dès que j’écris un truc avec toi, heureusement que je n’écris pas mes papiers après avoir lu tes commentaires – sic)
Sache tout de même que j’ai eu un doute sur la date d’Innerspeaker et que, fainéantise du double check et confiance à Deezer qui annonçait 2011 en date de sortie, j’ai failli.
Je te prie de bien vouloir m’excuser pour cette erreur, et n’hésiterait pas bien entendu à venir faire une génuflexion sur le pas de ta porte dès lors que tu m’auras communiqué ton adresse postale. N’hésite pas à revenir vers moi en cas de question.
PS/ et sinon sur le changement de veste, je préfère mille fois avouer que j’ai pu me tromper (sur le dernier Tame Impala), à défaut d’avoir du talent, c’est une certaine forme d’honnêteté, non?
Bon sinon et tant qu’à être précis, la citation de Labro date de 2009, extraite d’une interview au Figaro. Je crois qu’il portait une cravatte bleue marine, ce jour là.
Le groupe précédent de Melody Prochet, My Bee’s Garden, était déja plutôt sympathique (découvert en 1ère partie de Pains of Being Pure at Heart à la fleche d’or en juin 2011). Les musiciens, à part « l’ajout » de Kevin Parker, étant resté les mêmes, on peut écouter leur album « Hunt The Sleeper » pour se faire une idée de la valeur ajoutée de Kevin Parker. Bref pour résumer, je ne sais pas si on peut parler de « poupée de son » comme ne le dit pas la métaphore.
Album magnifique, ultra-solaire. Le nouveau visage de la sunshine pop soit un véritable tournant dans le style instigué par Parker&Cie. C’est vrai qu’on ne peut s’empêcher de penser que Parker a écouté April March avant de produire son dernier album et celui-ci.
Pour ma part, je plaide pour la formation d’un quattuor Wyatt/Burgalat/Parker/Melody mi-Aquaserge mi-AS Dragon en backing band sur une prochaine soirée Gonzaï. Est-ce un projet trop ambitieux?
Avec Lonerism, Kevin Parker est devenu une sorte de poseur vivant sur ses acquis. Aujourd’hui Ty Segall fait bien mieux dans le style recyclage rock psyché 70’s.
Sinon d’accord avec toi Bestere pour dire que l’abum de Melody Echo Chamber est excellent.
Euh My Bee’s Garden c’était quand même My Bloody Valentine et Blonde Redhead au pays de Sophia Coppola. Trop Le Miel et Les Abeilles… Mais je savais pas pour ce Melody »s Echo Chamber donc je vais écouter en espérant que ce soit moins scolairement pop et Marie-couche-toi-là.
Sylvain
http://www.parlhot.com
Concernant Lonerism, ayant adoré Innerspeaker j’ai été plutôt deçu en decouvrant le nouvel opus, puis au fil des écoutes je suis rentré dedans et desormais j’aime beaucoup cette album. Apres je suis d’accord pour dire que l’engouement autour est plutôt exageré, mais il est indeniable que Parker a un grand talent de compositeur…
Mais mec, tellement d’accord avec ta chronique.