A l’heure où le Royaume-Uni s’enferme dans son Brexit, les Sleaford Mods ont choisi d’ouvrir les fenêtres et de prendre l’air avec « Eton Alive » qui, à défaut de conserver la fureur d’antan, est probablement leur disque le plus bigarré.

Le succès des Sleaford Mods défie toutes les règles éculées du marketing musical. Il démontre encore une fois que le secteur part totalement en vrille. A un âge où la plupart des artistes tentent de signer « l’album du come-back », Jason Williamson et Andrew Fearn arrivent à peine en haut de l’affiche. Et c’est presque un miracle et un immense espoir pour tous les vieux punks édentés que de voir toucher au but ces deux prolos de Nottingham qui cumulent presque un siècle à eux deux. C’est aussi un peu un mystère – il faut l’avouer – d’assister au triomphe de ce chanteur qui éructe sur la misère sociale de l’Angleterre avec un accent des Midlands à couper au couteau sur fond de beats post-punk squelettiques crachés sur scène par le vieux PC plein d’autocollants du beatmaker enfumé.

Une formule improbable découverte ici avec l’impeccable album « Divide and Exit » (2014) et son mini-tube « Tied Up In Nottz » après des années de galère pour Williamson, entre boulots pourris et tentatives avortées de percer dans la musique. En s’associant à Fearn, tout aussi dans la merde que lui en 2012, le filon est trouvé. La fin de tant de frustration aidant, l’hyperactivité du duo n’en sera que plus frénétique avec très – trop – de sorties d’EP, de LP, de collaborations (Prodigy, Baxter Dury) et une signature chez les parrains de l’indie de Rough Trade. Beaucoup de brûlots envers les élites, un modèle efficace puis redondant surtout quand on n’a pas le niveau d’anglais pour saisir toutes les subtilités du discours.

Brexit Music

En accusant récemment ses agaçants compatriotes d’Idles de « s’approprier la voix de la classe ouvrière » , Williamson s’est mis à dos la communauté des punks barbus amateurs de tatouages et de Stan Smith. Pour se prendre derrière une volée par les cintrés des Fat White Family qui leur reprochent de continuer à parler de « kebab et de job de merde » tout en ayant quitté l’underground. L’industrie musicale anglaise comme on l’aime. Un début d’année aussi tonitruant qu’une contre-attaque de Liverpool auquel il faut ajouter leur nouvel album « Eton Alive » le premier sur leur propre label Extreme Eating.

L’actualité outre-Manche donnant toute la matière première nécessaire aux textes du tandem, c’est du côté musical que l’évolution se fait la plus patente. Déjà aperçu sur leur EP sorti à l’automne (Bang Someone Out notamment), le virage pop se poursuit autant dans les voix de l’un que les instrumentaux de l’autre. Une variété bienvenue dans leur répertoire qui brasse le grime (Kebab Spider), le hip-hop plus classique (Top It Up) ou la drum’n’bass (Substraction) sans négliger le post-punk pur jus (O.B.C.T. et son kazoo à la The Fall) ou une échappée rappelant même Suicide (Big Burt).

Si tout n’est pas réussi sur le reste du disque, il y a aussi de petites révolutions quand Williamson se met carrément à vraiment chanter (un peu maladroitement mais ça fonctionne sur When You Come Up To Me, le R’n’B Firewall). Un choc. Un peu comme si Jarvis Cocker se mettait au reggaeton. In fine, c’est une volonté d’ouverture rafraîchissante actuellement pour un groupe qui a probablement perdu l’odeur de soufre qui l’entourait il y a encore quelques années, mais qui a soigné sa musique, et ce quitte à « être écouté par de plus en plus de connards » comme le remarquait Williamson il y a quelques temps. Mais ça, les Sleaford Mods s’en foutent probablement. Rien qu’en étant arrivés là où ils sont aujourd’hui, ils ont déjà gagné.

Sleaford Mods // Eton Alive // Extreme Eating

9 commentaires

  1. grosse rigolade! les ‘modestes’ qui kiffent les Casse toi fort pas leur disque a agen ? a quand dans les brocs de Passage d’agen ?

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