Tu en as marre de passer tes soirées couvre-feu devant Columbo ? Bonne nouvelle ! L’édition 2021 du Festival international de films sur la musique, FAME, se tient online jusqu’au 25 février 2021. Tour d’horizon de quelques pépites à regarder après 18H00.  

Oui, il faut voir cela comme une bonne nouvelle. Jusqu’à présent, pour voir ces documentaires pop inédits – sous-titrés en français – il fallait avoir le privilège d’habiter Paris et assister aux projections qui se tenaient à la Gaîté Lyrique. Pour la première fois, n’importe qui peut, depuis son canapé au fin fond de l’Ariège – ou pire, à Clermont-Ferrand – se délecter de la sélection 2021 du FAME Festival. Oui, toi aussi, le lecteur de Gonzaï provincial – avec ta coupe de cheveux improbable et tes disques de Captain Beefheart – tu peux y avoir accès. Pour moins de 17 balles, tu peux choisir environ six films.

On t’aide à faire le choix.

Fabulous d’Audrey Jean-Baptiste (2019)

Je commence avec un coup de soleil, un coup d’amour, un coup d’je t’aime : Fabulous d’Audrey Jean-Baptiste. Un documentaire sobre et relativement court qui suit Lasseindra Ninja, icône de la danse Voguing de la scène ballroom parisienne de retour sur ses terres natales, la Guyane. Elle y anime des ateliers Voguing auprès de jeunes Guyanais qui tentent de trouver leur place et leur identité loin de Paris et de ses paillettes. C’est une œuvre miroir, tendre, transparente et sincère. C’est tout doux comme un Pixar.

This Film Should Not Exist de Gisella Albertini, Massimo Scocca et Nicolas Drolc (2020)

Oui, je sais : vous voulez du rock’n’roll. Vous connaissez ce groupe, les Country Teasers ? Et bien moi non plus, et c’est une fabuleuse découverte via ce documentaire. Un obscur groupe de garage rock avant que le garage rock soit à la mode. En fait, une assemblée de branleurs de vingt ans issus du fin fond de l’Écosse au début des années 90. Il se trouve que des fans italiens adulaient ce groupe et disposaient de centaines d’heures de VHS après les avoir suivi lors de leur confidentielle « tournée » européenne de l’apocalypse mid-90’s (genre Montpellier, Bordeaux et Limoges chez nous). Je dis tournée entre guillemets, car ils se produisaient le plus souvent dans des bars réunissant 25 curieux. Le documentaire passe en mode « on s’était donné rendez-vous dans dix ans », en retrouvant les protagonistes, pour les confronter à ces souvenirs éthyliques et électriques. Ben Wallers, le leader du groupe, serait-il l’icône rock binoclarde la plus charismatique depuis Elvis Costello ? Je ne vous en dis pas plus, c’est un petit bijou. Les meilleurs documentaires rock’n’roll ont pour objet des sujets obscurs. C’est le cas ici : la mythologie rock’n’roll y est auscultée dans son intimité. Un ovni avec des antihéros très attachants.

In a Silent Way De Gwenaël Breës (2020)

Un documentaire sur la disparition médiatique du groupe new wave anglais, Talk Talk. C’est un long métrage au dispositif singulier qui peut déstabiliser. Le réalisateur n’a pas pu avoir accès aux droits ni à de nombreux témoignages majeurs de cette histoire. Que reste-t-il ? Comment articuler son long métrage ? En tentant de prendre le contre-pied des documentaires musicaux calibrés et en livrant sa propre vision du groupe : intime et artisanale. L’équipe du film reste respectueusement devant ce qui reste des studios mythiques dans lesquels ont été enregistrés les derniers opus des Anglais énigmatiques. Cette même équipe se balade et s’imprègne des sonorités de la ville – ici un son de cloche au bord du port, là un bruit d’abeille dans l’herbe, ici un canard. Et le mystère Talk Talk dans tout cela ? À vous de voir si vous arrivez à le discerner à la fin de ce documentaire. « Le mutisme de Mark Hollis, le leader de Talk Talk, était contagieux », nous prévient le réalisateur. Une œuvre qui interroge aussi sur le besoin des fans de musique pop de décortiquer, comprendre des œuvres quand un groupe aspire à ne plus retourner dans la lumière. Pour les fans de Talk Talk et de Terence Mallick. Et pour les ultra-fans (ils sont nombreux), on vous invite à lire notre série sur Mark Hollis écrite par le réalisateur lui-même.

Thunderdome Never Dies De Ted Alkemade (2019)

La bamboche c’est terminée ? Ce documentaire revient sur la genèse du crew au logo de vieux magicien, Thunderdome. Le hardcore techno, la scène gabber hollandaise 90’s est plus qu’une marque : un état d’esprit, une contre-culture européenne folle. Dans ce long métrage, on suit le come-back des véts du gabber et ils en profitent pour rembobiner le film. La partie du documentaire sur le retour des soirées Thunderdome est moins intéressante que, bien évidemment, la genèse de ce mouvement fascinant. Thunderdome c’est donc un crew d’organisateurs de soirées qui se décline en marque, mais aussi via des compilations qui – aussi bien visuellement que sur les sonorités – traduisent au mieux le zeitgeist de cette jeunesse en bombers, cheveux ras et Air Max fluo aux pieds. Des compilations, il faut le souligner, sur lesquelles se trouvaient des morceaux de techno agressive à 180 BPM et qui se vendaient tout de même à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires : c’est vous dire la curiosité de cette époque. « Un joint, une bière et les matchs de l’Ajax d’Amsterdam », c’était la philosophie de ces jeunes Hollandais du début des années 90, qui se sont mis à danser les pieds ancrés au sol, tout en gesticulant les bras d’avant en arrière.

American Rapstar de Justin Staple (2020)

Tu te sens trop vieux/vieille ? Bah, je ne sais pas si regarder ce documentaire va t’aider. Une œuvre sur cette culture hip-hop qui va très vite, car certains artistes apparaissant ici sont déjà rincés artistiquement – Lil Xan, Trippie Redd – alors qu’ils n’ont même pas 20 ans. Plus que l’angle un brin moralisateur, c’est surtout le portrait de cette jeunesse américaine qui fascine. Des kids de 12, 16 ou 18 ans qui font des millions de vues, alignent les dollars, tout en étant passablement défoncés au Fentanyl. Ils ont les cheveux violet ou vert, des tatouages sur le visage, ils sont dépressifs et ne se sentent pas concernés par l’histoire du rap ou des artistes avant eux. Ils vivent le moment présent et sont aussi bien des modèles qu’un reflet pour la jeunesse. Plus que de musique, il est question ici de drogue, de dépression et de matérialisme. Tu trouves que c’est de la merde musicalement ou la décadence la plus inepte ? C’est un indice pour montrer que tu vieillis. En fait, les personnes avaient ces mêmes préjugés quand les Rolling Stones sont arrivés dans le paysage médiatique : drogué, sauvage, immoral ou violent. L’histoire se répète. C’est un bon documentaire assez généraliste qui donne les clés de cette culture et met en avant les artistes majeures. L’analogie entre la réception auprès des fans de la mort de XXXTentacion et celle de Kurt Cobain est bien vue et objective. En attendant le documentaire sur la génération TikTok ?

***

Cette 7e édition du FAME Festival inclut d’autres documentaires dans leur sélection, notamment Sisters with Transistors au sujet des pionnières de la musique électronique, un concert inédit de Jarvis Cocker en multivision ou un film sur la scène noise expérimentale. Mais aussi un docu sur le groupe The Idles, l’histoire de la musique de Memphis et surtout le fameux documentaire sur Shane MacGowan des Pogues – Crock of Gold signé par Julien Temple, tout de même. Côté oldies, Fame rend disponible le film culte de new wave avant-gardiste, Liquid Sky de 1982. Mais concernant ce dernier, il faut vraiment habiter au fin fond de l’Ariège – ou pire à Clermont-Ferrand – pour ne pas l’avoir vu.

FAME : Festival international de films sur la musique, du 18 au 25 février 2021 via la plateforme MK2 Curiosity. Gaite-lyrique.net/festival/fame-2021

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