Histoire… La nouvelle est tombée le 21 septembre dernier : Universal rachète EMI. Où l’on comprend, à la lecture du Monde (lire ici), que la planète disque marche plus que jamais sur la tête. Monde, univers(al), planète… manque plus que le nouveau disque de Jupiter et la méta(m)phore filée nous conduit tout droit à James Brooks. Ok, c’est un peu abscons. Qu’à cela ne tienne, creusons.
En 1999, une triplette de rosbeefs, dont James Brooks, accouche sous le nom d’Appliance d’une bonne petite galette post rock, « Manual ». Dont les clips, déjà, regardent défiler le paysage. Le groupe va faire – on n’oublie pas qu’on est là pour causer des voies romaines, merci – son petit bonhomme de chemin. Ledit chemin étant pavé par Mute records. Musique pointue, label itou, à une époque où l’on peut encore signer du weirdo sans recevoir un coup de fil du comptable. L’aventure durera quatre albums. Du chinois pour les dealers actuels de musique. Mais ne nous égarons pas du côté de la grande muraille et revenons à nos ovis.
Plus précisément, au drôle de hasard du calendrier qui voit un label à vendre (Mute, pour partie propriété d’EMI, avec ses poids lourds Depeche Mode, Moby ou Goldfrapp va, comme d’autres, être cédé par ce dernier…) sortir, quelques semaines seulement avant l’annonce de ce Monopoly © musical, un disque aussi commercial qu’un remix indus de Money. Ca s’appelle « Roman Roads IV-XI », c’est piloté en solo par le suscité James Brooks sous le blaze Land Observations, ça ne chante pas et c’est branlé avec juste une guitare et quelques loops. En un mot : invendable. En deux : couillu et poétique. Allez hop, get in the c(h)ar !
… Géo. De l’ouverture en forme de clepsydre à cordes de Before the Kingsland Road — lenteur au tempo implacable, un œil sur le métronome et l’autre sur les champs qui ont brûlé il y a un peu plus de 2 000 ans — à Battle of Watling Street en clôture, on écoute défiler le paysage à 2 km/h, seulement secoué ça et là par une énième guitare en boucle venant picoter la chair. Le pitch ? James Brooks, fasciné par les voies romaines, leur a écrit ces huit errances à angle droit ; B.O. parfaite pour siroter des vins blancs très chers en regardant brûler l’horizon. Comme sur From Nero’s Palace, oui.
Millions (lexo)miles from home
Bien qu’il ne dure qu’une grosse demi-heure, on confessera quelques bâillements à l’écoute d’un tel disque, gavés que nous sommes de vitesse en tout genre, celle-là même qui nous fait régulièrement pousser vilains hoquets, ulcères et autres nœuds aux doigts ; se réhabituer à battre lentement le pavé, ça prend du temps. Mais une fois le souffle court balayé, emmené par cette drôle de danse consistant à faire juste un pas après l’autre, le buste enfin un peu droit, il sera envisageable de succomber en route. Et de chavirer aux accélérations de Appian Way, qui ressemblent un peu à la brise parcourant les derniers romans de Nick Tosches. Brise venant d’Italie, ça alors… Bref, « Roman Roads IV-XI », c’est tout à fait à rebours, plus lent qu’un ralenti de Matrix et aussi bankable qu’une reprise de Week-end à Rome par la Compagnie Créole ou un tribute album à Depeche Mode avec Zaz et Christophe Maé au casting. Le futur repreneur de Mute ne va pas en croire ses yeux quand il va voir ce truc au catalogue. Reste à espérer que le comptable soit fan de chiffres romains.
Land Observations // « Roman Roads IV-XI » // Mute
http://mute.com/artists/land-observations
James Brooks, également plasticien, expose fin octobre à Paris, à la Galerie Mueller.