L’Ambassade, c’est le Club des Cinq, ou le Clan des Sept update, un noyau de copains de toujours, qui voguent ensemble sur l’océan des savoirs et des expériences, sans fossilisation sur des héritages vintage, ni déshumanisation dans l’asservissement à la machine, et qui pédalent avec énergie et à propos pour faire de leur chouette kolkhoze artistique, une plateforme enthousiasmante, une Factory colorée où le spleen est aux abonnés absents… Et à force de bien prêcher la bonne parole pop, il s’est avéré urgent de livrer au monde un témoignage éloquent des talents : c’est désormais chose faite, avec la sortie de « L’Ambassade l’aime Pop », riche compilation multiforme où la diversité stylistique est au diapason d’une qualité constante. Tour de force, qui indique clairement la capacité de la structure à fédérer les énergies créatives de la scène pop toulousaine, et carte de visite suffisamment conséquente pour repérer durablement le collectif et ses artistes.
Frères et soeurs, the Gospel according to L’Ambassade…
En bons héritiers du modernisme, la musique que vous aimez a des racines noires. Citez dans l’ordre alphabétique les icônes, passées et actuelles, de votre panthéon, les moments épiphaniques, les morceaux/albums déterminants ? »
L’Ambassade : Étrangement notre premier séisme musical fût la découverte du punk sur les bancs du lycée, ça a considérablement influencé nos trajectoires vers la musique, sans retour possible. Je te parle du punk 70, celui de Malcolm McLaren, Tom Verlaine, des gens remarquablement romantiques et élégants qui avaient une vision totale de leur art. On était de fervent lecteurs des situationnistes ou de pamphlets tel que « Les écuries de l’Occident » de Jean Cau ou les écrits les plus cinglants de Céline. On se retrouvait dans leurs positions radicales qui contrastait avec le fard du ronron bien-pensant d’une petite ville embourgeoisée de province. La musique black c’est venu plus tard, avec l’addiction monomaniaque de deux d’entre nous pour les galettes pétrolés et l’envie de mixer dans des clubs. Ça nous a ouvert tout un pan de la musique afro américaine allant des Ronettes jusqu’au glitter disco de Trammps en passant par le groove des studios Muscle Shoals ou le Philly Sound. À côté des mix qui nous rapportaient trois broutilles, chacun avait son groupe de musique et L’Ambassade est née de la simple raison qu’il nous fallait une association pour facturer nos services. On n’avait pas idée que cela pourrait devenir quelque chose de bien plus large…
« On espère à terme arriver à développer notre entreprise pour pouvoir financer les projets spatiaux d’Elon Musk et organiser un festival éco-responsable sur Mars ».
Les Ambassadeurs musicaux de cette première compilation forment au final un catalogue de propositions artistiques à la fois multiforme et en même temps homogène esthétiquement. Pouvez-vous synthétiquement présenter les participants et leurs titres respectifs ?
L’Ambassade : Les gens avec qui nous avons fait cette compilation sont des personnes que l’on connait de près ou de loin comme le crooner australien Maxwell Farrington qui a enregistré son album chez nous avec un personnel d’exception : le multi-instrumentiste Pieuvre Convex qui compose aussi pour Œ, groupe aussi étrange que délicieux rappelant l’univers fantasmagorique de Gong ; le bassiste Jean-Phi qui tient les rênes de Vermeil Solarium, espèce de tribu à la Sly and the Family Stone dans laquelle Jane Birkin aurait appris à chanter juste. Il y a François Club, qui a de nombreuses fois défrayé la chronique dans Gonzaï et accompagné Aquaserge à leurs débuts. Mais aussi pleins d’autres jeunes pousses comme : Jeffers Waldo, Voyageur, VKG qui reprennent le flambeau d’un jazz rock éclaté, synthétique, filmique et groovy, lorgnant à la fois sur les 70’s sophistiqués du « Troupeau Bleu » de Cortex que sur les productions modernes de Dave Fridmann. Ou encore les deux frères de Twin Souls qui sont les dignes héritiers des mélodies du Left Banke et ont une énergie incroyable en live ! Il y avait donc ce désir de fédérer une scène autour de cette ébullition pop. Et d’autre part d’essayer de produire des gens de notre entourage dans le studio que nous avons construit pour avoir un son aussi bon, si ce n’est meilleur, que tous les autres studios plastiques de la ville que l’on ne pouvait même pas s’offrir. On s’est équipé pour cela que de vieux matériel récupéré dans les stocks de l’ORTF, d’un kit ASBA, de vieux VOX d’époque, et de synthétiseurs analogiques en ratissant le bon coin… Des couvertures aluminium recouvrent les murs rappelant la Factory de Warhol version garage acousmatique où la machines à laver le linge côtoierait un Crumar Performer écaillé. Le studio tourne à plein régime, de nouveaux morceaux s’enregistrent tous les jours…
La politique et l’Ambassade : je t’aime moi non plus ou boite à idées ? Quelle est l’idéologie qui sous-tend le projet de l’Ambassade ? Kolkhoze ? Kibboutz ?
L’Ambassade : L’esprit est communautaire mais beaucoup plus souple qu’un Kolkhose, étant donné que notre économie est l’œuvre d’une énergie gratuite et passionnelle, on espère à terme arriver à développer notre entreprise pour pouvoir financer les projets spatiaux d’Elon Musk et organiser un festival éco-responsable sur Mars. Nous avons d’ailleurs à ce sujet quelques droïdes vidéastes qui sont les yeux de nos soirées et relayent chaque évènement sur la toile généralisée…
Comme pères spirituels, Hermann Hesse serait notre lune et Ray Bradbury son satellite. Nous sommes tous de grands lecteurs de science-fiction et de récits d’anticipation tel que Damasio, K.Dick, Asimov ou Huxley en tête. Nous sommes aussi férus de revues scientifiques sur les dernières découvertes transhumanistes et ce que cela implique par rapport au développement de la conscience humaine sur terre. Donc tout ça combiné à un riff de guitare des JB’s ça donne forcément un cocktail visuel assez cosmique ! Pour la pochette de la compilation nous avons demandé à une jeune graphiste, Imogen Cathala de réfléchir à quelque chose de plus épuré, dans la lignée des affiches russes de Lissitzky… On en revient au Kolkhoze justement !
Comment expliquez-vous la sanctification actuelle de la musique francophone, l’accès au statut de demi-dieux hype de toute une palanquée d’artistes de variété française antique, ostracisés pendant quatre décennies par les détenteurs du bon-goût, et aujourd’hui, influences revendiquées de la crème de l’indie-pop internationale ? »
L’Ambassade : C’est marrant, ce matin aux toilettes je lisais un vieux almanach d’Actuel de 77 ou 78 à propos du bouleversement que représenta l’arrivée du punk dans la scène musicale de l’époque. Comme une sorte « d’inversion du tympan », une claque esthétique et sonore en forme de lavage de cerveau consentis. A cette époque, le curseur du bon goût s’est déplacé d’un pôle à l’autre, on a balayé une grande partie de l’héritage des dernières décennies et très peu d’idoles du passé ont trouvé grâce aux yeux de cette nouvelle génération “punk”. Le Rock est alors un média qui se transforme de manière épisodique à travers des modes qui ne durent qu’une demi décennie. Tu vas me dire, qu’est ce qui a changé aujourd’hui alors ? En fait la réflexion que je me suis faite en lisant ce papier, c’est qu’actuellement on vit une époque beaucoup moins dogmatique qu’avant, ce qui a parfois le don de m’exaspérer (exemple le classique : « Tu écoutes quoi ? J’écoutes de tout… ») mais la plupart du temps cela représente un énorme avantage.
Nous sommes les enfants du post-modernisme, on construit nos identités par une multitude de références, piochant autant dans la pop culture que dans la culture dite « classique », sans aucune réelle hiérarchie ni notion de légitimité.
Je pense que c’est la raison pour laquelle on a pu se saisir de l’héritage de la musique pop française de ces quatre ou cinq dernières décennies, redécouvrir tout un pan de notre culture, et la revendiquer sans honte. Bien sûr on est loin d’être les premiers, je pense à Air, à Tricatel, la bande EdBanger etc. Après tout même dans le hip-hop on retrouve une quantité incroyable de samples d’artistes français plus ou moins obscurs ! Alors même s’il existe toujours quelques « pape du bon goût », quelques médias culturels qui se veulent les relais du prêt à penser, je pense qu’aujourd’hui la ligne est beaucoup plus fine. Quelque chose de mauvais goût, de kitsch, peut être revendiqué en tant que tel et se retrouve ainsi de l’autre côté du spectre. J’aime cette idée de se saisir de quelque chose, de le transformer, et de mettre en lumière ce qui est subjectivement beau en elle.
L’Ambassade, c’est aussi une programmation classe (Bertrand Burgalat, Julien Gasc), un catalogue audio d’artistes prometteurs, un pôle vidéo, des djs… What’s next ?
L’Ambassade : On est en train de se pencher sérieusement sur l’idée de monter un label pour pouvoir sortir nos productions le plus rapidement possible, sans passer par d’autres intermédiaires. Plusieurs clips ou EP d’artistes représentés sur la compil sont d’ailleurs à venir d’ici la fin d’année… Nous reprendrons également notre mensuelle revue pop sur Campus FM dès septembre où nous partageons nos coups de cœur du moment et invitons des artistes, producteurs ou disquaires à s’exprimer ; un des grands moments de cette saison fût la rencontre avec Olivier Cussac qui tient le mythique studio Condorcet à Toulouse, un lieu absolument magique…
Plus d’infos sur l’Ambassade ici, et pour écouter la compile, c’est juste en dessous.