Crédit photo : Jean Poule Duplantier

Née dans les raves néerlandaises dans les années 90, centre névralgique d’une sous-culture multi-facettes, la techno hardcore connaît aujourd’hui un puissant revival. Directement inspiré par les racines festives et délirantes du genre, héritées notamment de l’empire Thunderdome, le collectif WH4F (à prononcer comme « Wouf », sauf que c’est « Waf ») en est un des artisans. Inscrits dans la tendance Débilecore, ils aiment la fête, les samples rigolo et Mylène Farmer. Rencontre avec les meilleurs amis de l’homme (de teuf).

Milieu des années 1990, nord de l’Europe et terres hollando-bénéluxoises. Le pays des tulipes et de Dave se fait berceau européen des cultures techno hardcore. Le hardcore c’est le fruit d’une hybridation de genres (techno, métal et rap) né dans ces espaces hétérotopiques dédiés à la dance, aux musiques underground et aux systèmes sons qui sortent des décibels monstres mais qui tiennent debout avec seulement deux tendeurs : les rave-party. Musicalement, ça s’identifie comme ça : battements par minutes stratosphériques, basses significatives et usage à vocation esthétique de la saturation.
À cette ligne musicale s’ajoute une esthétique ultra reconnaissable et culte, (ça on le sait quand on commence à être gentiment singé par la mode, cf. la collection pour homme HarDior, présentée à l’Automne/ Hiver 2017). En référençant des cultures alternatives cousines, du punk au rap en passant par le BDSM, le tuning et l’heroïc-fantasy, l’esthétique hardcore a gagné une place de choix au sein de la galaxie contre-culturelle, avec un positionnement radicalement festif et engagé. Elle est d’ailleurs son propre soleil en produisant une tripoté de petit rejetons, tout aussi caractériels (gabber néerlandais, terrorcore allemand, et, fierté nationale, la frenchcore bien de chez nous, cocorico).

L’autre force du courant techno hardcore, c’est que c’est, finalement, un genre qui se prête particulièrement aux grandes célébrations populaires, festive pour ne pas dire barrées. L’incarnation de cette philosophie c’est Thunderdome, entreprise médiatique néerlandaise et porte-étendard de la musique et de la culture techno hardcore. Éditeur d’une série de compilations de titres électroniques, techno et gabber qui affichent à l’époque des chiffres de ventes faramineux (selon l’entreprise mère ID&T, le seuil des 1 500 000 albums vendus est atteint dès 1995), les mix Thunderdome titillent encore aujourd’hui  un public de passionné, possiblement gentiment timbrés.


Mais la vitrine de Thunderdome, c’est un festival de musique et culture hardcore basé principalement dans la ville natale du concept, Utrecht. Aparté : la ville est particulièrement progressiste : c’est l’une des premières d’Europe à expérimenter l’attribution d’un revenu de base à sa population, et elle est également décrite sur sa page Wikipédia comme étant « jeune et dynamique ». Tout est dit.

Lancé en 1992, Thunderdome contribue très largement à la diffusion du hardcore dans la culture populaire européenne. Il s’infiltre notamment par la grande porte, celle du petit écran, dans les foyers français. On pouvait en effet voir ce genre de petit spot publicitaire bien sympatoche sur la petite chaîne qui à l’époque montait et le tout à l’heure du goûter.

Thunderdome est officiellement arrêté en 2012 mais reprend du service avec une édition anniversaire surprise en 2017, sold out en une seule session de vente. Prévue pour octobre 2019, la prochaine édition est déjà complète. Le festival agit en véritable baromètre de la popularité de la culture techno hardcore.


Les compteurs sont ainsi dans le vert pour le hardcore et le retour de vague auquel on assiste est bien vivant. Les soirées hardcore et gabber se multiplient, avec comme thématique récurrente, ce principe d’hybridation et une farouche volonté de lâcher-prise et de fêter la fête. Le collectif WH4F (« Will Hard 4 Food », ça en est de la dévotion) propose un format de célébration alliant rythmes musclés et ambiance « fête de forain ». La conception du hardcore qu’ils revendiquent porte un doux nom : le débilecore.

Comme le hardcore (peut-être à la différence du sexe) c’est finalement ceux qui le font qui en parle le mieux, ils ont gracieusement accepté de répondre à nos questions. 

Crédit photo : Jean Poule Duplantier

Salut WH4F, est-ce que vous pouvez présenter votre collectif et son histoire ?

WH4F avant d’être un collectif, c’est avant tout 5 potes de teuf (ndlr : Barbe_Noire, Pierre Le Disque Jockey, Diazepin et le duo Team Chien). Au fil des afters, à force de se croiser souvent dans le même genre de soirée, on s’est dit qu’on devait monter notre collectif et organiser nos événements pour partager avec le plus de monde possible notre vision de la musique, du fun, de la fête et tout ça.

Comme le dit Pierre Le Disque Jockey : “la qualité nous effraie”.

La culture hardcore est une ligne directrice de votre projet. Comment la définiriez- vous, à la fois musicalement et esthétiquement ? À titre personnel, comment y êtes-vous venu ?

La culture hardcore, celle à laquelle on s’identifie à la base c’est surtout celle du gabber Hollandais des origines, du Thunderdome et autres compilations comme ça. Ça se ressent pas mal dans notre façon de faire la scène même si on ne passe pas exclusivement du gabber : Pierre Le Disque Jockey va avoir un micro et faire MC, Barbe_Noire va danser et faire du Hakken etc… On est nombreux et on a réalisé que ça permettrait d’offrir un show où on va tous faire plus que seulement mixer. C’est une musique dure et sans concession dans le spectre des musiques électroniques, elle est rapide, percutante mais va à la fois avoir beaucoup de côtés fun, second degré. Des synthés, des voix stupides et répétitives, des samples rigolo. C’est cet aspect que nous aimons le plus, l’aspect DEBILECORE !

L’autre grande dimension du collectif WH4F, c’est une vraie culture de la fête. Comment la concevez-vous ?

On a toujours voulu injecter une bonne dose de fun dans nos soirées, sortir du cadre DJ et boite de nuit sombre. On essaie d’avoir un côté assez punk DIY dans ce qu’on essaie de proposer, le tout c’est que même en dehors du dancefloor, les gens puissent quand même s’amuser avec un côté un peu fête foraine, plein d’activités et de jeux comme on avait fait à l’Entente Nocturne ou à toutes nos soirées.

crédit photo : WH4F

La scène hardcore semble bénéficier d’une forte recrudescence de popularité ces dernières années, notamment en France. Comment expliquer ce regain et, plus généralement, comment WH4F expliquerait la ferveur et la fidélisation suscitées par la musique et la culture hardcore ?

Le monde se durci, la techno aussi et surtout, internet permet à qui que ce soit d’écouter des albums, EP ou tracks, qui étaient perdus au fond des limbes des disquaires hollandais de ressortir au grand jour, on s’est formés grâce à ça. Et forcément avec le revival 90’s qui est apparu et l’imagerie de la rave, une chose en entraînant une autre, le Hardcore est redevenu sexy. Mixer toutes ces influences, retrouver des DJ bien hard dans des soirées habituellement technos, on peut en écouter en club, en warehouse, dans d’énormes festivals ou soirées qui étaient, avant, principalement hollandais. En Free aussi. Chacun peut y trouver son compte tant la scène est fast(e).

Au-delà de cette popularité, une véritable émulation créative semble être générée autour du hardcore. Comment WH4F se positionne dans ce phénomène ?

Si vous additionnez 5 DJ, des activités stupides et rigolotes, un public ultra motivé et une grosse dose de débilcore on est à peu près sur le positionnement de la WH4F dans la scène hardcore d’aujourd’hui. On ne se prend pas au sérieux, je pense que tout le monde l’a compris maintenant et comme le dit Pierre Le Disque Jockey : “la qualité nous effraie”. C’est par là qu’on tente de se différencier, car chacun des “collectifs” de ce mouvement a une identité qui lui est propre. Notre créativité au sens musicale, vient du faire que chaque individu de WH4F, a sa propre identité ce qui donne un patchwork assez diversifié mais également assez homogène, entre le gabber, la Techno, mais aussi Mylène Farmer.

Beaucoup de projets menés par des artistes hardcore semblent reposer sur l’hybridation et le référencement d’autres contre-cultures. Est-ce selon vous une dimension constitutive du mouvement hardcore et diriez-vous que cela s’applique aussi au projet WH4F ?

Clairement, de notre point de vue le hardcore c’est le prolongement de nombreux styles de musiques électroniques, c’est arrivé y’a quand même un bout de temps maintenant et chaque pays et chaque artiste va y apporter sa touche et développer le truc. On a aujourd’hui vraiment beaucoup, beaucoup de sous-genres qui permettent de se perdre en explorant. L’aspect référence et hybridation de sous-cultures c’est quelque chose auquel on est tous très sensibles. On est des enfants d’internet, de la pop culture et de tout ça. On aime s’identifier et travailler avec des éléments comme ça. En découvrant le gabber on s’est confrontés à une subculture énorme et diverse (vêtement, musique, vidéo, graphique) et c’est une source d’inspiration énorme. Aujourd’hui on a su explorer et découvrir les autres sous cultures qui existent dans le hardcore et on a encore plein de chose à découvrir. On adore ça.

WH4F propose sa TURBO Kermesse le 7 juin au Klub, avec Ovhal44, FEMUR, Meuns, emo_goblin, ZM et Sharpnel. Ils seront à Bordeaux  le 8 juin mettre le zbeul à Bordeaux pour la soirée Pimp My Rave de Demain Kollectiv, avec Paul Seul et Krampf.

Barbe_Noire sera à la Darude X Jeudi OK le 27 et certains promettent de continuer « à sortir de jolies tracks ».

1 commentaire

  1. Pour une fois que vos nouvelles recrues ont l’air d’avoir réfléchi avant d’écrire. Bravo Champion, ça change de Laura Palmerde (d’ailleurs on le ? la ? voit plus trop ici)

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