7 janvier 2013

JOHN THE CONQUEROR
A la (re)conquête de l’ouest

Ce trio de Jackson, Mississippi, a choisi de revêtir les habits de la mémoire en hommage à cette icône qui hante le folklore afro-américain depuis de nombreuses années. L’histoire raconte que John The Conqueror était un prince Africain arraché à ses terres, violenté et cassé par ses nouveaux maitres. L’Amérique n’était pas une destination pour tout le monde. C’était aussi une terre d’esclavage, d’humiliation et de spoliation. Une terre où des hommes n’étaient plus des hommes, une terre de déportation et de négation de l’humanité. Comme un symbole, celui d’un peuple qui n’a jamais oublié ses racines, John The Conqueror a résisté. On lui attribua des pouvoirs magiques quasi chamaniques. Son histoire transmise de génération en génération finira par trouver une caisse de résonance dans le blues sous la plume de Bo Diddley qui le fera pactiser avec le diable, ou encore celle de Robert Johnson qui chantera les louanges de ce personnage métaphorique et mystérieux. John The Conqueror ne fait pas un paragraphe dans l’histoire américaine officielle, mais il habite l’imaginaire collectif des noirs américains.

Ce n’est donc pas un hasard si un groupe de blues américain porte le même nom, et c’est encore moins une surprise si ce premier LP chez Alive Records s’ouvre sur des chants d’esclaves en train de taper la pierre. Le prélude de I just a wanna nous replonge dans la bande originale de O’Brother, les bondieuseries en moins. Fondé par Pierre Moore et son cousin Michael Garden à Jackson en décembre 2010, John The Conqueror trouve sa forme définitive un mois plus tard à Philadelphie en la personne du bassiste Ryan Lynn. Les événements s’enchaînent rapidement avec un premier concert trois mois plus tard et deux EP dans la foulée. Après seulement une année d’existence, Alive Records leur propose de sortir leur premier LP, sorte de Graal pour n’importe quel groupe de garage blues US quand on connaît la qualité du catalogue de la maison. Hier les Black Keys, Brimstone Howl et les Black Diamond Heavies. Aujourd’hui James Leg, Left Lane Cruiser et les Henry Funeral Shoe.

À l’heure où toutes les voix du blues noir américain s’éteignent les unes après les autres et que je n’ai pas encore fini de pleurer la disparition de RL Burnside, que je me prépare à la mort imminente de T-Model Ford ou Andre Williams, les JTC s’affirment comme une relève crédible mêlant la tradition vocale du blues à l’énergie rock sudiste, rêches et âpres comme la douleur archaïque que laisse l’esclavage au fond de la gorge. Southern boy agresse l’auditeur à l’aide de riffs bien sentis et d’un tempo enlevé qui va même jusqu’à flirter avec le grunge de Nirvana sur le refrain alors que Lucille ou All Alone forcent la comparaison avec le duo d’Akron, les Black Keys.
Mais les similitudes s’arrêtent là. Pierre Moore et ses acolytes font beaucoup moins de concession dans leur musique. Vous n’entendrez pas de cœurs de filles ululer en se tenant par la main avec des  »ouh la la ah » à chaque titre, ou des sortes de refrains niais construits pour les publics de stade ignorants aux comportements moutonniers. La communion à moindre coût quasiment aussi efficace qu’une reprise des Beatles dans un pub de Liverpool où un  »Paris on t’encule » au Stade Vélodrome. Ici, les premiers titres de l’album éponyme nous campent les pieds sur terre, dans la boue, leur musique n’est pas faite pour rêver. On pense au blues de Rl Burnside où Junior Kimbrought, la noirceur et le désespoir habitent chaque note, chaque parole. JTC ne fait pas dans la dentelle et lorsqu’un titre s’ouvre sur une ballade pour midinette telle que Time To go c’est pour mieux surprendre l’auditeur en cours de route avec des riffs affûtés. Les histoires d’amour finissent inlassablement aux caniveaux dans le blues et JTC ne déroge pas à la règle. Certains passages plus chaotiques, plus noise, nous rappellent que Pierre Moore a fait ses armes dans un groupe de post-punk bruyant (Slack Republic). Ce passé de petit sauvageon ingérable enrichit la palette musicale du trio qui fait plus que faire tourner la traditionnelle grille de blues agrémentée de solo à la technique épuisante sans saveur comme savent si bien le faire les Clapton et consorts. Virtuoses de l’inutile.

Le trio peine à tenir la distance et l’album s’essouffle sérieusement après le sixième titre. La chute débute avec Come home with me qui lorgne du coté du blues anglais sans grand succès et finit par définitivement s’embourber dans la médiocrité avec Letter of intervention, véritable purge de presque quatre minutes dignes de figurer sur un album de Nickelback. Hormis ces deux écueils que l’on mettra sur le compte d’un premier album, John The Conqueror se pose en véritable héritier du blues-rock américain, la hargne en plus. Seul un second album nous dira ce qu’il adviendra de ce groupe.

John the conqueror // ST // Alive Records
En concert au MoFo Festival le 25 janvier 2013

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