Hervé-Pierre Gustave (connu sous l’acronyme HPG) a marqué le monde du porno. Acteur dans plus de 600 films (à vérifier quand même), importateur du gonzo en France, il a décidé ces dernières années de tourner le dos au cul pour se lancer dans le cinéma dit traditionnel. Après « On ne devrait pas exister » et « Il n’y a pas de rapport sexuel », HPG invite l’ex-pensionnaire de la Comédie-française Rachida Brakni et le King Cantona devant sa caméra pour son premier long-métrage de fiction, « Les Mouvements du Bassin ». Pour cerner celui qui a construit sa vie sur l’image (devant et derrière), rien de tel qu’une interview en séquences vidéo. Moteur ! Action !

Gonzaï : Certaines séquences de votre film rappellent le travail de Gaspar Noé sur Irréversible. Est-ce un réalisateur important pour vous ?

HPG : Noé est un réalisateur très important pour moi, je suis très proche de son travail, ce qu’il dit me touche beaucoup, j’adore tout ce qu’il fait. Ce n’est pas pour ça que je veux essayer de le copier. Mais j’admire son cadre et la mobilité de sa caméra. Irréversible m’a beaucoup touché. Je crois qu’il a écrit très peu de pages pour le scénario, c’est une force de Noé. Moi, je n’en suis pas capable, donc je suis admiratif, il me pousse vers le haut. D’ailleurs, j’ai passé un casting pour la scène de viol avec Monica Bellucci mais j’ai pas été retenu…
Pour Les Mouvements (la scène de drague avec Rachida Brakni – NdlR), je voulais un plan séquence, parce que j’aime la fragilité qu’ils imposent. La difficulté était de partir d’un point A pour aller à un point B, et d’en faire une scène de comédie en plan séquence. C’est l’exercice que je me suis imposé, parce qu’il est sans filet et les comédiens doivent bien jouer. J’ai fait passer un casting à tous les beaux gosses du cinéma français, ils étaient tous nuls. Et puis je suis tombé sur Alexis, qui a une virilité immédiate et une dangerosité. D’ailleurs, il a tellement bien bossé son rôle le soir dans sa chambre d’hôtel que la police est venue pour vérifier s’il n’était pas en train d’agresser une fille dans la douche. Il répétait la scène qu’il devait jouer avec Rachida Brakni le lendemain. Je pense que ça a bien fonctionné entre les deux. La base, c’est de prendre des bons comédiens, surtout quand on fait un plan séquence. On ne peut pas s’en sortir par un champ contre-champ, alors il faut que tout soit bien. C’est comme Lars Von Trier, je vais voir tous ses films, parce que ce sont des exercices cinématographiques. En plus, c’est quelqu’un qui ne fait pas dans le bon sentiment, et la fin de ses films n’est pas forcément un happy end. Il décrit la vie avec brutalité et sans censure, c’est quelqu’un qui se censure très peu d’ailleurs. Et j’apprécie ça.
Et j’en profite pour faire passer un message à Noé. Il n’habite pas très loin de chez moi et il est venu me taxer des cassettes de mes films Les Femmes matures (des films x), mais il ne me les a jamais rendues. C’est un grand fan des Mamies perverses et moi un grand fan de ses films.

J’ai appris que vous aviez joué dans cette adaptation d’Olivier Py, et je crois avoir vu son nom dans le générique des Mouvements du Bassin. Est-ce un homonyme ?

Eh bien ça m’aurait fait bien marrer qu’Olivier Py travaille à la régie de mon petit film à Nantes, alors qu’il dirige des opéras dans le monde entier. Mais non, c’est un homonyme. Par contre son travail m’a inspiré, les changements de décor à vue m’ont beaucoup inspirés. Et Tannhäuser a effectivement fait un scandale. Je jouais le rôle du Minotaure, en érection. Olivier Py cherchait quelqu’un qui puisse bander sur scène mais qui ne soit pas qu’une érection sur scène non plus. La rencontre s’est faite très facilement : qui d’autre que moi aurait eu envie d’aller jouer, en étant très mal payé, un membre érectile sur scène pendant deux mois en Suisse, hein ? Les gens me prenaient pour un branquignol, mais il n’y avait que le branquignol qui arrivait à le faire. Être en érection au bon moment sur scène tous les soirs, ça n’était pas évident, surtout dans un contexte tel que celui-ci.
D’ailleurs pour l’anecdote, j’étais caché derrière un paravent, et j’ai demandé à avoir le même pupitre que le chef d’orchestre avec des liserés d’or, pour que je puisse poser ma partition qui était une revue érotique. Ces aventures sont autant de scènes à transformer qui vont me servir pour mes futurs longs métrages, des histoires passionnantes. C’était une expérience très intéressante pour moi, qui a renforcé l’amour que j’ai pour l’opéra. J’en garde un excellent souvenir, sauf que quelqu’un de ma famille s’est dit « enfin il arrête de faire du porno », tout ça pour me voir nu en érection sur scène. « Décidément, ce garçon ne peut pas être sauvé… »


Dans Les Mouvements du Bassin, il y a des séquences où vous exécutez des pas qui font penser aux chorégraphies animales, instinctives, intuitives de Pina Bausch. Comment vous situez-vous par rapport à la danse, un art qui s’intéresse éminemment au corps (comme le porno, dans un genre différent) ?

Je me sens proche de la danse, parce que c’est le langage du corps et depuis vingt cinq ans je fais du porno qui, quoi qu’on en dise, est une forme de langage également corporel, hyper corporel. Mais toutes les danses m’attirent. Ces petits pas dans Les Mouvements du Bassin ont été faits parce qu’avec une partie de l’équipe technique — dont le premier assistant réalisateur (une brelle, mettez ça, mot pour mot, la brelle qui était mon assistant réalisateur) et l’assistant du chef opérateur — on ne s’est pas du tout entendu. À tel point que, par deux fois, ils ont voulu arrêter de filmer, ils ont posé la caméra et le matériel. Donc les chefs de poste n’étaient pas au rendez-vous sur ce film. Ma façon à moi de dire « je fais ce que je veux, je reste maître de mon film », ce sont ces séquences de danse. Comme d’habitude quand les esprits étroits se moquent de vous, en général c’est ce que l’on finit par garder, à tel point que c’est devenu une sorte de trame narrative du film, ces petits pas. Si j’avais écouté les bien-pensants et l’étroitesse d’esprit de pas mal de gens sur le tournage, eh bien ces scènes, je ne les aurais même pas tournées.
Avant, je croyais qu’il fallait que je m’isole du monde pour faire un film, mais en fait il est bon que je puisse répondre à mon téléphone portable entre deux prises pour régler les problèmes, parce que je dirige aussi une société qui fait des films X. Donc je suis complètement immergé dans la vie, je ne sépare pas vraiment les fonctions, tout est lié. De toute manière, vu que personne ne m’embauche, il faut bien que je produise et réalise mes films. C’est un tout. Étant un être plutôt instinctif, ça me fait marrer d’être pris pour l’intello du porno. Si moi je suis l’intello du porno, j’imagine quels sont les gens dits un peu stupides. Enfin bon…


Pourquoi avoir choisi Éric Cantona pour vous donner la réplique ?

Perso, je n’aime pas le foot. Je ne connaissais pas Éric Cantona. C’est Gwenaëlle Baïd qui a eu cette excellente idée. Elle a choisi ce mec-là parce que, me connaissant, elle savait très bien que j’aime les enfants dans des corps de brutes. Éric n’étant pas venu pour l’argent, ce rôle l’intéressait. Et ça s’est très bien passé. Quand j’avais des idées folles, il n’appelait pas son agent pour lui demander son avis. Dans mon film, il est lâche, bête, fasciste. Je pense que ce défi l’intéressait. C’est pour ça que Gwenaëlle a également trouvé Jérôme Le Banner. Elle savait qu’avec un mec comme moi, il fallait d’abord qu’on s’entende bien. Après, on se débrouille sur le tournage. Ce n’est pas une question de technique.

Votre film a pour thématique centrale la paternité (et la maternité). Pourquoi ce choix ? À la manière de la pub, comment expliquerez-vous un jour votre carrière de hardeur à votre fils ?

L’idée du scénario, c’était de s’intéresser à ce dont je ne veux pas parler, par peur ou par inexpérience. Pour moi, eh bien c’était la paternité, et parler d’une femme qui attend un enfant. Là où je ne veux pas regarder, c’est là où j’essaye de regarder pour ne pas rester dans mon inculture ; j’essaye de regarder mes peurs pour devenir moins con. J’en sais beaucoup plus sur la paternité depuis peu. Mais par contre je ne vous en dirai pas plus… Cette partie de ma vie est privée et surtout je tiens à protéger la vie privée d’une autre personne, donc je m’arrêterai là. Quant à ma carrière dans le porno, le principal quand on a un enfant, c’est de lui donner l’amour. Être hardeur est un moindre mal, le pire c’est d’être raciste.

HPG // Les Mouvements du Bassin // En salles

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