Guided By Voices est ce diamant inaltérable qui vit dans sa propre dimension, qui resurgit, inaltéré à travers les âges. Les occasions d’écouter un album de Guided By Voices – en fait toujours un peu le même – sont nombreuses; Guided by Voices c’est toujours la même chanson vu d’un angle différent, racontée autrement, qu’il s’agisse d’un homme qui a froid, d’un autre qui va partout avec son hélicoptère, ou encore cette histoire de Fédéral Bureau Investigation de l’adolescence. Toujours la même histoire.
Celle de Robert Pollard, en tee shirt à cloche pied, un, deux, trois, saut double talon aux fesses à droite enchaîné avec un simple talon fesse gauche et lancer de jambe à la tête, est atypique. Ouf le riff part, ça descend dans le pelvis, les hanches s’animent, menton en avant, la chanson est solaire, combien y’a-t-il de songwriters capable d’en pondre comme ça? Robert est toujours là, juste plus gros, plus dégarni et plus grisonnant.Mais la voix est immortelle. Car la vie est ainsi faite: il y a d’un côté les stars sexy et de l’autre Robert Pollard. Faut dire qu’il n’a jamais vraiment fait trop d’effort de look, lui est resté sur le mode je suis un psychotique déficitaire et si je trouve un survêtement à enfiler avant d’aller sur scène ça ira déjà pas mal. En effet, c’est pas mal.
Donc il y a ce garçon qui fait des chansons sublimes comme il aurait pu vendre des Opel Vectra à Clermont Ferrand, il pète les scores, c’est clairement l’employé du mois.
Pourtant, sa destinée est obscure. En fait, je n’ai jamais croisé quiconque connaissant Guided By Voices. Bon c’est peut être moi qui ait un peu trop travaillé mon petit côté psychotique déficitaire social, mais en France, les occurrences de Guided by Voices dans mon univers culturel sont… limités à deux choses. A savoir la musique du générique de Buffy contre les Vampires avec le morceau Teenage FBI, puis les romans de Dennis Cooper, principalement et peut être uniquement Guide. Mais ce n’est pas un hasard, surement pas.
Guide est un livre où pour les besoins d’un film pornographique sans gros budget et impliquant de jeunes adolescents, il devient nécessaire de convaincre un des protagonistes de l’affaire d’être démembré devant la caméra par un nain priapique qui ressemble de dos à un enfant. Extrait: « le porno avait un… je ne sais pas, un charme, étrange, stupide, magique. Je crois que c’était surtout dû au fait que je voyais un nain, avec tout son bagage de conte de fées« . Le tout se déroulant dans l’apathie narcotique de gens déjà mort ou presque, du moins suffisamment pour qu’ils se posent de façon sérieuse la question (« Chris se droguait d’une manière globalement suicidaire depuis des années, ce qui amusait plutôt ses amis.« ). Tout ça en écoutant des morceaux de Guided by Voices. Ou de Sebadoh, groupe préféré de Dennis : « Spoiled children soon to fall / Freedom is the lie we live / We will wait for tragedy /And scatter helpless to the fire / Sorry for ourselves / Sorry for the things we’ve seen« .
Pourrir l’innocence, ou l’innocence détruite, pas de tueuse de vampire pour se débarrasser des méchants loups dans l’éclat des Guided By Voices. Enfin c’est sympathique quand même, ce n’est que de la littérature, d’ailleurs même lorsque sur son blog Dennis Cooper compile de façon obsessionnelle des matériaux inappropriés, nulle ne pourrait lui en tenir rigueur. Ah oui j’oubliais, il habite à Paris et a écrit un des livres les plus saisissants de ces dix dernières années, The Sluts.
Bien. Ceci étant dit, je n’ai toujours pas évoqué le dernier album de Guided by Voices. Ce que j’aurai pu ou du faire. Mais pour rester vraiment dans l’esprit premier jet Lo Fi qui a toujours guidé Guided by Voices, j’en resterai là. Il y a certaines choses qui gisent dans la mémoire jusqu’à l’oubli, pour resurgir intact à travers les âges à chaque fois qu’une certaine formule magique est pratiquée : Guided By Voices est à la fois l’une de ces choses et l’une de ces formules magiques.
Guided by Voices // Let’s go eat the factory // Fire Records (Differ-ant)
http://www.gbv.com/