Tâche assez rude que de faire de la musique à se tourner les pouces à ce point-là. On imagine difficilement le mal que s’est donné Gruff Rhys pour enregistrer un album aussi fascinant qu’une collection d’échantillons de shampoings récoltés dans des hôtels.
Album de série ZZZ et plus si affinités, ou H.S. comme ses initiales. Hotel Shampoo est une petite bulle qui cause sans conséquence, qui fouille direct dans les plus obscures archives de la non-inspiration, elle-même bringuebalant un coup à gauche un coup à droite sans surprendre. Ou quand le bruit du tic-tac prend plus de place dans la hiérarchie auditive et laisse la musique lutter pour ne pas devenir un fond sonore. Pas gagné : beaucoup de riens pour bruit, raidi le Gruff de l’ennui.
Hotel Shampoo fait donc penser à autre chose, pas des réminiscences, pas les madeleines qu’on tremperait dans le café-sky non plus, pas des digressions, oh non, sinon l’espace idéal pour saisir la profondeur du fossé dans lequel ce cher Gruff a décidé de nous fourrer. Hotel Shampoo, c’est la démo d’un mec qui laisse son dentier à côté de l’armoire à gel douche, perdu entre le lit deux places et la salle de bain tiédasse, celle-ci servant de studio « pour le concept », et qui taperait en continu un délirium très mince, érectionnant mou du genou et soliloquant des âneries évidentes. Et la pub promo de ne pas craindre de se foutre du monde avec cette citation/promesse inventée « le meilleur album de Gruff Rhys » (…jusqu’à ce qu’on l’écoute – NDR), sentence à prévoir pour le prochain, certainement moins pire, mais restons-en là, à dire à qui veut l’admettre que le Gallois essaye encore. Essaye encore. Ou – si la faute vient de qui ne le comprend pas – s’y remettre plus tard quand le disque, long en oreille, aura gagné en maturité, mais même, laisser reposer c’est laisser crever donc non : mauvaise idée. Une autre : se dire que c’est l’incident de parcours, quand bien même on estimerait que Super Furry Animals et Neon Neon n’ont jamais été que des arguments bourratifs pour la bagnole de ta FM ou l’inverse. Même là, rien à faire. Surtout : retirés la furie et les néons, le squelette ne tient plus debout – les chansons s’en sont pendues l’âme. Qui, au micro de la french douche, les sifflotera deux fois en effectuant un minutieux lavage de cerveau ? Parce que voilà, on peut essayer de s’en convaincre ; Gruff Rhys, le titre du génie tordu, le songwriter malade, les neurones un peu bouffés par la créativité… N’empêche, le name dropping ne devrait pas permettre cet étalage de laisser-aller ; le premier essai de n’importe qui dans l’ombre aurait été déconsidéré pour moins que ça. Au fond, et si même Gruff se fatiguait à penser comme il chante ?
Hotel Shampoo. Un titre, c’est l’insomnie qui tape au coin de la porte, alors, crevé, Gruff pose deux-trois conneries pour passer le temps. Un deuxième titre, c’est la panne, le dimanche matin un peu à bout, l’envie de reprendre les choses à zéro, la semaine qui se prépare. Un troisième titre, ah, peut-être qu’un éclat de quelque chose viendra taper sur le système du sympathique chevelu : manque de bol, là aussi il va falloir encore trop se forcer. Un quatrième titre, le bain est prêt, la mousse n’a rien de lo-fi, c’est plutôt chic, bien propre, en somme du très mauvais bon goût, comme le reste, R.A.S (le bol). Pour le cinquième titre, c’est l’heure de passer aux choses sérieuses : Gruff retient sa respiration, plonge sous l’eau pour en ressortir pareil. A quoi bon. A la fin de l’album, il aura enfilé son pyjama trop cool, quant à moi, pas besoin de prendre de médicaments pour calmer une éventuelle surcharge d’adrénaline. Les pouces ont le tournis.
Gruff Rhys // Hotel Shampoo // PIAS
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