Le couple bien revenu de sa Nuit de Noce nous parle aujourd’hui de son dernier EP : un split de trois morceaux avec leurs copains de Police Des Moeurs, sur le label français Ateliers Ciseaux.
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent. Ainsi, à l’écoute rapide des premiers disques d’Essaie Pas, on ne peut s’empêcher de penser coldwave, Deux, ou la bande à Jacno, sans vraiment comprendre en quoi Pierre et Marie seraient légitimes au XXIe siècle. Pourtant, les jeunes mariés ont su trouver leur public dans le monde contemporain, comme si le besoin de séquenceurs et de paroles hypnotiques ne s’était jamais éteint. Entre un live avec Xeno & Oaklander et autres shows en studio, Essaie Pas explique gentiment : « Nous n‘avons jamais conceptualisé notre musique, il ne s’agit pas de rendre hommage à telle époque ou à tel groupe. (…) Nous aimons nous réapproprier les genres et jouer avec les codes, pour aussi les briser car le pastiche n’a pas d’intérêt. Nous espérons qu’à travers l’ensemble de ces « hybrides » proposés, se dégage l’honnêteté de notre cheminement personnel. »
Un manque d’honnêteté, c’est bien cela dont souffre la jeunesse élevée aux slogans publicitaires : il se développe une nostalgie de l’inconnu, car le passé est imaginaire, et les nouveaux nés recherchent déjà le temps perdu. La musique demeure, avec la littérature, un des rares ponts vers l’arrière et permet tant au public qu’aux artistes de définir certaines influences, pour mieux les dépasser « La nostalgie est un sentiment lié à nos vies personnelles. Par exemple avec la reprise d’Anne cherchait l’amour d’Elli et Jacno nous voulions rendre hommage au thème de la chanson, cet amour impossible, qui faisait écho avec notre propre histoire, plutôt qu’aux sons de synthés ou à l’époque en particulier ». Les émotions d’antan touchent nos sensibilités d’aujourd’hui, tandis que le présent s’écoule sans rien dire.
Marie réfléchit un instant « Nuit de Noce » sonne peut-être retro car c’est un assemblage de pièces composées avec de vieux instruments. À l’époque, nous avions que des synthés analogues un peu crasseux, et la guitare électrique de Pierre. (…) Par contre je n’ai aucun fétichisme pour les « sons rétros », j’aime aussi le musique moderne. Je pense que ça s’entend sur notre nouvelle pièce Retox ». Il est vrai, Retox symbolise la progression d’Essaie Pas et permet d’affirmer son langage. Les deux autres morceaux du Split, De Menthe Liqueur Part II et CCAARRCCAAJOOUU, sont sortis sur cassette il y a un an, sans trop faire de bruit, et pourtant : De Menthe Liqueur, hymne forcément intemporel mené par Davidson, a sa place dans les playlists de qualité. Les quatre premières minutes, sombres et oppressées, s’envolent dès la cinquième en arpeggios : « m’arracher » crie Marie, et c’est incroyablement juste. Plus tard, lorsque la chanteuse souffle le joli « ccaarrccaajjoouu… », on est perplexe un instant, avant de se laisser balader. « La réalité n’est pas toujours excitante et parfois elle peut être dure à avaler. Dans l’art on peut s’amuser, en tous cas moi je m’amuse ! »
Presque malgré eux, Pierre et Marie reflètent la douceur d’une photographie en noir et blanc : les synthés leur paraissent intuitifs, les vinyles singuliers, et les cassettes forcément adorables. Ces tapes, que l’on voit d’ailleurs se multiplier dans les réseaux underground, soulignent l’attrait pour l’objet physique au 21e siècle, parallèlement à la dématérialisation de la musique. Les sorties à tirages très limités, aux designs soignés, permettent finalement à un public en mal de sincérité de ne plus se sentir masse. « La création est un moyen de rester en vie. C’est notre manière de communiquer nos fantasmes, nos errances, nos contradictions. » En ce sens, Essaie Pas fait sa résistance, en 2014, sous les bombes invisibles.
Split Essaie Pas / Police des Moeurs dispo chez Atelier Ciseaux
https://atelierciseaux.bandcamp.com/
En concert le 16 septembre à l’Espace B (Paris)
3 commentaires
« Essaie pas » comme le « Don’t Try » de Bukowski ?
@Pierre, Bien vu !