Des synthés 80’s dansant à fond de balle sur fond de crise environnementale, avec le souvenir en filigrane de traumas personnels à flanquer des cheveux blancs au plus aguerri des psychologues : c’est ce que nous réserve Mega Bog avec son nouvel album « End of Everything », sorti ce 19 mai chez Mexican Summer.

Mega Bog, de son état-civil Erin Birgy, a eu une enfance digne des plus grands chef d’œuvres naturalistes américains. Élevé seule par sa mère couturière, après que son père ait été expulsé de l’Idaho pour avoir tenté d’assassiner sa femme, Erin Birgy passe sa jeunesse entourée de chevaux dans un spectacle de rodéo itinérant. À quinze ans, la jeune femme quitte le domicile et part vivre seule dans l’État de Washington. Là-bas, elle publie régulièrement dans un journal local quelques-uns de ses poèmes et des interviews d’inconnus, réalisées à l’improviste autour d’une tasse de thé. Par la suite, Erin devient Mega Bog et s’embarque sur une carrière musicale salvatrice et protéiforme, jonglant d’un genre et d’une influence à l’autre, façonnant ainsi au fil de ses projets une art-pop riche et intime. Pour son sixième album « End of Everything », Mega Bog propose peut-être son disque le plus direct et percutant.

Écrit et enregistré après une violente agression à son propre domicile, « End of Everything » sonne en tous points comme un appel au secours – ou le puissant souffle d’un cor de guerre, au choix. D’abord, la chanteuse s’inspire de ses propres traumatismes, sur The Clown ou Love Is, avant de plonger dans un questionnement plus global autour de la crise environnementale et la pérennité du monde : la symbolique est forte dans All and Everything où, derrière des rythmes et mélodies rappelant les jeunes exploits de Kate Bush, les images de ruines grecques appellent à un certain art de la rétrospective.

À mi parcours, Anthropocene (selon la définition du Larousse : « période actuelle des temps géologiques, où les activités humaines ont de fortes répercussions sur les écosystèmes de la planète et les transforment à tous les niveaux », le début de la fin donc) proposera une grille de lecture plus littérale qui pourrait être résumée en un cri : « I don’t want to die ».

Toutefois, malgré son ton sombre et hanté, « End of Everything » parvient à conserver une certaine légèreté, en s’ouvrant d’abord sur quelques morceaux entre new wave et italo disco. Cactus People a tout d’une collaboration oubliée entre Bronski Beat et Saâda Bonaire, dont les influences orientales se retrouvent aussi sur The Clown, Love Is et Don’t Doom Me Now. Comme un second chapitre, l’esthétique devient plus minimale et expérimentale à partir de All and Everything et Anthropocene, avant un Complete Book of Roses rappelant Blondie autant que « The Dark Side of the Moon ». Le titre éponyme clôture l’album sur une balade vaporeuse et contemplative, imprégnée d’un sentiment d’attente, comme un vestibule désert où résonnent encore au petit matin les échos d’une fête passée.

Dire que Mega Bog livre ici une œuvre particulièrement personnelle serait un euphémisme – et minimiserait l’écriture des albums précédents, qui constituent le long journal intime de cette artiste complète et accomplie qu’est Erin Birgy (qui sort d’ailleurs en parallèle son premier recueil de poèmes, The Practice of Hell Ending). Cela dit, « End of Everything » se démarque par un aspect plus construit et harmonieux que certaines de ses anciennes sorties, notamment l’excellent « Dolphine », dont le caractère plus expérimental pouvait parfois accentuer l’aspect contemplatif et éthéré. Et surtout, en creusant l’univers synth-pop et les influences 80s, le présent album réussit à enrober cette écriture réflexive et torturée dans l’atmosphère candide et hédoniste de ses influences, tissant cet univers au fil d’une narration et d’une production quasi opéra-rock. Et derrière cette naïveté apparente, la violence, la cruauté et l’incertitude subsistent comme un désenchantement : des ruines de l’ancienne Grèce aux feux de forêt de Los Angeles, la fin annoncée plane comme un spectre sur la nostalgie et l’insouciance.

Mega Bog // End of Everything // Mexican Summer, paru le 19 mai
https://megabog.bandcamp.com/album/end-of-everything?from=fanpub_fnb

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