Ils aiment les femmes badass et le cinéma, les serpents et les escargots, James Bond et Jack Black. Autant dire que les Dust Lovers sont des anguilles: jamais là ou les attends. Qu’ils infiltrent le stoner, le rockabilly, ou le punk, lâchez les dans un genre, ils l’électrisent. En 2016, pour leur entrée en matière, ils inventent le stoner spaghetti. Cinq ans plus tard, leur nouvel album « Fangs » mord le rock de crooner à la jugulaire pour mieux le regarder se déhancher. Passage en revue d’un groupe plus vorace qu’il n’en a l’air.
2015, la scène Stoner parisienne est en flamme. Deux à trois fois par mois, les Stoned Gatherings enchainent les soirées de gros poilus énervés qui braillent en short ou de grands serins filiformes qui minaudent en pantalon pattes d’eph. Ce soir, débarque entre deux ce quatuor qui ne paye pas de mine. A l’époque, ils sont encore The Texas Chainsaw Dust Lovers. Au départ ils font un peu les timides mais d’entrée les enjeux ne sont pas les mêmes, groove et swing s’imposent, mélangent pop et banjo, sortent des sentiers battus. Un saxophone fait même son entrée. Pour un public habitué à ouvrir sa canette avec les poils de ses dessous de bras, la note cuivrée surprend, rappelle au passage qu’on a pas besoin mettre le marcel d’Eole pour balancer des bourrasques. Ils resteront la belle surprise de la soirée.
« On arrive pas à faire des morceaux feel good , c’est un peu comme si on ressentait le besoin d’incorporer un côté plus étouffant à nos musiques ».
Quand sort Me and The Devil, la curiosité de voir ce que vaut le format studio est vive. Le nom du groupe est à rallonge, son hommage évident. Le mélange entre cinéma et musique assume totalement ses artifices: grandes plaines, mariachis et cuites au mescal au coin d’un feu autour duquel rodent coyotes et crotales, créant au passage le genre du stoner spaghetti. Associés au diable, ils nous emmènent beaucoup plus loin que la simple parade auquel les hommages à Queens of The Stone Age ou Ennio Morricone prétendent. Entre quelques tubes à l’efficacité redoutable, des ballades appellent l’esprit de Robert Johnson, son blues habité, son folk torturé. Un cheminement riche, prenant, efficace juste ce qu’il faut, gras sans être balourd autant qu’un rock en pleine crise d’ado, qui aime se bourrer la gueule et faire des doigts aux vieilles en se tirant avec leur sac à main ou en shootant dans leurs déambulateurs.
L’album d’après, ils continuent sur leur lancée avec le très explicite Film Noir. Ici un aspect de leur musique devient une évidence: le cinéma n’était pas qu’une porte d’entrée, il marche définitivement main dans la main avec la plupart de leurs compositions.
La musique sonne comme la BO d’un film perdu, intemporel. Un peu comme si au moment de creuser, ils avaient retrouvé le son mais pas les images. Alors chacun regarde dans l’oeilleton de la caméra et se projette : quand certains imaginent le disque comme la BO d’un film de Tarantino, d’autres commencent à penser qu’ils ont un peu le cul entre deux chaises. Ce qui faisait le sel du premier album tourne un peu en rond. Les Texas Chainsaw Dust Lovers aiment le stoner, c’est un fait, mais l’assument-ils vraiment ? Entre country, bluegrass et punk, ils s’avèrent finalement bon quand ils font comme dans l’infanterie et se tire ailleurs. L’album enchaine malgré tout les tubes dont un, qui honorera quelques scènes de la série Netflix Marianne.
Les esprits s’échauffent et la musique s’aère. Le groupe quitte Paris pour Nantes, joue aux chaises musicales avec son line-up. Le nom lui aussi change: exit la référence au Texas et à ses tronçonneuses. Clement, le chanteur: « On avait vraiment un nom trop à rallonge, qui évoquait les films d’horreur, l’Amérique avec un grand « A »… Aujourd’hui, on s’est un peu éloignés de tout ça. En général, le public français n’y comprenait pas grand-chose ou alors il avait du mal à le retenir. » Ils deviennent les Dust Lovers. L’amour n’aimera que le poussière ou n’aimera pas. Ils font quelques dates, dont un Hellfest en 2018, se font tailler par les barbus de la première heure avec ce nouveau blase. Un mois avant que le monde ne parte en confinement, ils sortent leur nouvelle mouture, intitulée Fangs. Comme si le groupe avait été mordu par un loup-garou et attendait, chancelant, t-shirt trempé de sang, que son heure vienne. « Fangs » est l’album de la transformation, un soir de pleine lune ou poussent les poils drus et les canines ardentes.
En deux entrées bien senties, avec Révélation et Born to Lose, ils montrent qu’ils peuvent rester les mêmes pour mieux surprendre. Le rock est efficace, la basse omniprésente rappelle aux belles heures de Film Noir, la lourdeur en moins, la force du hit en plus. Ce n’est qu’à partir de Night Cruising qu’une nouvelle donne fait son apparition et affiche fièrement ses nouveaux oripaux: de Higer Desire à Night Fight en passant par After a Thousand Years, the Vampire Finally Dies Alone, les claviers, bienvenues, s’amusent sans s’emmêler les synthés dans le tapis.
L’imaginaire mute, les échos des films de Murnau ou John Carpenter résonne régulièrement, le bayou humide se transforme en ruelles mal éclairées et l’album habille son monstre transgenre, qu’il soit une vampire ou un loup-garou, d’une voix de crooner sous une veste à patch et une paire de Ray-Ban.
Sous les paillettes, le noir : la musique n’exclut jamais de se faire du mal. Un coté sombre qu’ils revendiquent ouvertement. Chris, le batteur: « On arrive pas à faire des morceaux feel good , c’est un peu comme si on ressentait le besoin d’incorporer un côté plus étouffant à nos musiques. » La mâchoire est maintenant ouverte et les dents plantées. Quand la nuit sera passée, ou nos amis garous vont-ils se réveiller ?
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hellcome aux novo craignousses of the weeek