Marc Caro, né le 2 avril 1956, est un cinéaste et dessinateur français surtout connu pour ses œuvres de cinéma co-réalisées avec Jean-Pierre Jeunet. Les deux ont écrit et réalisé trois courts métrages ainsi que des longs métrages cultes comme Delicatessen et La Cité Des Enfants Perdus. Mais ce que peu de gens savent, c’est que Marc est aussi musicien, il a commencé en 1977 dans un groupe de punk bruitiste nommé Parazite avec lequel il fera la bande son du Bunker De La Dernière Rafale en 1981. Son retour au son avec MonoB & NoroE (+Closer²/UPR) est donc un événement rare dont nous avons pu discuter, en totale exclusivité pour Gonzaï.
Marc, en 1977 tu jouais déjà du synthé dans Parazite, on a pu entendre tes sons apocalyptiques dans ton premier court métrage tourné avec Jean-Pierre Jeunet en 1981 (Le bunker de la dernière rafale) et j’ai pu voir que tu avais participé à d’autres projets ultra confidentiels comme Robonom ou Cosmophonic dans une période plus récente. C’est quoi la différence entre tous tes travaux sonores passés et ce nouveau projet avec Gaël Loison (NDLR : Maman Küsters, Dale Cooper Quartet & the Dictaphones) ?
Marc Caro : Le bruit a toujours été une passion pour moi… un espace d’exploration sonore que je dois à Luigi Russolo, Pierre Schaeffer, Brian Eno, Daniel Miller et bien d’autres… j’ai eu la chance de commencer au début du punk ou le coté DIY m’a tout de suite emballé. Participant toujours à la bande son de mes films, j’ai pu suivre l’évolution de la musique électronique, son passage de l’analogique au numérique. Après une période industrielle et des expérimentations avec les logiciels de l’IRCAM et du GRM, je me suis de nouveau enthousiasmé avec l’Acid house de Chicago et la Techno de Détroit. A présent c’est un retour aux sources avec l’explosion de la lutherie électronique et mon addiction aux synthétiseurs modulaires. Suivant les rencontres, mon éclectisme musical me permet d’explorer la matière bruitique dans tout son spectre.
A quoi pensez-vous quand vous créez vos longues pièces sonores ? Une question pour tous les deux, quels autres musiciens vous ont inspiré pour ce projet ?
Marc Caro : Ces pièces sonores ont été mises-en-œuvres pour les Lives au Superbooth de Berlin, au festival Kontaktor de Riga et au SynthFest de Nantes. Elles sont accompagnées d’images faites pour immerger le public dans un univers visuel et sonore. Pour l’inspiration je reviens toujours à la musique concrète de Pierre Schaeffer, le son et lumière pourraient être une version dark et minimaliste de Jean-Michel Jarre, mais surtout sans harpe laser !
Gaël Loison : Comme l’a dit Marc, ses morceaux ont été créés pour être joués live, ils sont mouvants, ils peuvent durer le temps qu’ils veulent, c’est dans le jeu que ces sonorités se développent, pour l’inspiration c’est l’accumulation de ce que j’ai pu écouter depuis très longtemps, cela sort forcement de quelque part.
D’où viennent ces machines que vous utilisez pour les live et l’album ?
Marc Caro : Pour ma part j’ai accumulé pas mal de machines depuis 1977… Puis j’ai eu la chance de rencontrer Gaël avec qui nous avons un amour commun pour la saturation, le germanium et les lampes, aha. Il me fait l’honneur de customiser certains de ses modules et pédales afin que le son fasse très mal aux dents. Il y a aussi Yves Usson, un autre génie du modulaire, qui m’a concocté des modules spécifiques ; un polyrésonateur pour onde Martenot et l’illyusophone.
Gaël Loison : Je joue avec un modulaire que j’ai construit en grande partie moi-même, associé avec d’autres modules de fabriquant dont j’aime les instruments (Endorphin.es, Erica Synths, Eowave, Befaco, 4MS, XAOC devices… et les kits de Thonk…). J’utilise aussi un sampler Elektron avec des échantillons sonores fabriqués en studio, parmi ces samples on retrouve aussi des pièces sonores de musiciens qui sont passés par mon studio, comme Zalie Bellacicco (voix, cris), la guitare et les effets de Stéphane Kerihuel (enregistré il y a plus de 10 ans !) et des sons de basse électrique joués à l’archet par Shri Sriram (de Badmarsh & Shri).
Avec ton premier long-métrage Dante 01., ton travail dans le cinéma s’est fait beaucoup plus rare, as-tu des projets cinématographiques en cours ou as-tu décidé de revenir uniquement à tes premiers médiums d’expression comme la musique, le dessin, la peinture ?
Marc Caro : Comme vous devez vous en douter, il est très difficile de trouver le financement pour des films de Science-Fiction dans notre belle patrie… comme je ne me sens pas l’humeur de me lancer dans la comédie à la française, je me tourne plutôt vers le cinéma immersif, et la série web qui laisse encore pour le moment un espace à l’expérimentation, mais c’est un circuit plus confidentiel.
Marc, j’aimerais avoir ton avis sur le cinéma actuel. Quel réalisateur aujourd’hui et quel genre de films trouvent grâce à tes yeux ?
Marc Caro : Quel paradoxe… Bien que le nombre de films produits ait énormément augmenté… Statistiquement parlant il n’y a pas plus de bons films ce qui est bien regrettable. Mais heureusement chaque année il y a quelques petites perles comme The Lighthouse (Robert Eggers) ou A Beautiful Day (Lynne Ramsay)
On vit une époque particulièrement anxiogène. Que penses-tu du monde actuel et de l’avenir ?
Marc Caro : C’est peut-être le moment de se remettre en question… pour ma part je suis parti m’installer à la campagne… un retour vers Mère Nature et mes synthés !
Dans un même registre que penses-tu de ce qui va advenir du spectacle vivant, des concerts et soirées qui risquent de disparaître pour de bon si le Covid-19 continue de nous emmerder ?
Marc Caro : Là aussi, il va être nécessaire de changer nos habitudes et de trouver de nouveaux moyens d’échange et de partage… peut-être nos clones pourront faire les concerts à notre place ?
Que signifie cette pochette à la fois organique et proche d’un vomi de particules dans un accélérateur du CERN au moment du big bang ?
Marc Caro : Comme nous voulions être sponsorisé par Bayer & Monsanto, ce sont quelques images OGM de promotions des scandales phytosanitaires et écocides de cette compagnie. Mangez Roundup Bio et mourrez !
MonoB & NoroE // Exorganics // CD limited edition deluxe (+Closer²/UPR)
https://hivmusic1.bandcamp.com/album/monob-vs-noroe