Il y a 4 ans, le mec chantait des chansons comme "We all Gonna Die", "Oh god I'm so lost", "Nobody's happy now " ou "Nothing's gonna get any better", de quoi faire rougir de jalousie Michel Houellebecq. Et comme notre gus a pour habitude de coucher ses propres sentiments sur le papier, on se faisait un sang d'encre. Epigone pop de Kurt Cobain à la consommation effrénée de produits non recommandés par votre médecin généraliste, Christopher Owens est le genre de brin d'herbe fragile qui peut clamser à tout moment. Et le fait qu'il sorte un nouveau truc, bon au mauvais, est donc déjà une très bonne nouvelle en soi.

L’autre bonne nouvelle (roulement de tambours), c’est que notre ami dépressif a pris la bonne décision, cette fois. Après deux disques un peu foireux, entre l’acoustique « Lysandre » et le catholico-country « A New Testament », Owens revient aujourd’hui à ce qu’il sait faire de mieux : la pop. On est (enfin) revenu au niveau de Girls, duo où il officiait jusqu’en 2011 et dont l’épitaphe « Father, Son, Holy Ghost » avait renversé tout le monde par sa beauté noire. Si ses débuts en solo furent compliqués, il semble désormais pouvoir se démerder tout seul.

Loin de se morfondre dans son coin, Owens a su tiré partie de son côté borderline pour faire de la putain de musique. Comme dans l’album de Girls cité plus haut, les chansons de « Chrissybaby Forever » sont troussées avec une extrême sincérité : une mise à nue quasi-totale de l’artiste-chanteur. Ce mec ne se cache pas derrière des effets de manche artistique, des jeux de mots à deux balles ou des histoires à dormir debout. Non. Avec l’honnêteté la plus crue, il nous raconte par le menu son quotidien, celui-ci étant aussi proche de l’American Dream que le Pape François de se faire tailler une bonne pipe. Un homme bien de son époque, complétement paumé, qui alterne à l’envie des phases de grosse déprime avec des instants extatiques. Bipolaire, son dernier album est comme sa vie, écartelée entre mélancolie suicidaire (Another Loser Fuck Up, Waste Away, Selfish Feelings) et jouissances éphémères (What About Love, Me Oh My, Susanna). Et le résultat est grand : en foutant son extra-sensibilité en musique, le père Owens nous sort de sacrés moments de bravoure, qu’il singe admirablement les crooners rockabilly dans l’ode à la dope Heroin, où qu’il nous torche une ballade déchirante, une spécialité maison, sur Coffee and Tea.

Chris l’a bien compris, la vie et la mort sont les deux faces d’une même pièce : « don’t be afraid to live, don’t be afraid to die ». Et le plus incroyable c’est qu’il en veut encore, malgré ses déboires :« I wanna live, I wanna be free ». Mais au fait, pourquoi nous raconte-t-il sa vie ?

Pour répondre à cette question, donnons la parole à un autre artiste buriné amateur de récits autobiographiques. Un certain Bukowski : « Ben je parle de ma vie parce que c’est ce que je connais le mieux, en fait.. ». Ca tombe sous le sens, hein ? Plutôt que de s’inventer des histoires extraordinaires qu’ils ne vivront probablement jamais, ces gars là s’en tiennent à un récit clinique de leurs jours et de leurs nuits. La vie, la vraie : « Open my mail, coffee and tea ».

If you got a song, go on and sing it !

En l’occurence, Chris’ Owens ne se pose même pas la question, c’est ce qui sort en premier. Des chansons ultra-personnelles embaumées dans un écrin bien classieux, entre son jeu de guitare épuré et précis comme une horloge suisse et des arrangements minimalistes et efficaces, avec des choeurs blacks à l’ancienne qui appuient là où ça fait mal.

Si une maxime bien connue affirme que tous les adultes, même Niko Sarko et mon grand-père, ne sont en vérité que des grands enfants, baby-boys camouflés dans un grand corps inconfortable, Christopher Owens est un des rares à l’assumer complétement, en foutant comme titre d’album ce qui fut sans aucun doute son blaze quand il était môme : « Chrissibaby, rentre à la maison! ». Un gosse qui a pris son temps pour écrire. « Deux jours par semaine durant quatre mois », raconte-t-il à KEXP, tout en se passant la main dans les cheveux. Et il a bien raison.

Après avoir fait les montagnes russes émotionnelles sur 15 chansons, Owen clôt ce nouveau chapitre sur une bonne résolution : To take care of myself again. Prends-soin de toi mon vieux.

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